Le vendredi 20 janvier 2006,
Ilan Halimi,
piégé par une jeune séductrice
appartenant au gang des barbares,
est enlevé et conduit
dans un appartement de Bagneux.
Parce qu’il était juif, il y sera séquestré et torturé pendant trois semaines avant d’être jeté dans un bois par ses bourreaux. Retrouvé gisant nu le long d’une voie de chemin de fer, il ne survivra pas à son calvaire.
A partir du livre écrit par Ruth Halimi et Emilie Frèche 24 jours, la vérité sur la mort d’Ilan Halimi, Alexandre Arcady, revient sur ces 24 jours de cauchemar. 24 jours au cours desquels Ruth et son mari, Didier, auront reçu plus de 600 appels, des demandes de rançon dont le montant ne cessera de changer, des insultes, des menaces. 24 jours d’angoisse de toute une famille contrainte de garder le silence pour laisser travailler la police criminelle.
La mère, filmée en plans rapprochés à la manière d’un documentaire raconte le calvaire infligé à son fils. En se plaçant du côté de Ruth Halimi, de toute la famille et de la police pendant 24 jours, Alexandre Arcady a cherché à être au plus proche de la vérité. Sans pathos, il retranscrit au cinéma cet événement en s’appuyant sur des faits ; des rapports de police, des déclarations, des documents… Chaque spectateur connaissant la fin tragique du film, la dramaturgie cinématographique s’appuie davantage sur les enjeux du drame ; les avancées de la police, l’horreur vécue par la famille, les malversations de Youssouf Fofana, le chef du gang. Peu à peu, le spectateur, qui s’identifie à la famille d’Ilan, comprend que personne ne mesure la haine antisémite qui anime les ravisseurs et ne s’imagine que Ilan va perdre la vie.
L’ECHEC DE LA POLICE
Les plans figurant le martyre du jeune homme sont pudiques et peu nombreux. La violence n’est jamais montrée ostensiblement mais suggérée avec réserve. La caméra se place rarement du côté des ravisseurs ; on assiste seulement à l’enlèvement et à quelques scènes entre les membres du gang ; le but est d’immerger le spectateur, de le faire s’identifier à Ruth Halimi, à cette femme ordinaire à qui il arrive le pire : perdre son enfant à la suite d’un enlèvement crapuleux.
Pour le réalisateur, ce film « va être un choc mémoriel. En dehors d’être un long métrage avec une intrigue, une histoire, des acteurs… ». Pour Zabou Breitman, qui incarne le rôle de Ruth Halimi, il est important de n’incriminer personne, la police a déployé 400 fonctionnaires sur cette affaire qui était suivie 24 heures sur 24. Aucun d’entre eux n’a mesuré la perversion de Fofana. La police a beaucoup souffert de cet échec. Sa stratégie était de s’orienter vers une interprétation crapuleuse de l’affaire tandis que la famille d’Ilan, spécialement sa mère, était convaincue que cet acte relevait d’un caractère antisémite.
JUIF = ARGENT
Cette terrible tragédie ranime encore une fois les poncifs antisémites qui alimentent certains esprit de la population française : à savoir que Juif égale argent, même lorsqu’il s’agit d’un modeste vendeur de téléphones portables. Le film d’Alexandre Arcady réfléchit les problématiques actuelles autour du racisme, de l’antisémitisme ou encore de l’homophobie. Le fait d’être du côté de la famille d’Ilan durant tout le film permet de mieux saisir les enjeux universels de ce drame : « C’est arrivé à cette famille, ça aurait pu arriver à n’importe qui d’entre nous », rappelle le réalisateur. C’est la haine de l’autre, en l’occurrence ici du Juif, qui entraine les ravisseurs d’Ilan dans une spirale de la violence.
httpv://youtu.be/jVVmkhtTq5Q
Avec justesse et sensibilité le réalisateur de Pour Sacha ou encore de Ce que le jour doit à la nuit propose une lecture historique de ce phénomène de société qu’a été la mort d’Ilan Halimi. Si l’on regrette parfois, dans le jeu des acteurs, une justesse maladroite et une distance peu crédible face aux événements narrés, la crudité du drame est abordée avec sensibilité et délicatesse. Sans emphase, en évitant d’appuyer les contours larmoyants de cette tragédie, Alexandre Arcady signe un film émouvant qui permet de confronter chacun de nous à la violence et à l’effroi pour mieux s’engager contre la haine raciale et la barbarie.
Par Amandine Sroussi
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