L’élimination de Qassem Soleimani et ses conséquences – par Hélios d’Alexandrie

La vengeance, semble-t-il, est un plat qui se mange froid. Chaud ou froid ce fut pour Donald Trump un festin gargantuesque.

Après l’élimination d’Abu Bakr el Baghdadi et de son successeur immédiat, le monde était en droit de s’attendre à une longue pause, car il n’est pas dans l’ordre des choses de tirer le gros lot deux fois de suite, d’autant plus que le second est de loin plus gros et plus conséquent que le premier.

Mais l’opération ne fut pas juste un règlement de compte longtemps dû, Souleimani et les gros bonnets terroristes éliminés avec lui étaient certes responsables de la mort de plus de six cents soldats et civils américains, principalement au Liban et en Irak ; cependant l’objectif principal de l’opération était de faire échec au plan stratégique des dirigeants iraniens.

Le dilemme des mollahs

Face aux sanctions étouffantes qui compromettent sérieusement l’avenir de leur régime, les mollahs d’Iran se sont trouvés face à un choix extrêmement difficile : battre en retraite, c’est-à-dire renoncer définitivement à l’arme nucléaire et à leur impérialisme régional, ou bien décupler leur effort de guerre en y engouffrant les maigres ressources de leur économie délabrée ? Céder devant le Grand Satan, s’asseoir avec lui à la même table pour échanger leur raison d’être contre la levée des sanctions leur apparut inacceptable. Plus de quarante ans de tyrannie et d’investissement dans le crime et l’oppression de leur peuple, s’envoleraient en fumée dès le moment où ils accepteraient de négocier. D’autre part affronter directement la première superpuissance économique et militaire de la planète est un pari plus que risqué, ni la force militaire de l’Iran ni son économie ne sont de taille à soutenir longtemps une guerre contre l’Amérique.

Un troisième choix s’est offert aux mollahs qui, espéraient-ils, leur permettraient de passer entre les deux cornes du taureau, celle de la reddition et celle du conflit armé avec les États-Unis. Ce troisième choix c’est leur capacité de nuisance, ou plutôt leur habileté à jouer à la mouche de la fable qui sait comment affoler le lion et le réduire à l’impuissance. Leur calcul ne manquait pas de logique, ils savaient que le peuple américain est plus que réticent face à une nouvelle guerre, Trump a d’ailleurs promis de ne se laisser entraîner dans aucun nouveau conflit au Moyen-Orient. Les Iraniens prirent donc pour acquis que les Américains ne résisteraient pas longtemps face à des actes hostiles soigneusement dosés et qui iraient en crescendo. Chaque acte isolé n’étant pas en lui-même suffisant pour provoquer une guerre ouverte, mais suffisamment sérieuse pour amener les Américains à réagir militairement. La multiplicité des actions iraniennes et des réactions américaines devait avoir pour effet de susciter l’inquiétude et la désapprobation des Américains, de mobiliser les pacifistes parmi eux et de retourner l’opinion publique contre l’administration, au moment où celle-ci se trouvera en pleine campagne électorale.

En somme la stratégie iranienne se résume à une série d’actions tactique suscitant chez les Américains des réponses de même nature, des réponses proportionnées, ne possédant aucune dimension stratégique, mais ayant le potentiel d’épuiser leurs ressources et affecter leur moral, les amenant graduellement à renoncer à leurs objectifs stratégiques et à se contenter d’une solution au rabais.

À renard, renard et demi

Les mollahs, tout le monde le sait, sont passés maîtres en fait de tromperies et de mauvaise foi, leur erreur fut de croire que Trump allait mordre à l’hameçon. Ils entreprirent comme planifié des actions limitées, telles que le sabotage de pétroliers au départ ou en route vers les terminaux de l’Arabie Saoudite. Ils y laissèrent des indices probants de leur implication, l’objectif étant de provoquer une réaction limitée de la part des Américains. Trump est resté de marbre, d’aucuns critiquèrent son refus de réagir, l’accusant d’encourager les mollahs par son attentisme. Les Iraniens s’évertuèrent à donner raison à ses critiques, ils allèrent plus loin, ils abattirent un drone de surveillance US volant à bonne distance de leur espace aérien. Trump menaça les Iraniens de représailles mais s’abstint à la dernière minute de bombarder une de leurs installations militaires, car pour lui la perte du drone ne justifiait aucunement qu’une centaine de militaires iraniens perdent la vie.

