Jacques Neuburger. Partir

Partir.
En tout cas, ce sera sans bagage aucun: en latin on appelait les bagages des « impedimenta », cela a donné le mot « empêchement » – c’est tout dire.
Senteurs niçoises de juin, je vous retrouve venant d’un pot d’oeillets par mes soins cultivées, senteurs niçoises du marché, de la socca, des fleurs et des piments, je vous retrouve rien qu’en rêvant à un nouveau tracé pour aller au marché qui m’est familier à quelques encâblures de chez moi, à la recherche de cet ail nouveau qui donnera son parfum à l’aïolli du midi.
Il suffit certains jours d’être attentif à un certain son de radio si propre au mois de juin, venant d’une fenêtre à la fois éloignée et voisine, pour se trouver si loin, comme en un texte de Desnos ou de Quenault, et voilà les vacances, les vraies.
Puis on peut aussi partir à l’aventure, qu’elle soit l’aventure du café dont jamais on n’avait poussé la porte, de cette ligne de métro pas prise depuis vingt ans, aventure aussi de prendre le train ou la voiture pour la journée, pour quelques jours.
Partir, s’en aller loin des itinéraires par trop de gens suivis, prendre l’avion ou le train, le train avec ses couchettes ou ses wagons-lits là où cela existe encore…
Bonheur des wagons-lits, des montagnes la nuit très hautes aperçues par delà le rideau, des noms d’endroits connus et inconnus, un nom de gare qui file dans son éclairage administratif et l’on rêve chamois, névés, et ces couleurs d’aurore au sommet du Cervin, matins déjà aux odeurs de vacances alors qu’on longe les lacs italiens….
Trois jours dans une ville, trois jours toujours trop courts, trois jours que l’on se promet de renouveller bientôt, sans remettre à longtemps, trois jours qu’on ne renouvellera jamais – par ce qu’en fait on partira encore ailleurs, loin de nouveau, très loin, au vrai loin…
Trois jours presque sans bagage, voyageur comme j’aime l’être, si léger et de soi et des autres, voyageur qui un instant se croit natif du lieu cherchant où acheter une brosse à dents, une chemise, du papier pour écrire…
Voyageur à la fois étranger à tout et d’emblée à tout familier, voyageur tout à la joie de se découvrir une âme à lui-même inconnue…….

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