Cette pièce qui fait évoluer côte à côte une victime de la rafle du Vel d’Hiv, Michel Jonasz, et une victime d’un contrôle au faciès qui a mal tourné, Samy Seghir, est faite sur mesure pour Marine le Pen.
J’avais réservé des billets pour la pièce « Les fantômes de la rue papillon » depuis plusieurs jours, avant les déclarations de MLP, et je l’ai vue dimanche 9 avril. Curieuse coïncidence.
Un fantôme erre depuis plus de 70 ans devant le 4 rue papillon où il a été abattu par un policier français lors de la rafle du Vel d’Hiv. Il attend toujours de revoir les membres de sa famille qui sont montés dans le camion, sa femme et deux de ses enfants, et sa plus jeune fille qui a par miracle échappé au voyage, et qui est restée avec la gardienne. Il ne sait rien de tout ce qui s’est passé depuis, et sa patience est bien sur infinie.
Un beau jour un jeune beur est contrôlé par des policiers devant lui, ce contrôle tourne mal, un des policiers visiblement raciste et excité tire sur le gamin, devant le 4 rue papillon, et il surgit dans cet entre deux mondes, sans comprendre ce qui lui est arrivé. Il est accueilli avec bonheur par le vieux juif, et l’histoire entre Joseph et Aïssa va se dérouler devant nous.
C’est une pièce dont le sujet m’avait plu, et si par moments j’ai craint que tout ça ne dérape et ne s’enlise dans le « vivre ensemble » ultra politiquement correct, j’ai quand même fini par pleurer.
On ne présente plus Michel Jonasz, par contre, vous ne reconnaîtrez peut être pas ce gamin qui nous a fait rire et qui nous a émus dans « Neuilly ta mère » : Samy Seghir, aura sans doute une belle carrière d’artiste.
Toute la pièce tournait autour de la rafle du Vel d’Hiv, et de ce qui s’en est suivi, des exécutants qui ont permis le massacre des familles juives parisiennes qui en ont été les victimes, des autorités qui ont donné les ordres.
Quand Joseph explique à Aïssa qui s’étonne de la passivité des juifs, que bien sûr on était venu les chercher pour les emmener en zone libre, puisque c’était la police française, tout est dit en filigrane : confiance trahie et incrédulité face à cette trahison.
Marine le Pen devrait aller voir cette pièce et elle comprendra peut-être que pour les victimes de la rafle, c’est bien la police française, et donc la France qui les a envoyés à l’abattoir, et que c’est cette confiance illimitée qui les a même empêchés d’avoir l’idée de s’enfuir quand il était encore temps.
Marine le Pen devrait aller voir cette pièce et elle comprendra peut-être que jouer une communauté contre une autre jusqu’à chercher à les faire s’affronter quoiqu’il arrive, n’est pas digne d’une candidate à la présidence de notre pays.
Marine le Pen devrait aller voir cette pièce et elle comprendra peut-être que si certains juifs sont prêts à entrer dans son jeu, d’autres, que j’espère nombreux, gardent à l’esprit que ses déclarations répétés démagogiques que seul l’islamisme est dangereux pour notre communauté ne sont qu’un rideau de fumée.
Mais au fait, Marine le Pen irait-elle voir une pièce mettant en scène un vieux juif et un jeune beur?
Line Tubiana
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