» Yerushalayim shel Zaav  » , le jour où Naomi Shemer l’a composée, par Haïm Musicant

Née le 13 juin 1930 au kibboutz Kvutzat Kinnereth, dont ses parents Meir et Rivka Sapir, venus de Vilna, sont les membres fondateurs, elle se découvre, très jeune des talents musicaux. Elle apprend le piano, invente des comptines pour les enfants du kibboutz, fait son service militaire dans un groupe musical, puis part étudier à l’académie Rubin de musique de Jérusalem.

Naomi Shemer compose des chansons pour Yaffa Yarkoni, Rika Zarai, les Dudaim, et bien d’autres interprètes. Apres un séjour à Paris, elle traduit Georges Brassens et Jacques Brel en hébreu. Ces chansons sont reprises par Yossi Banai, qui monte un spectacle : « Il n’y a pas d’amour heureux ».

En ce début de 1967, le maire de Jérusalem, Teddy Kollek, qui est un ami de son père, fait passer le message à Naomi Shemer : « Ecris une chanson sur Jérusalem pour le festival de Jérusalem ». Paradoxalement, nombreuses sont les chansons sur les villes et les différentes régions d’Israël, mais rares sont celles consacrées à la capitale d’Israël.

Dans un premier temps, la compositrice refuse : « Pas question de participer à une compétitions ! » On lui promet que sa chanson sera présentée hors-concours. Quatre autres compositeurs sont sollicités eux-aussi pour écrire une chanson sur Jérusalem. Au cas où. Mais ils déclarent forfait les uns après les autres. Que peut-on dire sur cette ville ?

Les pressions continuent sur Naomi Shemer, qui elle aussi hésite : « J’ai trop de souvenirs personnels qui me lient à Jérusalem. »

Partition originale écrite de la main de Naomi Shemer. (Wikipédia)

A force de penser à cette commande Naomi Shemer a un déclic. Dans la nuit de Pourim, prise d’insomnie, elle se met au piano et compose. Elle trouve un titre .Ce sera « Yerushalayim shel zaav, Jérusalem en or ». Lui est revenue cette légende selon laquelle Rabbi Akiva, mort en martyr pour avoir défié les Romains, et qui vivait dans la plus grande précarité , avait dit à sa femme : « Un jour, je deviendrai riche, et je t’offrirai un « Jérusalem en or », le plus beau des bijoux ».

Pour la musique, Naomi Shemer s’inspire se sonorités hassidiques et yiddish, et d’une mélodie basque interprétée par Paco Ibanez qui est venue la chanter en Israël en 1962.

Naomi Shemer ne veut pas chanter elle-même sa chanson le jour du festival. Sa sœur Halleli a entendu parler d’une inconnue, qui parait-il, a une voix extraordinaire. Naomi fait la connaissance de Shuly Natan, une chanteuse née à Londres, qui est en train d’effectuer son service militaire. Naomi se dit : « C’est elle ». Accompagnée seulement par sa guitare, Shuly Natan bouleverse le public qui lui fait une standing ovation pendant de longues minutes.

Le 15 mai 1967, c’est le 19ème anniversaire d’Israël.

Le matin, Tsahal défile dans les rues de Jérusalem, alors que le Président égyptien Gamal Abdel Nasser menace de lancer une guerre d’extermination contre l’Etat juif.

Shuly Natan

Le soir a lieu le festival de la chanson au Palais de la Nation. Une jeune inconnue de 20 ans s’avance avec sa guitare sur la scène. Elle s’appelle Shuly Natan. Naomi Shemer lui a offert d’interpréter une nouvelle chanson.
C’est le maire, Teddy Kollek, qui a demandé à la compositrice d’écrire une ballade consacrée à Jérusalem.

La capitale d’Israël est coupée en deux par un mur depuis le 29 mai 1948.La légion arabe du roi Abdallah a en effet conquis la vieille ville pendant la guerre d’indépendance et massacré les juifs qui s’y trouvaient .Elle a également pris d’assaut l’hôpital Hadassah et l’université hébraïque sur le mont Scopus, mais aussi profané les cimetières et transformé les synagogues en écuries et urinoirs. Le Kotel, le mur occidental du second Temple détruit par les Romains en 70 , est interdit d’accès aux juifs depuis 1948.

Shuli Natan interprète ce 15 mai, une chanson émouvante et triste. Elle chante Jérusalem, cette ville « prisonnière du rêve, solitaire, avec le Mur enfermé.

Murailles de la ville de Jérusalem au soleil couchant. ( Wikipédia )

Cette chanson, c’est « Yérushalayim shel zaav », « Jérusalem d’or ».
Quand elle interprète cette mélodie, Shuli Nathan rêve-t-elle un seul instant que quelques semaines plus tard, le 7 juin, Tsahal va libérer Jérusalem, au troisième jour de « La Guerre ses six jours » ? S’imagine-t-elle que le grand rabbin de l’armée, Shlomo Goren, va prendre une Thorah à la main, et faire sonner avec l’autre le shofar devant le Kotel, et dire tout simplement « Réjouissons-nous ! » ?

Le samedi 10 juin, la guerre est finie. Israël est venu à bout des armées égyptienne, jordanienne et syrienne. Les troupes que devaient envoyer d’autres pays arabes, n’ont pas eu le temps d’arriver. Tsahal a gagné, mais 800 Israéliens sont morts et 4500 sont blessés.

Le gouvernement confie à Itzhak Rabin, le chef de l’état-major de choisir un nom pour qualifier la troisième guerre d’Israël depuis sa fondation. « Appelons-la tout simplement la Guerre des six jours, comme pour évoquer les six jours de la création », propose Rabin.

Naomi Shemer, elle, change les paroles de « Yérushalayim shel zaav ».Elle ajoute : « Nous sommes de retour… et un shofar retentit sur le mont du Temple dans la vieille ville ».

Cette chanson est devenue de fait le deuxième hymne d’Israël, après la Hatikva.

Par la suite, Naomi Shemer continue à écrire des chansons qu’elle chante elle-même ou confie à des artistes .En 1995, apres l’assassinat d’Ithzak Rabin, elle adapte et met en musique le poème de l’américain Walt Whitman « 0 Captain ! My Captain ! » Sa dernière chanson, composée trois semaines avant sa mort le 26 juin 2004, sera «Ilan «, en hommage à l’astronaute Ilan Ramon disparu dans l’accident de sa navette spatiale.

En 1983, Naomi Shemer reçoit le Prix Israël, « pour ses chansons que tout le monde chante, pour son merveilleux mélange de paroles et de musique, qui expriment les émotions du peuple d’Israël ».

La « First Lady « de la chanson israélienne repose dans le cimetière du kibboutz Kvutzat Kinnereth auprès de ses parents, sur les bords, du Lac de Tibériade.

Haïm Musicant

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3 Comments

  1. Peu avant sa mort, Naomi Shemer révéla qu’elle s’était inspirée de la vieille berceuse basque Pello Joxepe (eu) qu’elle avait entendue lors d’un concert donné par le chanteur espagnol Paco Ibáñez en Israël en 1962. Je ne considère pas qu’il s’agissait de plagiat, a toutefois déclaré Ibáñez peu après cette annonce, ajoutant : je suis heureux que ça l’ait aidée d’une certaine façon3.

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