La conversation a lieu à Tunis, un jour de mars 2019, entre Jean-Yves Le Drian et Olivier Poivre d’Arvor. «Dis donc, Jean-Yves, tu as encore appelé un de mes amis le mois dernier, un homme d’affaires tunisien, pour lui demander de l’argent! Tu exagères!» «Ah bon? J’ai recommencé? Encore pour libérer des otages? Et combien j’ai demandé cette fois? Ça commence à bien faire…» Cet échange de plaisanteries surréalistes entre le ministre des Affaires étrangères et l’ambassadeur de France en Tunisie, où Jean-Yves Le Drian faisait escale entre deux visites auprès des responsables libyens à Tripoli et à Benghazi, est le dernier épisode d’une spectaculaire arnaque visant depuis plus de trois ans l’un des poids lourds du gouvernement français.
Plus c’est gros, mieux ça passe! S’il ne s’agissait pas d’une gigantesque escroquerie, qui a coûté des millions d’euros à de nombreuses victimes, on s’inclinerait volontiers devant le caractère romanesque de l’histoire. Depuis fin 2015, un gang de malfaiteurs se fait passer, au téléphone ou par Skype, pour Jean-Yves Le Drian, en imitant sa voix mais aussi son visage, reproduit par un masque en silicone. Le scénario est toujours le même: des hommes prétendant être des émissaires du ministre – le conseiller spécial Jean-Claude Mallet, le directeur de cabinet Cedric Lewandowski ou le chef de cabinet Jean-Christophe Le Minh – contactent de riches personnalités à l’étranger ou en France. Le ministre de la Défense veut leur parler d’urgence! La voix grave au téléphone, le visage sérieux sur la vidéo, le faux Le Drian sollicite ses contacts fortunés pour contribuer à la libération de plusieurs otages français retenus par Daech, souvent des journalistes. «La France a besoin de vous», implore le faux ministre, qui demande à ses interlocuteurs «un service».
Faire vibrer la corde patriotique
Officiellement, la France ne monnaye pas ses otages et ce principe s’est encore durci avec l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Mais le faux ministre promet que Paris remboursera ses généreux bienfaiteurs. Et que la république se souviendra de leur geste. «Ils jouent sur l’argent et les bons sentiments. L’État français ne payant pas de rançons, il ne peut pas apparaître publiquement dans une transaction financière», explique le ministre. Exploitant l’émotion qui a suivi les attentats terroristes en France, rappelant l’engagement français dans la lutte antiterroriste, ils font vibrer la corde patriotique de ceux qui sont issus de famille militaire, appellent à la solidarité avec le pays. Le bluff est énorme mais l’imitation de la voix et surtout celle du visage signent un travail de professionnel. L’image est suffisamment floue et la connexion volontairement mauvaise pour faire illusion pendant une ou deux minutes. Le temps de convaincre de l’invraisemblable! Le ministre et ses équipes ont trouvé que l’imitation vidéo était assez réussie. Mais Jean-Claude Mallet, le conseiller spécial de Le Drian, n’a pas voulu écouter sa fausse voix.
Source et article complet : premium.lefigaro.fr
Lisez « Le Parisien » à ce sujet :
« Trois Franco-israéliens ont été interpellés il y a un mois près de Tel-Aviv. Ils sont accusés d’avoir volé 8 millions d’euros à un chef d’entreprise en se faisant passer pour le ministre des Affaires étrangères ».
Et de citer Gilbert Chikli, autre « Franco-israélien », apparemment l’inventeur de la méthode, incarcéré en France suite à un procès en Ukraine.