Une polémique vient de naître après la publication dans les colonnes du magazine Valeurs Actuelles d’une fiction représentant la députée Danièle Obono au 18e siècle sous les traits d’une esclave (une chaîne lui enserre le cou).
Le cadre choisi par l’auteur est celui de la traite « inter-africaine » pour reprendre la terminologie des historiens. Il n’est guère besoin d’une imagination débordante pour entrevoir ce qu’a dû ressentir l’intéressée, en une du magazine qui plus est. La députée de la France Insoumise a annoncé avoir déposé plainte. Une enquête vient d’être ouverte pour déterminer si oui ou non ce texte, (au-delà du dessin qui s’y réfère), peut être qualifié de raciste. La polémique est d’autant plus vive qu’elle intervient au moment de l’ouverture du procès des attentats de janvier 2015, d’aucuns rappelant la position ambiguë prise à l’époque par Danièle Obono vis-à-vis du journal satirique. Dans un texte paru sur son blog le 11 janvier 2015, jour de la grande manifestation unitaire, elle y écrit en effet sans ambages : « Je n’ai pas pleuré Charlie. »(sic). Elle précise en revanche avoir pleuré les autres victimes, les clients de l’Hyper-Cacher et la policière en poste dans la ville de Montrouge. Mais se fend surtout d’un long développement sur les raisons qui la conduisent en cet instant à verser quelques larmes : « En pensant aux ami-e-s et aux camarades qui sont devenu-e-s Charlie. En ressentant l’insupportable violence politique, idéologique, symbolique de l’omniprésente et omnipotente injonction. En lisant la liste interminable des terroristes venu-e-s des quatre coins de la planète et derrière lesquel-le-s allaient défiler ces Charlie. En pensant à l’Enfer pavé de bonnes intentions. A l’« humanisme compassionnel » et les « bons sentiments » comme justifications de l’action politique. A la fleur au fusil. A la guerre en chantant. J’ai pleuré en pensant à la signature de l’organisation à laquelle j’appartiens, dont je suis encore formellement une des dirigeantes, apposée à côté de celle de l’UMP pour appeler à cette manif en proclamant « Nous sommes Charlie : Défendons les valeurs de la République ! »[…] Toutes les fois où des camarades ont défendu, mordicus, les caricatures racistes de Charlie Hebdo ou les propos de Caroline Fourest au nom de la « liberté d’expression » (des Blanc-he-s/dominant-e-s) ou de la laïcité « à la Française ». Mais se sont opportunément tu-e-s quand l’Etat s’est attaqué à Dieudonné, voire ont appelé et soutenu sa censure… »[1]
Danièle Obono semble ici déplorer l’action de Manuel Valls contre Dieudonné. Nous en sommes en 2015. Dieudonné s’est depuis belle lurette rapproché de Jean-Marie Le Pen (2006). Son amitié pour Robert Faurisson est affichée sans complexe et connue de tous depuis décembre 2008. Comment comprendre alors qu’elle parle de « caricatures racistes » à propos de Charlie-Hebdo et ne dise pas un mot sur l’antisémitisme avéré de l’humoriste franco-camerounais[2] ?
Cette prise de position assumée la rend-t-elle aujourd’hui crédible lorsqu’elle dit déplorer que le « barrage contre l’extrême-droite » se soit écroulé ?[3]
La question de la crédibilité politique, ou simplement de l’honnêteté intellectuelle, se pose également quand on apprend que le mouvement La France insoumise s’associe à la plainte de son élue. Qui pourrait oublier qu’il y a deux mois seulement, Jean-Luc Mélenchon (dirigeant de LFI) parlait de « ragots antisémites » suite à la décision de la préfecture de porter plainte après que des « Sales juifs » aient été distinctement entendus au cours d’une manifestation relative à l’affaire Adama Traoré ?[4] Un « ragot », les « Sales juifs » que tout le monde peut entendre ?[5] L’antisémitisme n’est-il donc avéré que lorsqu’il émane de l’extrême-droite ?
Que dire surtout de l’instrumentalisation dont cette étiquette politique fait de plus en plus souvent l’objet… Le 31 août dernier, par exemple, dans le cadre de l’émission « Morandini Live » sur CNews, on a pu entendre le rappeur Rost fustiger Valeurs Actuelles comme un « torchon »(sic) aux idées d’extrême-droite. C’est là, n’en doutons pas, l’opinion d’un homme empli de clairvoyance, celui-là même qui déclare tout de go le 31 octobre 2006, sur le plateau de France 5: « Entre Sarkozy et Le Pen, je choisis Le Pen »[6]. C’est évident, et cela ne souffre aucune ambiguïté, Nicolas Sarkozy est ou était un « néo-nazi » en comparaison de celui qui n’eût de cesse de parler des chambres à gaz comme d’un « détail ».
