Humeur du jour : des échos d’Algérie. Khaled Slougui

Comme il m’est déjà arrivé de l’exprimer, je me suis toujours fixé comme ligne de conduite d’être très discret sur l’Algérie et les évènements qui l’agitent par intermittence. Sur ce sujet plus que tout autre, je suis partagé, et ce n’est pas une première, entre le coeur et la raison. La raison me dit : « casses-toi! », tu as quitté le pays, cela fait plus d’un quart de siècle, tu t’es choisi un autre destin, tu as pris un autre itinéraire, un autre train en marche, tu es sur d’autres préoccupations qui, parfois, peuvent être de survie tout simplement. Et entre-nous, est-ce que tu as toutes les données, tous les éléments, toutes les cartes en mains, pour pouvoir te faire une idée valable, c’est à dire proche de la réalité de ce qui se joue vraiment, une fois passée l’émotion du moment ?

Khaled Slougui

Mais « le coeur a ses raisons que la raison ignore », il ne s’embarrasse pas de ces questions qui ne peuvent être que formelles pour lui; le résolu, le conventionnel, le convenu, l’admis, le commun, le normal… peuvent tinter à ses oreilles comme des contraintes auxquelles il n’est pas toujours utile de prêter attention, ni de s’y plier. Lui n’agit pas, il réagit de façon spontanée, non calculée, que bien malin(e) sera celui ou celle qui pourrait la prévoir. Il a sa propre logique qui peut paraître souvent illogique

En général, il prend le dessus, il ne se la laisse pas raconter, il s’impose. C’est comme cela que j’ai pris la plume pour faire écho aux « échos d’Algérie »

J’en ai parlé dans un post, je suis dans une position pas du tout confortable, je navigue sur un mélange de réserve, de pudeur et de scepticisme à la fois

Je n’aime pas les superlatifs, ce n’est pas ma manière habituelle de juger, je me méfie donc de trop d’emphase, de trop d’émotion. Mais, il faut reconnaître que les évènements qui ont cours en Algérie ont quelque chose d’inhabituel, d’inédit, voire de surprenant, par leur nouveauté

J’ai plus que tout apprécié la justesse des revendications, la détermination, la mixité, l’enthousiasme et le civisme. Civisme que de mauvais esprits considèrent tout bonnement comme étranger à cette contrée, les préjugés ont la vie dure

De quelles revendications est-il question? Sans ambage, je retiens les observations de Mohamed Harbi

Une analyse lumineuse, par ceux qui ont une vraie connaissance de l’histoire du pays et des enjeux en cours. Il faut les écouter, c’est eux qui devraient définir les modalités de la refondation de la nation, pas Ibrahimi, le recyclage a des limites

Quête de liberté inséparable de l’égalité (HARBI), respect de l’automie individuelle, égalité des sexes indiscutable, liberté de conscience, liberté de disposer de son propre corps, fraternité… c’est ce en quoi se résument les aspirations du peuple

Benjamin Stora a eu raison en pensant que les Algériens ont beaucoup appris de ce qu’ils ont subi

Ce qui m’a le plus impressionné et qui entre de plain- pied dans mes préoccupations intellectuelles c’est le caractère profane des revendications. Les islamistes sont de fait hors jeu. Les gens n’ont que faire de l’eschatologie, « ils veulent prendre leur du de ce monde », selon l’exhortation du Coran. Les journaleux et plumitifs sont dépassés, ils sont dans leurs fantasmes. Ils appréhendent les choses, plus pour ce qu’ils auraient aimé qu’elles fussent, que pour ce qu’elles sont réellement

En revanche, ce qui m’inquiète, tant c’est prévisible, c’est que l’islamisme est un filon que le pouvoir ne lâchera jamais. Les criminels du FIS ont toujours été bichonnés et entretenus par le pouvoir. Mais les faits montrent que Dieu et l’eschatologie font partie du passé. « Même les boiteux ne marchent pas vers l’arrière », disait GIBRAN

