Questions autour de la nouvelle cité biblique découverte en Israël

Des archéologues ont annoncé lundi 8 juillet avoir trouvé l’emplacement d’une ancienne cité philistine dans le centre d’Israël. Spécialiste de l’archéologie biblique (1), Estelle Villeneuve explique les enjeux de cette découverte.

La Croix : Qu’ont révélé les recherches ayant mis au jour la cité antique de Ziklag ?

Estelle Villeneuve : Pour l’instant, nous n’avons qu’un communiqué de presse annonçant la localisation de Ziklag, une ville philistine mentionnée dans la Bible pour avoir servi de refuge au futur roi David. Les archéologues s’appuient sur la présence de matériel du XI-XIIe siècle avant J.-C., considéré comme typiquement philistin, sous une couche du début du Xe siècle, date traditionnelle de l’accession de David au trône de Juda.

Reste qu’il est difficile de se prononcer sur les données de la fouille tant que les résultats n’ont pas été publiés. En revanche, on ne peut pas dire, à l’instar du professeur Garfinkel, un des directeurs de la mission, que ces trouvailles démontrent l’historicité de l’épisode biblique et l’existence de David lui-même. Notre-Dame de Paris prouverait-elle l’existence de Quasimodo ? Il y a sans doute eu un David à l’origine de la dynastie judéenne, mais l’identification de Ziklag n’apporte rien à ce dossier controversé.

Ces fouilles ont-elles donc été menées dans un but idéologique ?

E.V. : Je me garderais bien de tout procès d’intention. Le site était de nature à éclairer la transition entre le Fer I (XII-XIe) et le Fer II (X-VIe s.), un problème archéologique très intéressant en soi. Si la fouille apporte des données nouvelles, c’est une très bonne chose. Mais il est vrai que dès qu’il s’agit du Xe siècle, la question polémique de l’authenticité d’un grand royaume unifié de David n’est jamais très loin. L’engagement du professeur Garfinkel en faveur du « tout biblique » n’est pas un secret.

Des traces des manuscrits de la Mer Morte découverts à Qumrân

C’est un problème qui prend racine dans l’histoire de l’archéologie en Terre sainte. La recherche s’est développée à la fin du XIXe siècle pour démontrer que l’histoire biblique était une histoire authentique. Or pour l’âge du Fer, les pionniers n’avaient pas d’autres repères que la Bible. C’est donc le comput biblique qui a servi à bâtir la chronologie et l’on a daté du Xe siècle ce qui convenait aux fondateurs des royaumes d’Israël et de Juda.

Mais cette « archéologie biblique » a généré des anomalies ; dans les années 1980, avec l’arrivée de nouvelles méthodes, une archéologie critique a vu le jour. Celle-ci revoit à la baisse la chronologie et minimise parfois à l’extrême les règnes de David et Salomon.

Pourquoi vouloir que l’archéologie confirme ce que dit la Bible ?

E.V. : D’abord, la Bible est un des fondements du récit national de l’Israël moderne, conçu par certains comme le prolongement de l’Israël biblique fondé par David. Pour une partie de la population, ce récit est intouchable. Or les archéologues sont ces citoyens comme les autres et, même excellents scientifiques, ils mènent leurs recherches avec ce qu’ils sont. Autre enjeu : la question du financement de la recherche ; il est plus facile de trouver des mécènes quand un site fait la une des médias… Enfin, un nouveau site biblique serait bienvenu pour le tourisme israélien, de plus en plus saturé.

Marie-Elisabeth Jacquet                                                                                       la-croix

(1) Estelle Villeneuve, Sous les pierres, la Bible (Bayard, 2017)

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11 Comments

  1. Une cité philistine au centre d’Israël ? Je suis perplexe. Les philistins n’étaient’ils pas des étrangers venus par la mer ? Et ne s’étaient-ils pas installés sur une bande de terre en bordure de la Méditerranée, appelée aujourd’hui la bande de Gaza ?
    Le mot « Philistin » n’a-t-il pas donné le mot « Palestinien » ? Mot donné par les romains ?
    Eclairez-moi, je vous prie, sur la découverte d’une cité philistine en plein coeur d’Israël ???
    Dans l’attente de votre réponse,
    Cordialement,
    Patricia J.S. Cambay

    • Non , les Philistins étaient dans toute la région .Vous avez raison sur le nom de Palestine imposé par les Romains aux habitants de Judée, de Samarie et de Galilée pour faire disparaître les États juifs .