Le « détail » ? On l’avait peut-être oublié mais Sarkozy n’a jamais fait preuve de la moindre complaisance vis-à-vis du négationnisme. En dirait-on autant du fondateur du Front National ? Que les Torquemada d’opérette réfrènent leurs ardeurs, souligner ce fait n’est pas prendre parti pour l’infâme, seulement apporter une nuance dans cet échange de caricatures. Tandis qu’à l’unisson, le chœur des indignés de profession fustige Valeurs Actuelles comme un « torchon d’extrême-droite » (ceux qui ne partagent pas cette définition tout en finesse sont d’ailleurs eux-mêmes d’extrême-droite), le site internet d’Egalité et Réconciliation, la plus importante machine de guerre néo-fasciste et judéophobe en France, dénonce ce quotidien de droite catholique comme « national-sioniste »[7]… De part et d’autre, l’anathème semble faire office d’argument définitif.
À l’autre bout de l’échiquier politique, une pétition intitulée « En soutien à Danièle Obono, contre le racisme décomplexé de Valeurs Actuelles»[8] précise par un astérisque :« Caroline Fourest et Alain Finkielkraut rejoignant la chaîne LCI à la rentrée, aux côtés d’Éric Zemmour déjà présent sur CNews et Paris Première. » Depuis quand, sinon en régime totalitaire, le fait de se trouver au côté d’un tel a valeur de présomption de culpabilité ? Car c’est bien de cela dont il s’agit, laisser entendre une proximité politique imaginaire entre Fourest, clairement de gauche, et un Zemmour qui se situe aux antipodes. Faut-il conclure ? Danièle Obono explique n’avoir pas pleuré Charlie. Et parle des « caricatures racistes »(sic) de Charlie-Hebdo alors que le cadavre de son principal « auteur »[9], Charb, est encore presque chaud. Dernièrement, des activistes disant parler au nom de la « communauté noire » ont menacé de couper les bras(sic) des journalistes de Valeurs Actuelles[10]. Imaginons que demain, en période de « troubles », ces derniers soient tués par un ou des tueurs prétendant venger l’honneur bafoué de la « communauté noire ». Mériteraient-ils qu’on les pleure ? Ou doit-on admettre que le simple fait de se poser cette question est déjà faire preuve de complaisance envers le racisme ?
Voilà où en est l’état du débat public en France.
© Antoine Hillel
[1] https://camaradobono.wordpress.com/2015/01/11/pleurer-organiser/
[2] Par pitié, qu’on nous épargne l’accusation de racisme, Dieudonné jouit de la double nationalité française et camerounaise. Et annonçait il y a quelques années son intention de se présenter aux élections présidentielles au Cameroun.
[3] https://www.lesinrocks.com/2020/09/03/actualite/politique/daniele-obono-le-barrage-contre-lextreme-droite-sest-ecroule-il-y-a-longtemps/
[4] https://www.huffingtonpost.fr/entry/manifestation-pour-adama-traore-des-sales-juifs-entendus-la-prefecture-saisit-la-justice_fr_5ee4f9abc5b63e88e0d0ea07
[5] https://www.youtube.com/watch?v=9oRZUMrzsXg
[6] https://www.jeuneafrique.com/132902/archives-thematique/des-rappeurs-pour-le-pen/ voir également : https://www.liberation.fr/france/2007/02/16/des-rappeurs-rencontrent-le-pen_85127
[7] https://www.egaliteetreconciliation.fr/Daniele-Obono-LFI-contre-Valeurs-actuelles-islamo-gauchisme-contre-national-sionisme-60661.html
[8] https://www.bastamag.net/En-soutien-a-la-deputee-insoumise-Daniele-Obono-contre-le-racisme-decomplexe-de-valeurs-actuelles-rassemblement-soutien-Trocadero. Recueillant un certain nombre de signatures, la pétition émane de la Fondation Franz Fanon
[9] Charb était visé au premier chef par les auteurs du massacre du 7 janvier, ces derniers le considérant comme le responsable « numéro un » des caricatures de Mahomet.
[10] https://www.valeursactuelles.com/societe/video-nous-allons-vous-arracher-vos-bras-le-leader-de-la-ligue-de-defense-noire-africaine-menace-valeurs-actuelles-devant-la-redaction-123144
Site d’où est extrait l’illustration:
Oui, mais lorsqu’on connait la définition exacte de l’extrême droite (qui implique racisme, essentialisme ethnique, hostilité à la République et à l’universalisme des Lumières etc) on se rend compte que cette définition colle parfaitement à Daniele Obono et à toute la peste indigéniste. Donc les médias qui soutiennent Obono SONT la fachosphère.