« Si provoquer de la violence, c’est faire les réformes pour lesquelles on a été élu, ça, je l’assume. » Cette phrase singulière prononcée par la porte-parole du gouvernement dimanche 19 janvier sur une chaîne info est passée presque inaperçue. Entre l’incendie du restaurant la Rotonde, les vidéos des violences policières et l’extraction du couple présidentiel du théâtre où s’étaient rassemblés des manifestants hostiles, la chronique de l’actualité en continu était devenue, ce week-end, une chronique des nouvelles formes de radicalité qui font peur. De quoi cette violence est-elle le nom ? Pourquoi ces tensions inapaisables ? La France serait-elle en situation pré-insurrectionnelle ?
Rapportés dans ce contexte, les mots prononcés par Sibeth Ndiaye, qui répondait aux critiques de l’opposition sur la gestion de la crise par le gouvernement, sont frappants : la violence est « assumée » par la porte-parole du pouvoir, si elle est provoquée par la volonté de « faire les réformes ». Pour autant, Sibeth Ndiaye trouve invraisemblable de rendre responsable le gouvernement. « C’est comme si on disait que nous organisions l’insurrection à l’intérieur du pays parce que nous faisions des réformes. » « On marche sur la tête », conclut-elle.
Pourquoi un tel surgissement de violence ?
Bref, si nos réformes déclenchent de la violence, on l’assume mais on ne saurait en être tenu pour responsable. C’est peut-être en partie vrai mais cela mériterait au moins réflexion. La violence, selon le pouvoir, est du côté des radicalisés, des militants qui envahissent les locaux de la CFDT avant de couper le courant, des « black blocs » et leur guérilla urbaine, des manifestants qui viennent, sans autorisation, hurler devant le théâtre où le président et sa femme passent leur soirée.
À l’acte 62 des « gilets jaunes » et après la 47e journée de mobilisation contre la réforme des retraites, il serait urgent de se poser des questions sur l’origine et le contexte du surgissement de cette violence. Et de s’interroger, en parallèle, sur la persistance de l’opinion publique à soutenir les mobilisations antigouvernementales (29 %) ou, en tout cas, à manifester sa sympathie pour le mouvement (22 %), malgré la violence que chacun condamne, malgré le retrait de l’âge pivot et les concessions d’Édouard Philippe.
« Plus profondément, depuis un an, ce ne sont pas aux syndicats ni à l’extrême gauche que ces Français adhèrent, mais à leur antithèse, aux mouvements spontanés, aux mobilisations des ronds-points, aux revendications d’une base exaspérée, ni encartée, ni syndiquée. »
On dit que les Français sont paradoxaux, contradictoires. Ou bien tellement imprégnés de l’idéologie de l’État Providence qu’ils sont incapables de changer, qu’ils sont ingouvernables.
Il y a une autre hypothèse (qui n’exclut pas forcément les précédentes). Ces Français, qui se refusent à condamner la mobilisation sociale depuis un an, expriment un malaise qui dépasse largement la question posée par les instituts de sondage sur la réforme des retraites. Ce n’est pas le système à points qui fait mal, c’est le sentiment d’abandon, de déclassement, l’isolement des classes populaires, la crainte d’un avenir encore pire. Ce n’est pas l’âge pivot qui clive (personne n’y a rien compris…), c’est le creusement des inégalités, la détérioration des services publics, le sentiment que pour beaucoup le quotidien est de plus en plus dur et que ceux qui sont au pouvoir s’en foutent. Année après année, gouvernement après gouvernement.
Ni CGT ni France insoumise
Ce n’est pas la CGT que cette moitié des Français, qui soutient le mouvement, plébiscite : le syndicat, qui ne défend que certaines catégories, souvent considérées comme privilégiées par les autres, a prouvé depuis longtemps que le sort des vrais pauvres dans ce pays l’intéresse beaucoup moins que sa guerre avec la CFDT pour tenter de récupérer sa place de leader. Il représente, rappelons-le, quelques micro-pourcents de syndiqués, pour beaucoup des bénéficiaires des régimes spéciaux…
Ce n’est pas non plus la France insoumise qui rallie leurs suffrages : cette extrême gauche, qui tente en vain de récupérer le mouvement, a abandonné la question du peuple depuis longtemps. Elle ne se mobilise que pour la lutte contre « l’islamophobie », elle est le fer de lance au sein de l’université du combat racialiste, décolonial et indigéniste, en qui elle voit l’avenir du mouvement social. Elle conclura des alliances clientélistes pour les prochaines élections locales en se moquant bien du danger que représente pour les quartiers le communautarisme islamiste, que le peuple « ignare et raciste » subit lui de plein fouet et qu’il a l’outrecuidance de désigner par son nom (sans jamais pour autant céder à l’affrontement, rappelons-le).
Plus profondément, depuis un an, ce ne sont pas aux syndicats ni à l’extrême gauche que ces Français adhèrent, mais à leur antithèse, aux mouvements spontanés, aux mobilisations des ronds-points, aux revendications d’une base exaspérée, ni encartée, ni syndiquée. Et ceux qui, dans les sondages, soutiennent la mobilisation alors qu’ils n’appartiennent pas aux classes populaires, sont peut-être des citoyens qui ont le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond dans notre république, et que si le ras-le-bol des classes populaires, des personnels soignants, des enseignants n’est pas pris en compte, nous le paierons tous, d’une façon ou d’une autre.
Il y a quelque chose de pourri au royaume de Macron
On l’a bien vu lors des journées d’action depuis deux mois : les revendications des enseignants, des personnels hospitaliers, des salariés du privé, dépassaient largement la question de la réforme des retraites. Les gens descendent dans la rue pour tout autre chose.
