Le vendredi soir et les soirs de fêtes, ma chère maman avait la merveilleuse coutume de laisser après la fin du repas , sur la table, la bouteille de vin du kiddoush, la coupe du kiddoush, deux petites haloths ( pain du shabat) et la table dressée pour « une » personne.
De tout jeune , j’étais persuadé que cela était destiné au prophète Eliyahu, mais ma mère me dit que cela était destiné à un Juif qui se présenterait et qui n’aurait pas fait le Kiddush.
Je lui répondais chaque fois que, de la ferme où nous vivions , il y avait peu de chance qu’un Juif puisse se présenter!
Dès 1955 , avec la guerre d’Algérie, deux grands hangars de la ferme furent réquisionnés afin de permettre le logement d’une unité militaire.
Un vendredi soir , en septembre 1956, vers 9 heures du soir , le bruit prolongé de convois militaires importants se fit entendre dans la ferme et près de chez nous, sur la route qui menait de Tlemcen et la frontière marocaine jusqu’à la ville portuaire d’Oran.
Nous sommes sortis dehors et nous avons constaté qu’une unité militaire allait bivouaquer pour la nuit. De nombreuses ambulances étaient là, car s’agissait d’une unité médicale.
Une officier avec le grade de commandant se présenta à mon père et lui demanda s’il s’appelait Cohen et s’il était juif, puisque la ferme s’appelait Domaine Cohen.
Mon père repondit qu’il ne s’appelait pas Cohen , mais que nous étions juifs.
L’officier nous dit qu’il était médecin , Commandant de réserve et qu’il appartenait à une famille de Juifs traditionnels de Paris. Il nous demanda si nous avions déjà fait le kiddoush , nous répondîmes que oui mais que tout était prêt pour le recevoir.
En rentrant dans la salle à manger , il s’excusa de se présenter à l’improviste, ce à quoi ma maman répondit: « Mais pas du tout. Voilà très longtemps que nous attendons un invité à l’improviste« , et de me dire, s’adressant à moi: « Tu vois combien j’avais raison de laisser un couvert pour l’invité qui n’aurait pas fait le kiddoush. »
Une vraie et belle histoire juive.
Bien sûr nous perpétuons cette tradition, aussi bien nous que nos enfants.
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