16 juillet 1942, ma mère a 17 ans, elle révise son bac de physique. La concierge (ma grand-mère et elle habitent dans le IIIe) vient les prévenir que le bruit court qu’il va y avoir une rafle, elle le sait car son mari est flic. “Venez avec moi”. Elle les emmène dans sa cave au 2e sous-sol, là où elle met le charbon. Elle a installé des pliants. Ma mère et ma grand-mère y passent la nuit. Par le soupirail elles entendent des cris, des gens qui courent, des bus qui démarrent. Ma grand-mère pleure, ma mère essaye de se rappeler des formules de physique. Au matin la concierge vient les chercher. Plus de danger. Elles remontent chez elles. Ma mère se lave (charbon), se change et déclare qu’elle a juste le temps d’aller passer son oral. “On n’est pas sérieux quand on a 17 ans”… Ma grand-mère lui interdit de sortir et ferme la porte à clef. Mais comme elles habitent au rez-de-chaussée ma mère sort par la fenêtre. Et la voilà partie, à pied, de la rue de Turenne à La Sorbonne avec son étoile cachée par des livres qu’elle tient contre elle. Quand elle voit des uniformes elle se planque dans une entrée d’immeuble. Elle arrive à La Sorbonne à temps pour l’oral…
C’est le lendemain que ma grand-mère (veuve) et son frère avec sa famille ont décidé de passer en zone nono.
Ce matin ma mère (94 ans la semaine dernière) m’a dit “je ne sais pas pourquoi en ce moment je pense souvent à l’Occupation”…
PS: elle a eu son bac… Elle est Directeur d’études honoraire à l’EHESS. Son nom est Simone Dreyfus Gamelon.
Ma mère avait 15 ans quand les flics ou les allemands on raflé les familles les unes après les autres à Aix en Provence. Elle y a échappé parce qu’ils Ils se sont enfuis après que des hommes en gris soient passés quand la maison était vide. Elle n’a malheureusement pas pu passer son bac, elle sortait de la guerre à 18 et de 3 ans de cache à Pamiers, à travailler avec sa sœur pour subvenir aux besoin de la famille, ma grand-mère était veuve de guerre. Elle s’est alors engagé dans l’armée de l’air pour occuper l’Allemagne, l’a occupée et ensuite a fait une petite carrière à l’armée et fini comme rédactrice à la mairie d’Aix en Provence. Raconter tout ça me fait monter les larmes aux yeux. Personnes ne devrait vivre ça… Ça a été tellement inhumain, pour ceux qui ont été assassinés et pour ceux qui ont survecu.