      • Votre réponse, monsieur Mamou, ne me satisfait guère. Vous survolez le problème qui reste que les philistins étaient bien des gens venus de la mer en conquérant.

        • Ce que vous dites, Patricia, n’a pas bcp de sens.

          Les Américains (d’Amérique latine, d’Amérique du nord et d’Amérique centrale) sauf les amérindiens sont « des gens venus de la mer en conquérant. »

          Les Hébreux, selon le récit biblique lui-même, furent des gens venus de la terre en conquérant.
          Terre ou mer, quelle différence ?

          Nous sommes tous la conséquence de migrations ; conquérants ou pas, c’est selon le point de vue des migrants ou des autochtones.

          L’appellation « Palestine » est très ancienne, datant de Rome et probablement de Grèce ; effectivement tirée des Philistins.
          Avant 1948 TOUS les habitants de ce pays, Juifs, Arabes ou autres, étaient définis comme tels (cartes d’identité à l’appui), surtout par le gouvernement mandataire britannique.

          Il n’existe aucune raison pour qu’elle soit limitée aux Arabes, encore moins aux Musulmans.

        • Je ne nie pas l’évidence des philistins qui se déplaçaient aussi bien dans le royame de Juda que dans celui d’Israël. Je reste seulement perplexe sur le fait qu’une cité philistine venait d’être découverte au beau milieu de l’Israël d’aujourd’hui ; c’est comme si demain on venait nous dire que l’on vient de retrouver les vestiges d’une cité grecque ou crétoise en Bretagne.
          Je conçois parfaitement que des philistins aient participé à la création dune cité israélienne ou judéenne mais pour que ce soit une cité propre aux philistins, il fallait alors que les philistins se soient accaparé d’un morceau de terre appartenant aux hébreux, SAUF si ces philistins se trouvaient déjà là avant la venue de Josué. C’est une probabilité.
          Ceci dit, là où vous me choquez, c’est lorsque vous énoncez « Etats juifs ». Les juifs n’avaient pas d’états ; ils vivaient en Tribus et Royaumes. Ce n’est qu’aujourd’hui que l’on nomme Israël un État.
          Cordialement.

    • A Patricia J.S. Cambay. Permettez-moi de vous donner les précisions suivantes :
      En fait, BIBLIQUEMENT, voici comment est arrivé Ziklag «une cité philistine en plein coeur d’Israël », et voici aussi ce que les archéologues ne savent pas de la suite de l’histoire de cette cité :
      Après la mort de Moïse, lors du partage du pays de CANAAN entre les tribus israélites, Dieu a dit à Josué (et c’est IMPORTANT) : « … et le pays qui reste à occuper est très grand. Voici le pays qui reste : tous les districts des PHILISTINS (…) contrée QUI DOIT ÊTRE TENUE POUR CANANEENNE… » (Josué 13, 3). Donc le territoire des Philistins était un territoire CANANEEN occupé comme vous l’avez évoqué. En fait, les Philistins, venus de Kaphtor, la Crète antique (Amos 9, 7 et Genèse 10, 14), était un peuple de la mer qui avait migré sur le littoral du pays de CANAAN, la bande de Gaza, devenue « pays des Philistins ». Cette migration a eu lieu avant l’arrivée d’Abraham en Canaan selon la mention biblique de la présence des Philistins en Genèse chap. 20 et chap. 21, v. 32-34. Donc leur présence en Canaan (Israël) remonte au-delà du 18ième siècle av. J.C.
      Environ 6 siècles plus tard, lors du partage du pays de Canaan entre les tribus israélites, la ville CANANEENNE Tsiklag, et non pas philistine, a été donnée au départ à la tribu de Juda (Josué 15, 31) mais l’héritage de Juda étant trop grand, cette ville a alors été donnée à la tribu de Siméon, au milieu de Juda (Josué 19, 5 et 9). Par la suite, comme le dit André Mamou, les Philistins étaient dans tout le pays puisqu’ils faisaient des incursions partout. Donc Tsiklag a été prise et occupée par les Philistins, qui l’ont offerte par la suite à David lorsque ce dernier leur en a fait la demande (1 Samuel 27, 6). Et alors, à partir de ce moment-là, Tsiklag est devenue une cité royale en Israël, et a appartenu aux rois de Juda, souvent convoitée par les ennemis d’Israël, notamment les Amalécites (1 Samuel 30, 1), qui s’en sont emparée, Tsiklag n’en devenant pas pour autant une ville amalécite ! Par la suite, après le retour des exilés, Néhémie (5ième siècle av. J.C.) y a fait habiter « des fils de Juda »…
      Tsiklag, à l’origine ville CANANEENNE et non pas philistine, est bien une ville ISRAELITE, ayant appartenu à la royauté juive…

