Chaque citoyen israélien et chaque Juif en diaspora devrait être attristé par la mise en examen du Premier ministre de l’Etat d’Israël.
Pourtant, il est triste d’entendre, dans les milieux de gauche et au sein des opposants farouches à Nétanyahou, des cris de joie, des éclats de rire, entrant dans la danse avec des bouteilles de champagne coulant à flot…
On pourrait comprendre des réactions similaires à Gaza, Ramallah, Téhéran ou Beyrouth. S’attendre à de sévères critiques et à des soulagements en Europe.
C’est clair, cette détestation, la haine féroce contre Nétanyahou, sa personne, est dirigée en réalité contre sa politique et joue contre l’Etat juif et son image. Nos ennemis et nos détracteurs ne font aucune différence.
Cette fois-ci la presse internationale et même israélienne s’est vraiment déchaînée, s’est emportée avec virulence contre Nétanyahou. L’éditorial du Monde titrait : « Bibi : pyromane », « il veut mettre le feu à la maison plutôt que de rendre les clés ». Cet ancien journal de référence, ose intervenir grossièrement et avec prétention malsaine dans nos affaires intérieures, et voilà tout à coup, ce quotidien est préoccupé hypocritement par notre propre maison, par l’avenir d’Israël. Suivant ainsi le journal Haaretz qui titrait son Edito : « Bibi est dangereux pour Israël. »
Tout bascule brusquement et sans limites, l’homme qui a combattu dans les rangs d’une unité d’élite de commandos et fut blessé, qui a perdu un frère aîné dans un exploit spectaculaire à Entebbe, est devenu très dangereux.
Le chef de l’Etat qui en une seule décennie au pouvoir a réussi à placer Israël au rang des pays les plus avancés de la planète en matière économique et haute technologie. Celui qui évita à tous prix des guerres inutiles comme ses prédécesseurs, peut-il être aussi comparé aux pires dictateurs sanguinaires et corrompus d’Afrique, d’Amérique latine et d’ailleurs ?
Prenons garde et distance. Il est insensé, cruel et tragique de pouvoir garder ainsi en souvenir toute la brillante carrière de Nétanyahou.
Dans notre courte Histoire, rappelons tristement que plusieurs chefs de gouvernement israélien ont achevé leur mandat brusquement et dans des conditions tragiques : Lévy Eshkol, suite à une crise cardiaque, Golda Meir, suite aux défaillances de la guerre de Kippour, Menahem Begin suite à la Première guerre du Liban, Ariel Sharon plongé dans un coma irréversible, et Ehoud Olmert mis en accusation pour malversations.
Certes, c’est bien la première fois depuis la création de l’Etat d’Israël qu’un Premier ministre en exercice est mis en examen. Une décision grave du procureur de l’Etat que personne ne doit prendre à la légère. Elle s’inscrit hélas dans une longue liste d’hommes politiques inculpés ces dernières années. Elle prouve que la Justice israélienne est implacable et que nous devrions respecter les juges et les sentences des tribunaux.
Bien qu’il existe au sein de la police et du parquet certaines lacunes graves, notamment concernant la crédibilité des témoins à charge, et que des réformes sont indispensables, Nétanyahou a eu tort de s’attaquer à eux. On ne peut à la fois attaquer ceux qui sont chargés de l’application des lois, et puis leur demander de le défendre et de rendre justice. Absurde aussi de voir le chef de l’exécutif se ranger contre son propre pouvoir judiciaire.
Nétanyahou est convaincu de son innocence, mais il devrait la prouver devant les juges du tribunal. Malgré sa mise en examen, une loi fondamentale lui permet de rester au pouvoir tant qu’une décision judiciaire finale ne l’a pas reconnu coupable. Cependant, cette loi n’a jamais été mise en application et les avis juridiques sont partagés surtout en cas de nouvelles élections et si Nétanyahou souhaitait former un nouveau gouvernement.
Un autre précédent et non des moindres se trouve dans l’acte d’accusation de corruption sur la demande d’articles favorables aux patrons de médias. D’ailleurs, bien que le patron du Yediot Aharonot a été mis lui aussi en examen, bizarrement il y a très peu de commentaires dans les médias. Aucun journaliste de ce journal populaire et à fort tirage n’a démissionné ni exigé publiquement la mise en congé de ce magnat de la presse tout puissant. Deux poids deux mesures.
De bonnes relations entre le pouvoir et la presse sont essentielles pour la vitalité et la bonne marche de toute démocratie. Les fuites sont aussi un outil acceptable. Une sorte de ballon d’oxygène pour alimenter les articles. Pour des raisons évidentes et pour pouvoir obtenir des scoops, des journalistes favoriseront tel politicien plutôt qu’un autre. Les exemples sont nombreux et ces jours-ci encore on en voit pour mettre Nétanyahou toujours sur la sellette. Il suffit seulement de comparer les photos de lui publiées face à celle de son principal rival.
Bien que la presse ait évolué et qu’il existe au sein des médias de nombreux journalistes de droite et des religieux, la majorité écrasante des analystes et commentateurs politiques à la télévision, à la radio et dans la presse écrite sont les mêmes, la plupart de gauche et farouchement anti-Nétanyahou.
Orfèvre des médias et des relations publiques, Nétanyahou a voulu changer la donne mais dans son élan, parfois obsessionnel, tout s’est retourné contre lui et a joué en boomerang. Depuis plusieurs années, ces journalistes publient systématiquement des articles déplaisants contre lui, sa femme et ses enfants. On assiste à une disproportion flagrante et grotesque dans le jugement rédactionnel et dans la mise en page de la une.
Dans cette triste affaire et comme dans d’autres, la presse juge à l’avance en prononçant son verdict avant le tribunal. La campagne est orchestrée par des fuites sélectives en connivence avec des avocats et des rivaux politiques.
La méfiance de Nétanyahou et de ses partisans est donc compréhensive à l’égard de la presse et de ces anciens conseillers qui, sous les pressions ont carrément et lâchement mouchardé contre leur patron, pour pouvoir uniquement sauver leur peau.
Notre société perd confiance dans tous les domaines et se conduit sans scrupule et avec désinvolture. Nous devrions mettre un terme au fléau car les conséquences seront très graves et pourront aboutir à des violences inutiles.
Soulignons enfin en méditant toujours sur le fait que la Justice est une chose et le sentiment de justice une autre.
Freddy Eytan Le CAPE de Jérusalem, jcpa-lecape.org
Cette analyse détaillée a le mérite d’une lucidité distanciée qui permet de dépassionner le débat.