L’islamisme a fait sont temps, il est passé de mode; les aspirations du peuple sont celles du devenir et de l’avenir à la fois. Mais, sans foi, ni loi, le pouvoir est capable de tout. Prudence et vigilance! Attendons la suite

Oui! l’islamisme est hors jeu, il rase les murs, il est dépassé par la puissance et la force d’un mouvement qui veut retrouver ses repères, sa culture millénaire, son esprit d’insoumission et de révolte, qui sont plus conformes à son être historique que l’islam de contre-bande, l’islam calculé, l’islam trafiqué

Ce qu’il faut retenir de ce mouvement, c’est qu’il est le résultat de 60 ans d’errance post indépendance, faite de despotisme, d’incurie et de gabegie. Le peuple ne veut plus de l’agenouillement et du larbinisme, il veut retrouver sa fierté et sa dignité

Le mouvement populaire algérien est un mouvement d’essence éminemment nationale. Comme le souligne HARBI, l’épouvantail d’une ingérence de forces extérieures n’est pas crédible; arrêtons de chercher le diable en dehors de nous, et d’imputer la faute toujours aux autres.
« Le mal est en nous », ce sont les dernières paroles prononcées par le regretté Boudiaf.

Conclusion : Je n’ai jamais été à l’aise pour parler des choses qui sont importantes pour moi. Le pays natal en fait partie. Il n’est pas évident de trouver les mots pour exprimer ce qui me lie à lui.
Le malheur, c’est que plus on s’en éloigne, et plus on s’y attache, et pour le coup, il devient franchement difficile d’être dans la raison
En général, j’aime à le décrire en femme de rêve
Belle et
Rebelle
Insondable et
Indomptable
Qui se laisse désirer, mais que nul ne peut s’approprier
On lui impose une langue, une religion, une histoire, des partenaires, une culture… elle s’en moque, elle n’en fait qu’à sa tête, elle a les siens propres.
Elle appartient au monde, en même temps que le monde lui appartient.
Elle est liberté maternante.
Elle est mon tout, elle est « mon Amérique à moi, aurait ajouté mon pote Brel, même qu’elle est trop bien pour moi ».

Un bon dimanche!

A la prochaine? Certainement!

Khaled Slougui

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1 Comment

  1. Non, c’est pas vrai. Il va pas nous remettre ça, le Slougui.
    Alors que les printemps arabes sont systématiquement devenus hivers islamiques ou pires.

    A-t-on oublié la place Tahrir du Caire en 2011 qui a porté au pouvoir le Frère Musulman Morsi avant d’ouvrir un boulevard à la bonne vieille junte militaire d’Al Sissi, frère jumeau (en plus jeune) de Moubarak ?

    La Tunisie du jasmin qui n’est pas, mais alors PAS DU TOUT sortie de l’auberge ? Dont certains avouent à mi- mots une nostalgie pour Ben Ali ?

    La Lybie ? La Syrie ? Le Maroc qui va y aller, un jour prochain inch’allah (nous disent certains…) ?

    Et voilà que Slougui nous abreuve de vœux pieux :
    « …les évènements qui ont cours en Algérie ont quelque chose d’inhabituel, d’inédit, voire de surprenant, par leur nouveauté… » ; NON. Aucune nouveauté.
    « Dieu et l’eschatologie font partie du passé ». Ah bon ? Chez les Arabes ? Cela se saurait.
    « L’islamisme a fait son temps, il est passé de mode ». Utopie et illusion ; sauf peut-être chez une poignée d’« intellectuels » (autoproclamés) algériens intramuros.

    A-t-on oublié que la décennie algérienne noire des années 1990 a commencé par la confiscation militaire d’une élection démocratique qui allait porter les islamistes au pouvoir ?

    Et il se passera quoi, maintenant ? La lumière céleste jaillira?

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