Les mollahs n’obtinrent pas ce qu’ils voulaient, ce qui eut l’heur de les frustrer et de les pousser à faire davantage. Dans une opération spectaculaire menée à l’aide de drones offensifs et de missiles, ils détruisirent une installation pétrolière saoudienne, réduisant de moitié le brut exporté par le royaume des Saouds. Trump ne broncha pas, aux dirigeants saoudiens qui lui demandaient de bombarder l’Iran en retour, il conseilla de le faire eux-mêmes : les ressources américaines en hommes et en matériel ne devant servir qu’à protéger les citoyens américains et défendre leurs intérêts. Trump se montra clair, il avertit les Iraniens de ne pas s’en prendre à l’Amérique, c’est à dire à ses forces armées et ses ressortissants où qu’ils se trouvent. En traçant cette ligne rouge, Trump a tendu un piège dans lequel les mollahs se dépêchèrent de tomber.

Trump n’est peut-être pas un Nemrod mais il sait attendre que la bête sorte du bois. C’est ce qu’il a fait dans le cas du calife de l’État Islamique El Baghdadi. Cependant ce dernier était réduit au statut de fugitif après avoir perdu la totalité de son territoire, il vivotait tant bien que mal en Syrie, non loin de la frontière turque ; en cas de danger imminent, il pouvait fuir et se réfugier en Turquie. Sa mort, comme celle de Ben Laden n’est que l’exécution d’une sentence pénale, elle relève de la justice criminelle et ne recèle qu’une valeur stratégique limitée.

Dans les conflits le facteur temps revêt une importance majeure. En imposant des sanctions économiques débilitantes, Trump déclenchait le compte à rebours pour les mollahs, désormais le temps leur était compté. Ces derniers de leur côté comptaient sur le calendrier électoral américain, il leur fallait donc entraîner Trump dans un conflit de basse intensité propre à susciter l’anxiété et le malaise chez les électeurs. En évitant de répondre à leurs provocations, Trump leur fit perdre un temps précieux au cours duquel ils épuisèrent graduellement leurs ressources. Le manque d’argent les contraignit à augmenter le prix des carburants, ce fut la goutte qui fit déborder le vase, le peuple iranien se souleva entraînant une dislocation du front intérieur que seule une répression brutale est parvenue à contenir, du moins en partie et temporairement.

Pressés par le temps, les mollahs se virent obligés de passer outre la ligne rouge que Trump leur avait tracée, ils s’attaquèrent aux intérêts américains en Irak, ils se servirent des milices chiites irakiennes qu’ils avaient créées pour bombarder, à l’aide de missiles, une base américaine non loin de Kirkuk. Un contractuel américain trouva la mort et quatre soldats furent blessés. Fidèle à sa parole Trump répliqua sévèrement, son aviation bombarda quatre bases irano-irakiennes, des stocks d’armement s’envolèrent en fumée et deux douzaines de miliciens pro-iraniens y trouvèrent la mort, dont quatre commandants locaux. Les mollahs crurent avoir réussi, la réaction américaine bien que brutale ne les touchait pas directement, ce sont leurs supplétifs irakiens qui accusèrent le coup, décidément tirer les marrons du feu pour le maître iranien est un jeu fort dangereux.

Le coup d’envoi était lancé et l’on se devait d’exploiter à fond la nouvelle opportunité. Quoi de mieux qu’une action spectaculaire qui ne coûte rien en apparence mais qui fera les manchettes dans les journaux télévisés ? Sus à l’ambassade des États-Unis à Bagdad ! les chefs miliciens pro-iraniens, qui ont monté le spectacle, ont reçu des ordres précis du Général Souleimani, ce dernier savait que l’ambassade américaine érigée en forteresse était bien défendue et que les miliciens et les manifestants n’avaient aucune chance de la prendre d’assaut. Qu’à cela ne tienne, il y aura du grabuge et de la violence, on mettra le feu à un local hors de l’enceinte de l’ambassade et on graffitera les murs qui en défendent l’entrée, pour bien humilier les États-Unis et provoquer de leur part une réaction proportionnelle qui les fera mal paraître à travers les médias.

Les mollahs pris au piège de Trump

L’erreur de Souleimani et de Khamenei fut de croire que Trump s’en tiendrait au scénario qu’ils avaient écrit pour lui. Habitués à manipuler les chefs d’État occidentaux, les Iraniens, tout à leur satisfaction d’avoir finalement réussi à provoquer Trump, se laissèrent aller à savourer leur succès. Le guide suprême Khamenei se moqua même des menaces non voilées de Trump, sa suffisance l’amena à tweeter que Trump peut bien menacer mais il ne pourra rien faire, autrement dit ses menaces ne sont que du vent.