      • Je vous remercie pour votre commentaire ; une explication détaillée que je partage volontiers, même si cette dernière repose principalement sur des faits bibliques.
        Les arguments de Monsieur Mamou ne m’ont absolument pas convaincue.
        Je penche pour le terme cananéen et non pas philistin.

  2. Quelle est la signification de la dernière phrase du texte de madame Jacquet ?
    Une chose est sure : il s’agit d’une phrase péjorative ,vipérine à l’egard de l’etat d’Istael

    • Je partage entièrement votre réflexion et je dirais que cela dénote un anti-israélisme caché. Ce n’est que ma perception et donc n’engage que moi.

  3. Pour des Juifs croyants La bible hébraïque dite « ancien testament » est un document de nature divine et de véracité incontestable (et interdite de discussion) dont l’essentiel a été donné à Moïse sur le mont Sinaï ; il y a environ 33 siècles.

    Pour les tenants de l’analyse historico-archéologique ce document a été écrit de main d’homme, plutôt compilé à partir de traditions écrites et orales plus anciennes et « commenté », probablement quatre ou cinq siècles avant l’ère chrétienne ; il y a donc environ 25 siècles.

    Ce qui le daterait de la période dite « retour à Sion » (de l’exil de Babylone sous l’égide d’Esdras et de Néhémie).
    Ceci repose, entre autres, sur le télescopage de nombreux faits : le dernier évènement historique y est effectivement ce « retour « ; et les chapitres historiques les plus récents y sont justement les livres d’Esdras et de Néhémie.
    La révolte des « Macchabées » (Hanoucca), datant d’environ deux siècles avant l’ère chrétienne, n’y est pas; elle est donc ultérieure au livre.

    Et les versions les plus anciennes arrivées jusqu’à nous sont les rouleaux de Qumran (datés de 200 avant l’ère chrétienne à 70 après) et la traduction dite « La Septante », d’environ 200 avant l’ère chrétienne.

    Tout ça fait d’Esdras et de Néhémie, notamment le premier dit « Le Scribe », ayant fait leur « Aliyah » de Babylone vers 450 avant l’ère chrétienne, des sérieux candidats pour l’Oscar du scenario le plus diffusé sur terre (enfin…de sa partie principale, dite « hébraïque »).

    Mais si c’est EUX qui ont écrit (lisez compilé, complété et commenté en éliminant probablement ce qui ne leur convenait pas) la Bible Hébraïque ils sont à l’origine des interprétations de l’Histoire qui s’y trouvent ; conformes donc à leur vision du monde et aux mythes fondateurs qu’ils espéraient inculquer aux leurs ; mais pas forcément conformes à la vérité historique dont ils n’avaient pas trop que faire.

    On n’a donc pas fini de trouver des preuves archéologiques qui dévient, peu ou prou, de l’Histoire racontée par la Bible Hébraïque…

    • Votre commentaire, Samueli, m’a beaucoup apporté.
      Il est indéniable qu’entre un livre, qu’il soit biblique ou historique, et une réalité sur le terrain, il peut y avoir un monde. L’archéologie l’a prouvée à maintes reprises et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Cependant, même l’archéologie n’est pas une science exacte. Dans ce billet, ce qui me dérange est le fait d’annoncer qu’une cité philistine ait été découverte au centre de l’Israël d’aujourd’hui, (dites-moi où se trouve le centre d’Israël ? Ses frontières sont tellement découpées qu’il est hasardeux, à mon avis, de parler de centre), qui plus est par l’archéologie biblique-chrétienne et au détriment des hébreux. Cette cité pourrait devenir alors une revendication complémentaire dans le conflit Israëlo-palestinien.
      En définitif, et en tant que Judéo-Chrétienne, je n’apprécie guère la manière dont ce billet est amené et le dernier paragraphe est, à mon avis, on ne peut plus tendancieux.

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