On entend ici ou là, en France, parler doctement des élections et des modèles de démocratie. L’un préconise le RIC (Référendum d’initiative Citoyenne), l’autre la proportionnelle intégrale (M. Le Pen en l’occurrence). Il se trouve qu’un pays qui a adopté, depuis sa création en 1948, la proportionnelle intégrale va voter dans deux mois. Alors faisons le point sur les élections en Israël.
Les élections législatives en Israël se font au scrutin de liste à la proportionnelle intégrale. Il y a 120 sièges à pourvoir pour une durée de 4 ans. Le seuil d’éligibilité est de 3,25 %. Lors des élections de 2015, il y avait 5 881 696 inscrits et plus de 20 listes présentes. Le 9 avril 2019 sera élue la 21eme Knesset.
Le système ne permet pas à un seul parti de rassembler 61 sièges, il incite donc à la constitution de coalitions (on parle en Israël de blocs) avec des conséquences d’instabilité avérées. La Knesset dure en moyenne 35 mois au lieu des 48 prévus et la dissolution est donc la règle à tel point qu’elle est intégrée à la stratégie des gouvernements. En règle générale, ces dernières années le parti dominant ne détient qu’autour de 25 à 30 % des sièges (soit 30 à 40 sièges). Dans la précédente Knesset 10 partis se repartissaient les 120 sièges.
Le contexte et les enjeux
Réélu depuis plus de 10 ans, Benjamin Netanyahou impliqué dans au moins trois affaires de corruption a décidé de dissoudre la Knesset et de provoquer de nouvelles élections pour prendre la justice de vitesse. Cependant, il est à peu près certain qu’il sera mis en examen et que son procès commencera avant le vote du 9 avril. Son parti, le Likoud est fortement partagé entre la volonté de mettre fin à ce que l’on pourrait appeler le règne Netanyahou et au contraire le prolonger. Il est vrai que Bibi a eu de spectaculaires réussites en matière de politique étrangère ce qui n’est pas négligeable.
Par ailleurs, l’entrée en politique du Général Benny Gantz et son alliance avec un autre général, Moshe Ya’alon (ancien ministre Likoud de la Défense, très opposé à Bibi) menace sérieusement la réélection de ce dernier. Il faut rappeler qu’en 2015 dans les sondages, Netanyahou était donné battu par Itzhak Herzog et Tzipi Livni (formant une alliance de gauche) et avait arraché une victoire à la Pyrrhus en dramatisant à l’extrême la situation sécuritaire. La menace d’une défaite l’avait contraint à constituer le bloc le plus à droite de toute la courte histoire de l’Etat d’Israël.
Aujourd’hui, selon les sondages, Benny Gantz et Moshe Ya’alon (formant le nouveau parti Hossen Leisrael) talonnent le Likoud. La liste Likoud vient d’être rendue publique. Elle traduit les difficultés du leader de la Droite. C’est loin d’être une liste conquérante. Elle montre une très large sous représentation des femmes, des séfarades et des druzes. Le grand rival de Netanyahou, Gidéon Sa’ar, malgré la volonté de Bibi de le marginaliser, reste en très bonne position sur cette liste.
Si le pays est économiquement très prospère et brille par les succès de ses start-up, la vie y a terriblement augmenté depuis 10 ans (+ 35 % soit 20 % de plus que dans la moyenne des pays de l’OCDE). Cependant les israéliens restent principalement attachés à la sécurité de leur État, et ce sera de loin le critère prépondérant de ce vote. Au Nord, la menace du Hezbollah et de l’Iran reste forte.
L’évolution des affaires juridiques sera la première clé du scrutin. La crédibilité globale de Gantz (en matière de sécurité mais aussi quant à sa capacité de constituer un bloc alternatif et à en assurer le leadership) sera la seconde clé. L’influence américaine et particulièrement du président Trump sera la troisième.
La paix entre Israéliens et Palestiniens joue paradoxalement un rôle tout à fait mineur dans ce qui s’annonce comme une bataille décisive pour le jeune État d’Israël. Je reste convaincu que Bibi Netanyahou a devant lui beaucoup trop d’obstacles et trop d’ennemis pour l’emporter. Mais la victoire de Benny Gantz se jouera dans les derniers jours de la campagne.
Alain Benichou – tel-avivre.
Liste des partis qui devraient disposer de députés
(en raison de la présence de partis religieux et de certaines ethnies le classement droite gauche ne répond pas aux mêmes critères qu’en France)
Yahadout Hatorah partis Religieux proches du Likoud Droite
Nouvelle Droite de Naftali Benett proche du Likoud Droite
Habayit Hayehoudi- Ihoud leumi religieux Droite
Likoud Droite
Israël Beytenou d’Avigor Libermann Nationaliste russophone
Shass Séfarade Religieux
Koulanou Parti de Moshe Kahlon Centre droit
Hatnuah Parti de Tzipi Livni Centre
Avoda Travailliste Centre gauche
Hossen LeIsrael parti de Benny Gantz et Ya’alon Centre
Yesh Atid parti de Yair Lapid Centre
Meretz Gauche
Liste arabe unifiée
Liste arabe de Ahmed Tibi
Le programme de Yaalon étant «tout sauf Bibi» car il a été membre du cabinet avant d’être évincé et celui de Ganz, préconiseur du «En meme temps» inspiré de qui vous savez, augurent mal du futur d’Israël.