Tous les ennemis de Trump et tous ses contempteurs, pour peu qu’ils soient raisonnables, savent qu’il ne parle pas pour ne rien dire. Les menaces proférées par lui à l’endroit des mollahs, moins de deux jours avant l’opération qui a mis fin à la carrière de Souleimani, avaient pour but d’ébranler après coup leurs certitudes et affaiblir leur moral. N’ayant pas pris au sérieux ses menaces, ils se retrouvent désarçonnés ; le mythe de leur invulnérabilité a volé en éclat, leur stratégie a fait long feu. Leurs pétards tactiques leur ont valu une défaite stratégique majeure en un temps où tout revers peut leur être fatal.

Trump a fait d’une pierre plusieurs coups, la bête est sortie du bois, elle s’est montrée à découvert mais elle n’était pas seule. Abu Mahdi al Muhandess le chef des milices irakiennes et l’ennemi numéro un des Américains en Irak se trouvait à ses côtés, comme Naem Quassem l’ennemi numéro deux des israéliens au Liban. Le tableau de chasse compte d’autres figures, moins importantes mais néanmoins significatives : Souleimani savait s’entourer, son prestige attirait vers sa personne des gens importants. Du coup les pasdarans perdent un commandant expérimenté et charismatique, les milices pro-iraniennes leur chef dévoué corps et âme à la cause des mollahs et le Hezbollah libanais le chef adjoint après Hassan Nasrallah.

Cette opération n’aurait jamais eu lieu en l’absence de renseignements détaillés et en temps réel sur le terrain. C’est dire que les Américains et possiblement les Israéliens ont un ou plusieurs agents de renseignement infiltré dans l’organisation de la milice chiite irakienne. Quelqu’un a donné les gros bonnets du terrorisme chiite, les mollahs le savent à présent et tout ce qu’ils planifieront au cours des prochaines semaines et des prochains mois devra tenir compte de cette réalité.

Les conséquences stratégiques de l’élimination de Souleimani

À présent que l’offensive est lancée, Trump ne s’arrêtera pas en chemin. Le processus d’affaiblissement militaire des mollahs a débuté et il se poursuivra aidé en cela par les opérations israéliennes, qui de leur côté se poursuivent sans relâche depuis des années ; elles ont d’ailleurs fortement contribué à la dégradation de la machine de guerre iranienne. La bête est blessée et on peut être assuré que tout sera fait pour qu’elle continue de perdre du sang.

Tout le monde parle de la riposte iranienne et plus d’un se perd en conjectures sur ce que les pasdarans feront en termes de vengeance. L’Iran n’a plus de stratégie, avec l’élimination de Souleimani son plan stratégique s’est écroulé, il ne servira à rien de le remettre à l’ordre du jour pour la raison que Trump l’a déjà éventé et l’a même retourné contre les mollahs. Ces derniers possèdent des drones, des missiles de croisière et des missiles de moyenne et de longue portée, ils peuvent théoriquement les utiliser contre les bases américaines. Outre que ces dernières sont protégées par des systèmes antimissiles, la première salve lancée contre les Américains signera l’arrêt de mort du régime des mollahs. Trump n’a pas besoin d’envahir l’Iran, il lui suffira de détruire la machine de guerre iranienne et les usines souterraines d’enrichissement de l’uranium. Il profitera de l’occasion pour bombarder l’infrastructure sécuritaire des mollahs et leurs stocks d’armes ; dépourvu de moyens leur appareil répressif ne résistera pas longtemps face à la vindicte populaire.

Trump vient de réitérer son offre de négociation, le changement de régime ne fait pas partie de ses exigences, il n’a pas l’intention de tuer la vipère, il veut seulement lui arracher les dents.

Mais une vipère édentée ne résistera pas longtemps face à ses ennemis. Le peuple iranien n’attend que ce moment, j’ose espérer qu’il ne tardera pas.

© Hélios d’Alexandrie pour Dreuz.info.

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2 Comments

  1. quassem etait un nuisible,il a ete eliminé etc’est tant mieux,bravo Trump,donne leur le compte auxayatolas et leurs adorateurs qui vociferent et crient à la vengeance,mais ils ne font pas le poids!!!

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