Le gouvernement pointe cette incohérence, preuve que le mouvement est aux mains des récupérateurs de tous poils, qu’il n’est ni sérieux, ni raisonnable ; contrairement, selon lui, au pouvoir, droit dans ses bottes, rationnel, réformateur et légitime. La violence ce sont les autres, les empêcheurs de réformer, de taxer le diesel. L’ordre et l’intelligence sont de notre côté. Ils ne pourront que triompher. Ou alors la cité sera livrée au mal absolu : le Rassemblement national. Et cette perspective à elle seule garantit la réélection du président de la république.
« La violence n’est pas seulement celle des casseurs, des radicaux, des « black blocs ». La violence c’est aussi disqualifier les classes populaires, celles qui n’étaient pas venues réclamer la révolution et le grand soir, mais des mesures concrètes pour augmenter leur pouvoir d’achat. »
De là à penser que le pouvoir peut manquer d’ardeur pour faire taire la violence et apaiser les tensions, il n’y a qu’un pas que Michel Onfray, dans son dernier livre Grandeur du petit peuple (Albin Michel), n’hésite pas à franchir. Même si on ne partage pas toute la grille de lecture du philosophe pourfendeur obsessionnel de l’État maastrichtien, même si on peut lui reprocher ses jugements à la serpe, ses têtes de turc récurrentes, et son essentialisation des élites et des médias dans un seul bloc pervers et soumis au pouvoir, sa révolte est saine à entendre.
La violence c’est (aussi) essentialiser et diaboliser
Reprenant la généalogie des « gilets jaunes », Michel Onfray rappelle que la violence n’est pas seulement celle des casseurs, des radicaux, des « black blocs ». La violence c’est aussi disqualifier les classes populaires, celles qui n’étaient pas venues réclamer la révolution et le grand soir, mais des mesures concrètes pour augmenter leur pouvoir d’achat. La violence ce fut de les confondre, volontairement, avec leurs extrémistes.
La violence c’est essentialiser et diaboliser. Assimiler le mouvement aux casseurs. Dramatiser les séquences pour parler de « tentative de putsch » ou de « coup d’État ». Entre les « gilets jaunes » venus saccager l’Arc de triomphe et ceux venus protéger la flamme du soldat inconnu, ne retenir que les premiers.
« L’opposition systématique au président de la république, symbole d’arrogance et de mépris. C’est devenu une question de principe. Irrationnelle et dangereuse, disent certains. Tandis que d’autres, bien sûr, se frottent les mains. »
Un propos raciste tenu par un « gilet jaune » « et voilà que c’est tout le mouvement qui est raciste ! Un propos homophobe ? […] et voilà que tout le mouvement devient homophobe », s’insurge Michel Onfray. « Il est bien évident qu’il n’y a aucune espèce de tolérance à avoir à l’endroit de qui est raciste ou homophobe, antisémite ou phallocrate », rappelle-t-il. « Sur les millions d’électeurs de Macron, on pourrait également trouver des racistes et des homophobes : personne n’en conclurait que Macron lui-même l’est ou bien, pire encore, la totalité du mouvement En marche. »
À vouloir réduire les « gilets jaunes » à leurs franges extrémistes, le pouvoir n’a pas éteint le mouvement. Il l’a neutralisé, certes, mais il a aussi augmenté le ressentiment, l’amertume, sans vraiment régler les problèmes de fond. Il faut peut-être lire, à la lumière de ce ressentiment, la sympathie persistante d’une moitié des Français pour un mouvement social dont ils ne soutiennent par ailleurs ni les syndicats ni les leaders et encore moins la violence.
Quelle alternative ?
Entre le pouvoir et les opposants au pouvoir, ils ont choisi leur camp. L’opposition systématique au président de la république, symbole d’arrogance et de mépris. C’est devenu une question de principe. Irrationnelle et dangereuse, disent certains. Tandis que d’autres, bien sûr, se frottent les mains.
Marine Le Pen s’est lancée tranquillement dans la bataille présidentielle. Elle condamne toute forme de violence, car elle veut rassurer les retraités qui pourraient voter pour elle ; mais elle pointe la responsabilité de l’actuel gouvernement dans le chaos advenu, dans la tension qui dégénère. Elle se laisse porter par le courant des forces qui, inexorablement, risquent de la conduire aux portes du pouvoir. Et pas seulement qu’aux portes.
Ne pas avoir d’alternative à ce scénario est aussi une forme de violence. Dont la responsabilité est portée par l’ensemble de la classe politique. Droite et gauche confondues.
Source: La Revue des deux Mondes. 20 janvier 2020. Editorial de Valérie Toranian.
Le macronisme est un symbole du crétinisme de masse. Les médias français préfèrent parler de Harry et Megan, de Bernard Tapie ou de football que du meurtre antisémite de Sarah Halimi, des persécutions des Kurdes ou des massacres de Chrétiens au Nigéria. Parmi tant d’autres horreurs. En outre l’Histoire n’est pas enseignée. Le macronisme, et a fortiori le nazisme indigéniste, ne sont possibles que dans une société de plus en plus inculte, et lobotomisée par la désinformation de BFMTV, Cnews, France Télévision, Le Point, Télérama, Libé etc…
« L’instinct d’imitation et l’absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules » Marcel Proust
« La servitude est la liberté/ L’ignorance est une force » George Orwell 1984
Le pouvoir ne peut pas être démocrate parce qu’il est technocrate Il ordonne à sens unique parce qu’il a les réponses et que toutes questions apparait comme une ingérence nuisible qui lui résiste. Voilà la tragédie dans laquelle sombre la France elle qui fut l’exemple universel de la «pensée politique» est réduite à une société anonyme au capitale en déficit de conscience.