Humeur du jour : Voyager dans sa tête. Khaled Slougui

Les réactions à mon dernier billet qui a beaucoup été partagé « ôter l’argument islam aux islamistes », me conforte dans ma conviction que l’idée d’une désacralisation du religieux est fondée, elle peut même réconcilier tout un chacun avec la spiritualité, la croyance, la foi; mais au-delà, ouvrir des perspectives temporelles d’un possible agnosticisme ou athéisme.

Ce qui me comble surtout c’est que le cercle de mes lecteurs se renouvelle, s’élargit, dans une très grande diversité.

A une amie qui me parlait de « délicieux délires », j’avais répondu que j’allais peut-être republier l’HUMEUR où, pour la première fois, j’ai parlé de délire.

Aujourd’hui, délirer c’est voyager dans sa tête; accrochez-vous, on embarque et la mer est plutôt agitée, il sera question de choses et d’autres.

1- lors d’une réunion amicale, un ami qui m’a bien cerné et depuis longtemps déjà, alors que j’étais assez distrait pour suivre la discussion, s’est fendu de cette remarque « vous savez Khaled, il voyage dans sa tête ». J’ai adoré la formule.

En effet, je pense que le meilleur voyage n’est pas forcément celui qui coûte cher, avec les meilleures conditions logistiques; ce n’est même pas le voyage en tant qu’acte physique, c’est une forme d’aptitude à rêver de ci de là.
Pour l’histoire, une fois, avec des amies russes, je commençais à parler de Russie, en m’attardant sur Moscou et St Petersbourg, Dostoievski, et la place rouge, Ludmila Pakomova…Mes amies étaient persuadées que j’avais voyagé à plusieurs reprises en Russie.

Une autre fois, c’était avec une un groupe d’égyptiens (es). Le point de départ est toujours culturel, et j’ai voulu parler du Caire de Naguib Mahfouz, avec des mentions très précises de telle et telle rues, du café Fichaoui, du restaurant Miramar, du Nil et des « dérives sur le nil », l’un de ses plus beaux romans, à teneur fortement philosophique.

Eux aussi étaient quasi certains que je connaissais très bien le Caire, j’y ai jamais mis les pieds.
Oui! on peut voyager dans sa tête.

2- Pour ne rien vous cacher, de plus en plus, il me plaît de raconter des histoires, pas dans le sens de bluffer, tromper (je préfère me tromper, mais jamais tromper les autres disait mon pote Brel). Je veux parler ici d’histoires qui ne finissent pas par faire des histoires , c’est à dire poser des problèmes, pour parler comme Rachid Benzine.

Pour l’exemple, marinant dans les mythes les moins vraisemblables, les plus extravagants, les histoires que se racontent les islamistes finissent par générer des situations ingérables en suggérant qu’il y aurait une religion, la vraie, qui s’appuie sur un livre « le Coran » où il y a réponde à tout, fût-il question des inventions scientifiques que personne n’aurait prévue 20 ou 30 années avant. Bref la foi (discutable) primerait sur la raison, cause de tous les maux de toutes sortes, de notre époque.

3 – Dans ce domaine, la semaine passée, à la prison des Baumettes, j’animais un café philosophique sur le thème « connaissance des religions et de la laïcité ».

Au cours de la pause, j’ai surpris une discussion entre deux détenus.
L’un disait à l’autre :

– Mon frère, tu sais, aucun aucun homme n’a posé les pieds sur la lune, c’est un gros mensonge; d’ailleurs, ils n’y sont jamais retournés.

– L’ami renchérit dans la contradiction, mon frère, Neil Armstrong a rapporté qu’en posant les pieds sur la lune, il a entendu l’appel du Muezzin à la prière.

– Soubhan Allah (comprenez « puissance du miracle divin »), s’esclaffa le premier
Eh oui! L’éclipse de la raison peut s’opérer, et cela cause de terribles dégâts.

4 – La question de l’identité est sous-jaçente à l’ensemble des problèmes et conflits réels ou fabriqués que l’humanité vit ces dernières décennies. Question que j’ai déjà abordée dans mes HUMEUR passées « les pardoxes de l’identité » et  » de l’authenticité ».

En réponse à un post sur l’assignation identitaire pratiquée par les indigénistes et autres identitaires, je me suis permis de remettre les choses en place, étant très irritable dès que ce sujet s’invite d’une façon ou d’une autre.

« Ceux qui pratiquent l’assignation identitaire sont en réalité des gens qui ont un gros problème avec leur propre identité. Ils n’ont d’identité que par opposition aux autres, c’est à dire par défaut. Cela traduit un complexe rhédibitoire. Une identité assumée, c’est celle qui existe en soi et pour soi (Hegel), mais sans exhibition ni m’as-tu vu? Une telle identité se vit, elle ne se clame pas.

J’ajoute que l’identité n’est jamais acquise une fois pour toutes. C’est un processus de dépérissement/acquisition qui s’invente perpétuellement tant qu’on fait partie de ce monde, à la fois horrible et passionnant.

5 – A propos de DELIRE, il s’agit d’une redite.
Délirer est un des mots de la langue française que je préfère. Pour moi, il suppose de sortir du convenu, du conventionnel, du convenable, de l’établi…C’est simple pour moi, il y deux types d’humains : ceux qui sont capables de délirer et les autres; c’est cruel, mais ceux qui ne délirent pas, sont morts avant d’être nés. Dernièrement, j’ai déliré avec mon pote Brel et les gens ont aimé.

Une fois, une commerçante de mon quartier m’a raconté que son mari ne délirait jamais : il ne boit pas, il ne fume pas, jamais il n’a tenté de séduire une autre femme, elle a tout le temps droit aux fleurs, aux croissants; il ne la contrarie jamais, il s’occupe de la maison … Un jour, elle lui a dit : va voir ailleurs, je n’en peux plus.

Bien sûr, il n’y a pas de modèle du délire, et chacun peut le faire à sa façon.
Donc aujourd’hui, c’est ce que j’ai fait en vous suggérant de voyager dans vos têtes.

Que votre journée soit celle du voyage métaphysique, en toute sérénité.

An prochain délire!

Khaled Slougui

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