L’écrivain israélien Amos Oz publie « Judas », un ample roman qui se déroule à Jérusalem à la fin des années 50, mêlant le destin individuel d’un jeune étudiant, et la grande histoire, celle de la naissance d’Israël avec en toile de fond un questionnement sur les textes religieux, et notamment sur les rapports entre judaïsme et christianisme, et la figure de Judas. Un ample roman de cette rentrée.
L’histoire : Jérusalem, fin des années 50, Shmuel Asch, étudiant, interrompt ses études. Ses parents on fait faillite. Ils ne peuvent plus l’aider financièrement. En plein dépit amoureux, (son amie Yardena l’a quitté pour épouser un hydrologue « consciencieux et taciturne »), il laisse tomber son mémoire de maîtrise consacré à « Jésus dans la tradition juive » et répond à une étrange petite annonce qui propose un petit salaire, le gite et le couvert, en échange d’une présence auprès d’un homme âgé et invalide, « très cultivé », à qui il faut faire la conversation pendant cinq heures tous les soirs.
« L’histoire se déroule en hiver, entre 1959 et début 1960. On y parle d’une erreur, d’un amour malheureux et d’une question théologique inexpliquée. Certains édifices portent les stigmates de la guerre qui divisa la ville en deux, il y a dix ans. Au crépuscule, on entend en toile de fond les accords d’un accordéon ou les notes plaintives d’un harmonica derrière les volets clos. »
« Judas », page 13
Le jeune homme s’installe dans la maison et fait la connaissance de Gershom Wald, avec qui il entretient quotidiennement des conversations enflammées sur les religions, le sionisme ou la question arabe. Il se trouve aussi rapidement envoûté par la beauté de la mystérieuse Atalia Abravanel, deux fois plus âgée que lui, qui cohabite avec le vieil homme. Schmuel vit dans une petite chambre au dernier étage de la maison et partage son temps entre ses discussions enflammées avec le vieil homme, à qui il donne aussi chaque soir son repas, et des petits moments volés avec Atalia, dans la cuisine ou lors d’escapades nocturnes dans Jérusalem, qui le mettent dans tous ses états.
« Je ne crois pas à la rédemption du monde »
Shmuel est un jeune homme mal dégrossi, timide, émotif (« Il avait la larme facile, ce qui le plongeait sans la honte et l’embarras »). Le jeune homme est aussi prompt à s’enflammer pour les causes qu’il défend (il est membre du Cercle du renouveau socialiste). Dans sa nouvelle demeure, il se frotte aux arguments de Gershom Wald, amoureux de joutes verbales mais ayant depuis longtemps perdu ses illusions (en plus de l’âge, il a une raison personnelle et tragique, qu’il partage avec Atalia, de les avoir perdues) : « Je ne crois pas en la rédemption du monde. Non parce que je considère qu’il est parfait. En aucun cas. Il est retors, sinistre et rempli de souffrances, mais qui veut le sauver versera des torrents de sang », lui dit-il.
« Le judaïsme, le christianisme – et n’oublions pas l’Islam – dégoulinent de bons sentiments, de charité et de compassion, tant qu’on ne parle pas de menottes, de barreaux, de pouvoir, de chambres de torture ou d’échafauds. Ces religions, en particulier celles nées au cours des siècles derniers et qui continuent à séduire les croyants, éteint censées nous apporter le salut, mais elles se sont empressées de verser notre sang », poursuit le vieil homme, démontant les arguments de Shmuel, passionné par le Christ, et par Judas. « Il n’y aurait pas eu de christianisme sans crucifixion », pense le jeune homme, qui propose un regard neuf sur la figure de Judas (dont la traîtrise est à l’origine selon Gershom Wald, des persécutions antisémites dans le monde). Et si Judas était au contraire « le plus fidèle et le plus dévoué » des disciples de Jésus ?
La création de l’Etat d’Israël, le sionisme, la question israélo-palestinienne sont au cœur du dialogue entre Shmuel et son hôte. C’est aussi le sujet qui anima toute sa vie le père D’Atalia, Shaltiel Abravanel, fervent défenseur de la paix dès les premières heures en opposition avec la politique nationaliste de Ben Gourion, qu’il considère dangereuse pour tous. Il prônait « un compromis historique entre les deux nations vivant sur cette terre ».
Dans « cette maison dont les murs sont capables d’absorber la douleur », Shmuel s’offre une parenthèse enchantée, une retraite, un huis-clos, qui lui ouvre paradoxalement les portes vers la liberté, et de la maturité sexuelle, intellectuelle et affective. Comme le vieux ronchon et misanthrope Gerhom Wald ou la froide Atalia, on tombe sous le charme de ce jeune homme fougueux. Ils finiront quand même par le mettre à la porte, parce qu’il a sa vie à vivre.
Jérusalem, un personnage
Quand on sort du huis clos, c’est pour arpenter les rues de Jérusalem. Jérusalem, ville symbole, coupée en deux, est un personnage à part entière de ce nouveau roman d’Amos Oz, qui la décrit avec une tendresse magnifique :
Par un matin d’hiver quasi printanier à Jérusalem – le ciel était d’un bleu intense, l’air embaumait la résine de pin, la terre mouillée et bruissait de chants d’oiseaux »
« Judas », p 195
« ou encore :
Jérusalem était silencieuse, attentive dans l’obscurité du petit matin. Comme si quelque chose pouvait survenir à tout moment. Comme si les bâtiments drapés de brume, les pins bruissant dans les jardins, les murs de pierre détrempés, les voitures en stationnement, les rangées de poubelles au bord de la chaussée étaient aux aguets, dans l’attente de quelque chose. On aurait dit que le profond silence bouillonnait d’une sorte d’effervescence. A croire que la ville ne dormait pas mais faisait semblant, qu’elle était sur le qui-vive, réprimant un frisson intérieur »
« Judas » p 182
Le monde dans un huis clos
« Judas » est un ample et très beau roman, qui met en scène avec une justesse et une subtilité assorties d’un doux pacifisme toutes les questions qui animent depuis toujours l’écrivain israélien (et ses convictions), cofondateur du mouvement « Shalom Akhshav » (« La Paix Maintenant »), qui dès 1967 a prôné la fondation d’un double état pour résoudre le conflit israélo-palestinien. Des convictions qui lui ont valu d’être lui aussi considéré par un traître dans son pays.
Le dernier roman d’Amos Oz traverse toutes les strates, de la plus intime à la plus large, de l’aventure humaine. « La vie est comme une ombre qui passe. La mort aussi. Seule la douleur demeure. Elle n’en finit pas. Jamais », dit Gershom Wald. Et c’est en se rapprochant les uns des autres, les yeux fermés, que les humains, comme les trois personnages de « Judas », ont le plus de chances de s’en sortir.
Extrait :
« Les yeux ne se dessilleront jamais, décréta Gershom Wald. Tout le monde ou presque traverse l’existence, de la naissance à la mort, les yeux fermés. Vous et moi, mon cher Shmuel, ne faisons pas exception. Les yeux fermés. Si on les ouvrait une fraction de seconde, on pousserait des hurlements effroyables sans jamais s’arrêter. Sinon cela voudrait dire que nous avons toujours les yeux fermés. Maintenant vous pouvez reprendre votre livre, si vous le voulez bien. Nous allons observer un temps de silence. Assez parlé pour ce soir. »
Amos Oz lives in a world space which does not exist! He does construct allusions as for instance in one Norwegian Aftenposten news paper article, he said that Syrian refuges looks human for the Israelis, which was of course a constructed idea because A. Oz did talk for all Israelis, forgetting that all refugee looks the same! What a stolen brain!