Chaque année les commémorations culturelles foisonnent : on célèbre la naissance ou la mort de tel ou tel artiste, écrivain, et l’on donne à son œuvre une seconde naissance.
Curieusement, alors qu’en avril 2012 sort un roman inédit dont on a découvert le manuscrit qu’il croyait avoir égaré lors d’un de ses nombreux déménagements “Le Condottière”, rien d’extraordinaire autour de Georges Perec (et surtout pas Pérec comme vous le lirez souvent si le sujet vous intéresse) disparu 30 ans auparavant, en 1982.
Quelques articles dans la presses, dont un article dans l’Express du 3/03, un dossier dans Télérama.fr du 9 mars, un numéro de la revue Europe consacré à Georges Perec en janvier. Mais aucune manifestation officielle, rien d’organisé en direction du grand public pour lui donner l’occasion de le découvrir.
Pourtant Georges Perec est un des très grands auteurs français. Son œuvre riche en diversité et en qualité est reconnue comme une contribution originale et importante à la richesse de la littérature française.
Né en 1936 à Paris, Georges Perec a grandi chez sa tante paternelle après la mort de ses parents pendant la guerre, son père mortellement blessé au combat en 1940, sa mère déportée en 1943 après l’avoir mis à labri en zone libre où il passe la fin de la guerre.
En 1965 son premier roman “Les Choses. Une histoire des années 60″est publié et est récompensé par le prix Renaudot. Ce roman est aujourd’hui considéré comme un roman sur l’émergence de la société de consommation, à l’époque où le terme n’existait même pas. En 1966 il publie “Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour”, et en 1967 “Un homme qui dort”.
Mais surtout en 1967 il est coopté pour entrer à l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle) où se réunissent mathématiciens et écrivains, et dont Raymond Queneau fut le co-fondateur en 1960. Georges Perec s’investit avec bonheur dans l’OuLiPo, joue avec les contraintes auto-imposées par cet ouvroir, compose en 1973 le Grand Palindrome qui est un régal de pure recherche jubilatoire, et produit des mots croisés qui rendent fous les cruciverbistes.
Son œuvre est trop importante pour tout citer, mais impossible de faire l’impasse sur “La disparition”. Ce roman de plus de 300 pages est entièrement écrit sans la lettre “E”. Bien sur il faut le lire, ce livre parle de la disparition “d’eux”, du manque de ses parents, de la violence et de la cruauté. Son roman “La vie mode d’emploi” obtient le prix Medicis en 1978.
Cette année, enfin, Georges Perec fait son entrée à la Pléiade. Deux volumes reprenant l’ensemble de son œuvre sont sortis le 11 mai.
Je ne vous parlerai pas de ce que vous trouverez partout, mais d’un tout petit opus que vous pourrez lire dans le tome 2 de La Pléiade. Je suis tombée dessus lors d’une recherche qui était loin d’être littéraire, il y a déjà plusieurs années. Pas facile d’expliquer à des étudiants, lors d’un cours d’introduction à l’informatique, ce qu’est un organigramme (ou algorithme, phase de préparation à la programmation). La facturation, les recettes de cuisine, c’est vu, revu, et franchement pas drôle.
Mais le génie de Perec, c’est justement la variété de ses talents : littérature, exercices littéraires, mots croisés……et aussi un organigramme dans “L’art et la manière d’aborder son chef de service pour lui demander une augmentation” (Consultable librement ici).
J’ai donc remplacé les organigrammes classiques et barbants par celui-ci, pas toujours avec succès, certains étudiants se demandant si cette prof était normale, si elle se payait leur tête, mais quelques têtes mieux faites, appréciant ce pur morceau de bravoure loufoque.
Ma manière de ne jamais oublier Georges Perec, et d’essayer de transmettre mon admiration sans bornes pour cet auteur hors normes.
Line Tubiana
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