Michel Demonjean raconte le courage de ses grands-parents. En 1942, ils ont caché une famille juive. Ils sont déclarés Justes parmi les nations depuis 2014 et recevront leur distinction à titre posthume le 20 novembre.
«Willy », c’est le surnom que donne Michel Demonjean à celui qu’il a connu tout petit : William Merkin. Avec ses parents, Herman et Marjema Merkin et un ami de son père, David Sheinberg, ils se sont réfugiés à Espartignac, en 1942. Les grands-parents de Michel, André et Marie Grangeon les ont cachés pendant plus d’un an. Ils vont recevoir, le 20 novembre, la médaille des Justes parmi les nations, à titre posthume, par l’institut Yad Vashem.
La rafle de 1942, la fuite vers la zone libre et Espartignac
Michel reste le seul témoin de cet épisode de l’histoire familiale, de l’Histoire. « Je croyais que Willy était juste un ami de la famille. Tous les ans, on recevait une carte de vœux et des friandises, se souvient Michel. Il est venu deux fois avec son épouse, en 1958 et en 1992… David aussi, venait deux à trois fois par an. Ma mère disait : “Monsieur David est là !” ».
Ce n’est qu’au décès de sa mère, il y a quinze ans qu’il apprend la vérité. Willy, vivant alors aux Etats-Unis, lui raconte tout. « Il avait une reconnaissance infinie. Il disait qu’ils devaient être parmi les Justes », explique-t-il. Les deux hommes ont alors entrepris les démarches pour faire reconnaître l’acte honorable de Marie et André Grangeon, en 2014.
William est décédé au mois de juillet 2016. Il avait 87 ans. Quelques mois auparavant, Michel avait enregistré son témoignage.
De Paris à Bois Lafage
Herman et Marjema Merkin se sont enfuis de Paris durant l’été 1942, suite à la rafle du Vel d’hiv, avec leur ami David Sheinberg. William a alors 13 ans. Avec l’aide de passeurs et après plusieurs frayeurs, la petite troupe réussit à passer en zone libre. A Uzerche, on leur propose d’aller travailler dans la ferme des Grangeon, au lieu-dit Bois-Lafage, à Espartignac. Ils y resteront dix-huit mois.
« Mon grand-père aimait bien plaisanter, raconte Michel. Il avait fait 14-18 et avait gardé une balle dans le poumon. C’était un dur à cuire. Pourtant, on l’avait menacé de faire brûler sa ferme ». De 1942 à 1943, André et Marie restent sans cesse sur leurs gardes. Ils s’étaient parés au pire, une « descente de collabo ». « Mon grand-père avait réalisé une trappe dans la chambre qui menait dehors. Un jour, un cousin des Merkin a voulu les faire partir en Espagne. Le grand-père a répondu : “ils sont plus en sécurité chez moi” ».
La voix de « Willy » à la mémoire des Grangeon
Sur les enregistrements réalisés par Michel, William se souvient des nuits passées dans la grange, lorsqu’ils avaient peur de rentrer dans la maison. « Il y avait pas mal de rats ». Un jour « où ça tirait de tous les côtés, j’ai couru dans les bois. Ta mère est venue me chercher ».
La journée, le garçon allait à l’école d’Espartignac, où il a passé son certificat d’étude avec Marguerite Noilletas, sa maîtresse d’école, « une femme admirable ». Herman et son ami, David, aidaient André à la ferme : « Ils travaillaient la nuit. La journée, ce n’était pas possible de sortir ».
Willy évoque aussi les « collabos », avec rancœur : « Je ne pardonnerai jamais à ces salauds de mouchards ». En revanche, William fait preuve d’une grande reconnaissance envers « ceux qui lui ont sauvé la vie ».
Admirable. Cette histoire mérite d’être racontée.