Manuel Valls n’arrête pas. Deux interviews, coup sur coup, ce matin, vendredi 22 mai. L’une sur Radio Judaïques FM, l’autre sur RTL. Mais c’est de loin, la seconde, où il s’est le mieux exprimé. D’une voix rassurante, confiant, il répond longuement, avec beaucoup de sincérité, au micro d’Alexis Lacroix, dans son émission “Affaires publiques”.
Il n’a éludé aucune question que lui posait Alexis Lacroix notamment les éventuels procès qui pourraient surgir après la pandémie. ” Je crois, a-t-il dit, qu’il faut dire la vérité aux Français. Aucun grand pays, aucun gouvernement dans le monde occidental n’était préparé à cette pandémie, ni à faire face à une épidémie qui paralyse ainsi pendant plusieurs semaines en obligeant les citoyens à se confiner, et qui surtout paralyse notre économie, nos activités culturelles et qui nous empêche d’exercer une liberté fondamentale qui est d’aller et de venir.
Aucun pays n’était préparé à cela. Nous étions préparés à des épidémies que nous avions dû affronter par le passé avec des protocoles qui prévoyaient des confinements partiels au niveau du territoire, une vie d’un quartier, mais jamais à ce niveau là ! C’est pourquoi les procès, les accusations, les mises en cause aujourd’hui sont faciles, même s’il faudra de toute façon revenir sur ce qui s’est passé pour en tirer toutes les leçons afin d’affronter, demain, d’autres défis de ce type”.
Alexis Lacroix revient sur le nombre de procès qui va avoir lieu, et de ces mises en cause des institutions de la République en France. Et de citer Alain Finkielkraut qui déclarait, il y a 3 jours, sur I24news, que cela lui paraissait particulièrement insupportable de mettre en cause les institutions de la démocratie française. “Vous partagez son avertissement” lui demande Alexis Lacroix. Manuel Valls lui répond à la seconde : “Mettre en cause les institutions, bien sûr, c’est insupportable ! Il faut faire attention à tout ce qui est utilisé à l’occasion de cette crise, et de ces drames pour remettre en cause tout simplement la démocratie. Il y a une crise de confiance en France, c’est vrai, et elle est profonde depuis longtemps. Il faut dire toute la vérité, et faire toute la transparence possible pour savoir ce qui s’est passé, surtout pour ne pas alimenté toutes les théories de complots. Alain Finkielkraut a raison : faisons attention à tout ce qui, derrière les démarches qui apparaissent de bon sens, et qui peuvent représenter d’une manière ou d’une autre, une remise en cause de notre démocratie. Je pense que les responsables politiques doivent toujours répondre de leurs actes, et il y a dans tous les pays les mêmes débats sur les masques, les respirateurs, sur l’état de nos hôpitaux, sur le fait que l’on a sans doute réagi trop tard. C’est plus facile de le dire aujourd’hui qu’il y a quelques mois ! Il est normal qu’il y ait ce débat, mais cela ne doit pas être l’occasion d’une remise en cause de nos démocraties.
Entre autres questions Alexis Lacroix aborde l’avenir de Manuel valls en France et lui demande si son choix aujourd’hui est “irréversible”. ‘ Il ne faut jamais être définitif répond Manuel Valls. C’est un choix personnel. Je ne vis pas de nostalgie, je ne vis pas de rancœur, j’essaie de ne pas vivre avec des regrets. Je suis très heureux de vivre entre l’Espagne et la France . J’ai des enfants en France, ma mère et mes amis. Je suis un patriote français. Je me définis comme un républicain de gauche, français, et je ne peux en aucun cas oublier la France. Ce qu’elle m’a apporté, mes responsabilités, et si je peux aider d’une manière ou d’une autre par l’expression, par l’écriture, par le conseil, si je peux aider la France, je le ferais bien volontiers. Je suis profondément européen.
Nous voyons bien ce qui se passe en Espagne, en France, dans les autres pays, l’attente par rapport à l’initiative franco-allemande donne l’occasion de m’exprimer sur des sujets qui m’éloignent de la vie publique quotidienne. Et puis, le combat contre l’antisémitisme est toujours là, et je continue à me battre. Même en espagne où il n’y a pas ce même rapport qu’en France, il y a un antisémitisme qui existe aussi dans la gauche, et je combats les prises de position de Podemos qui, dans sa critique d’Israël déborde très vite sur l’antisémitisme. Enfin, le combat pour Israël continue.
Je pense que l’Europe doit créer une alliance avec Israël, la seule démocratie du Proche-Orient et avec qui nous partageons des valeurs et des intérêts dans de nombreux domaines”. “Quel sera la position de l’Europe sur la probable annexion de 130 implantations par Israël” lui demande Alexis Lacroix. “L’Europe doit jouer son rôle notamment quand il s’agit de rappeler un certain nombre de principes et de règles du droit international. Les Palestiniens ont droit à un Etat viable. Israël a le droit d’exister. Jérusalem doit être la capitale de deux Etats. Si on est toujours dans ce discours, c’est totalement inefficace et cela ne correspond pas à la réalité. C’est pourquoi je pense qu’il faut peut-être se saisir des plans proposés par Donald Trump pour passer à autre chose et tenir compte de la réalité géographique du problème.
Les rapport entre Israël et les pays arabes n’est plus le même. Le grand danger pour la région, pour tous ces pays, c’est évidemment l’Iran. Mais il y a aussi la confrontation entre plusieurs nations, la Russie, la Turquie. Evidemment le dialogue est indispensable. Jérusalem, c’est la capitale d’Israël. Il faut en tenir compte, c’est une réalité. Il faut un état palestinien, sinon le défi pour Israël sera extrêmement compliqué. Tout n’est pas à rejeter dans le plan Trump. Il faut se saisir de cette nouvelle donne pour dialoguer.” “Mais vous ? Qu’est-ce que vous aimez en Israël puisque vous avez souvent l’occasion de vous y rendre ? ”Beaucoup de choses !” répond Manuel Valls. “ Je me suis rendu encore au mois de septembre pour mon voyage de noces ! C’est une terre où résonne tellement l’histoire ! A Jérusalem on vit quelque chose qui est inouï qu’on ne retrouve pas ailleurs, au-delà des paysages, du soleil, de la mer, du désert, de la mer morte ! Il y a quelque chose qui me touche profondément parce que civilisation vient aussi de là ! Il y a ce mélange de religion et d’origine, c’est exceptionnel. Ce que j’aime en Israël ? C’est l’optimisme ! Et Dieu sait que c’est si difficile. Il y a la guerre, la menace, le terrorisme, une situation économique compliquée, il y a la pauvreté, et le libéralisme a laissé aussi des traces en Israël. Mais il y a une volonté de s’en sortir. Au fond, c’est un peuple qui a toujours un projet. Qui voit loin. C’est parce qu’il y a le danger, des femmes, des hommes, qui sont engagés dans l’armée et qui défendent le pays. Ce n’est plus l’Israël de 1948, celui des kibboutzim, de l’après holocauste. C’est autre chose, et c’est ce dynamisme et cet optimisme dans l’avenir qui donne une force particulière et qui manque parfois dans ce qu’on a appelé la “vieille Europe”…..
Alain Chouffan
Entièrement en désaccord avec Manuel Valls et Alain Finkielkraut (que pourtant j’aime bien) : que ce soit au sujet de cette crise ou dans n’importe quelle autre situation, remettre en cause des institutions qui trahissent leurs devoirs les plus élémentaires est un geste républicain. C’est même la seule attitude républicaine possible.
Seuls points où Valls a raison : au sujet d’Israël et de podemos.