Bon
Lundi
En cette période de commémorations de la libération d’Auschwitz où on s’exhorte mutuellement à ne jamais oublier que l’enfer existe aussi sur terre, et qu’il faut veiller à transmettre à nos descendants cette page d’histoire qui les concerne puisqu’ils portent dans leurs gènes la trace de cette abjection, la Shoah.
Mais je voudrais aussi ouvrir dans ce livre de la vie qui alterne lumières et ténèbres une page verte, celle de l’espoir qui reconquiert doucement un territoire outragé en extrayant des braises presque éteintes le brandon qui signera le retour à la vie.
Retour sur une histoire de vie plus forte que tout
En même temps qu’on essayait de sauver les quelques moribonds hagards qui avaient échappé aux griffes ignominieuses, il fallut parfois soigner des soldats effondrés, pétrifiés par l’horreur de cette vision apocalyptique..
Les agonisants furent soignés, nourris, réhydratés et doucement ramenés sur la terre d’une humanité qui ne faisait peser ni menace ni terreur sur leur existence.
Il fallut aussi les aider à vivre avec ce que leurs yeux avaient vu et ce que leur corps avait enduré.
Il fallut les aider à dépasser la stupeur incrédule que dessinait dans leur regard un monde réhumanisé un long temps oublié.
Il fallut recoudre les corps et les âmes déchiquetés par la prépotence de l’horreur subie.
Cette époque où nos parents, dans la béance d’une vie sectionnée, parvinrent à enchâsser espérance et vision d’avenir
Mais ce que je voudrais évoquer ici, pour nous enfants de l’après guerre , c’est cette époque où nos parents, dans la béance d’une vie sectionnée, parvinrent à enchâsser espérance et vision d’avenir.
Revenus vivants des entrailles de l’enfer, échappés des mains ensanglantées des bourreaux, ils ont avalé timidement , puis goulûment, l’oxygène de la liberté en tentant d’enterrer leurs cauchemars et leurs morts privés de sépultures.
Et la magie de la vie, qui puise sa force dans des replis cachés, qui engrosse les humains d’espoirs fous qui feraient chanter leurs lendemains, qui harponne l’âme de sa baguette mystique,, qui insuffle la croyance d’une potentielle humanité retrouvée, cette magie a rallumé chez nos parents l’étincelle qui les a portés à croire que la vie était plus forte que tout.
Ils ont alors aimé, désiré, se sont mariés dans l’urgence d’un nouveau bonheur espéré, en faisant fi des décombres encore fumants sur lesquels ils dansaient, en robe de satin blanc pour Maman, œillet à la boutonnière pour Papa, souriant d’avance à ces enfants qui grandiraient entre les brumes du passé et les étoiles de l’avenir.
Nous, les baby-boomers qui fîmes exploser les prévisions démographiques.
Cette hallucinante énergie qui a veillé sur nous
Ils ont travaillé, appris des langues dont ils ignoraient à peu près tout, eux dont l’univers était essentiellement constitué du yiddish et de sa culture.
Et c’est cette hallucinante énergie qui a veillé sur nous, nous conduisant par leurs efforts et leur amour infini sur ce chemin au bout duquel ils ont pu – et peuvent encore pour certains – admirer cette lignée qui piétine dans les rires et les câlins tendres- les cendres d’un passé que la mémoire n’effacera jamais.
Un pied de nez au malheur..
Je ne connais pas de mot plus puissant que MERCI, c’est donc celui que je prononcerai pour exprimer ma reconnaissance et mon admiration à mes parents et à ceux qui ont eu le bonheur de se voir offrir une seconde chance qu’ils ont glissée dans l’écrin de leurs espoirs d’un monde nouveau.
Le h’aïm!!!
Que cette journée vous soit douce et sereine, joyeuse et tendre..
Je vous embrasse
Bravo Michelle pour ce texte si poignant mais aussi plein d’espoir
Votre plume me ravit et c’est toujours avec beaucoup d’impatience que j’attends vos billets
Merxi
Merci. Je suis né en 1930 et suis un rescapé de la rafle du Vel d’Hiv.
Aujourd’hui j’ai 11 petits enfants et je leur parle souvent de ma guerre.
La mémoire survivra t elle ?
Tout est vrai dans ce que vous dites, il ne manque qu’un seul détail : nombreux ont gardé le silence – certains toute une vie pour réapprendre à vivre eux-mêmes. Car aucun mot ne pouvait signer la Shoah.
On parle de memoire, de porteur de genes? Il y en a qui ne se souviennent de rien ou qui n’ont tire aucune lecn de l’histoire…..et qui sont prets a donner en cadeau une partie de notre pays a des assassins oissoiffes de notre sang….Entre autres, Mr Ganz dont la mere fut rescapee de la shoah…..
Hanna, fille et petite fille de rescapees d’Auchwitz
Merci, chère Michèle pour ce ce texte d’amour et d’espoir que vous nous adressez avec tout votre immense talent . Je parle peu de cela à mes petits enfants et à leurs enfants ; à part aujourd’hui, peut-être parce que je suis née en 1939 et que j’évite de parler des horreurs que les miens et notre peuple ont enduré . Merci encore, chère Michèle, prions pour que : plus jamais çà .