La misère sexuelle, affective, émotionnelle et sentimentale n’a jamais été aussi massive qu’aujourd’hui. Toutes les études sociologiques convergent vers ce constat paradoxal à l’ère du numérique et de la liberté sexuelle, de l’apologie de l’estime de soi, de la dictature du Désir de l’individu et de l’hédonisme contemporain érigé en valeur cardinale et en impératif catégorique.
La multiplication des applications et des sites de rencontres, la dépendance aux réseaux sociaux et aux messageries instantanées sont proportionnelles à cette massification de l’isolement. Le terminal relationnel (ordinateurs, smartphones) est devenu l’extension artificielle de la fatigue d’être soi face à soi-même, le dernier recours avant la dépression pour ceux qui n’ont plus assez de ressources résilientes.
Le désir et l’audace de sortir de l’écran
Et pourtant, les technologies de la communication instantanée demeurent un fabuleux outil de communication et de rencontres, à condition de ne pas tomber dans le piège de l’enfermement et de l’isolement et d’avoir le désir et l’audace de sortir de l’écran. Car la tentation est en effet grande et confortable d’éviter le monde extérieur devenu hostile et parfois même inhabitable.
Aussi, entre le renoncement à nous-mêmes et le courage de confronter nos désirs à une réalité décourageante et parfois cruelle, flotte un espace intermédiaire, sorte d’indéterminé émotionnel au sein duquel les graines de notre essence la plus intime courent le risque de ne plus germer et donc de périr en nous, libérant toutes sortes de toxines dommageables et parfois délétères pour notre santé mentale et psychique, pour notre coeur, pour notre corps et pour ce que nous appelons notre esprit, notre âme. Les êtres humains, disait Teilhard de Chardin, sont des êtres spirituels faisant une expérience humaine, et non l’inverse. Le refoulement, le déni, l’oubli de cette dimension spirituelle engendre les plus grands malaises. Freud convoquait l’énergie vitale, la libido, qu’il nomma délibérément Eros, en l’opposant à la mort, au monde inerte, inanimé, Thanatos.
Nous savons tous que la pérennité de notre existence ne tient qu’à cet équilibre entre ces deux forces cosmiques dont nous sommes constitués, de la poussière d’étoiles qui ont forgé tous les éléments qui ont abouti à l’élaboration de ce corps que nous habitons. La lutte entre Eros et Thanatos est permanente en nous, parfois l’un semble l’emporter sur l’autre puis c’est l’inverse. Et nous savons tous que ce combat s’achèvera pour chacun par la victoire de Thanatos, car c’est de là que nous venons et c’est là que nous retournerons un jour.
Honorer Eros…
Mais dans l’intervalle, il nous appartient d’honorer Eros, ce dieu antique qui n’en fait qu’à sa tête, libre et nomade, insaisissable, cette force dionysiaque qui ne demande qu’à être, éprouver et jouir. La puissance d’Eros nous a jetés au monde. Mais le monde n’est qu’une représentation, une volonté de puissance, et il est aussi le reflet de notre conscience, cette instance énigmatique que personne ne comprend et dont la nature demeure inconnue.
L’absence de la dimension spirituelle
Nous sommes des consciences d’être, des consciences de corps et de coeur, autant d’Eros en quête de quelque chose qui nous dépasse, en quête d’une dimension spirituelle que nous avons oubliée. Le malaise dans la civilisation que décrivait Freud en 1929 était d’ordre sexuel. Le malaise contemporain de masse à l’époque de la sexualité facile, commercialisée, globalisée, uberisée, géolocalisée, est celui de l’absence de la dimension spirituelle.
Michel Rosenzweig est philosophe de formation (histoire de la philosophie, ULB) et psychanalyste. Son intérêt pour la géopolitique se porte sur les enjeux relatifs à la montée de la nouvelle judéophobie inscrite dans l’idéologie de l’islam politique radical et conquérant. Il a publié à ce sujet des articles pour Metula News Agency, Guysen news international et Causeur. Très préoccupé par la dérive antisémite contemporaine, il est résolu à défendre le concept de l’intégrité d’un monde démocratique et libre de toute forme de servitude, affranchi des démons totalitaires liberticides, d’où qu’ils proviennent.
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