Pourquoi tu mets des boucles d’oreille ? Par Michèle Chabelski

Bon
Mercredi

L’histoire date de quelques jours..

Je vais chercher les enfants à l’école.

Jacob note immédiatement le détail qui tue.
Je porte des boucles d’oreilles.

Tu portes des boucles d’oreilles ?

Ben tu vois bien.

Pourquoi faire ?

Ben, dame!

Qui a besoin de boucles d’oreilles pour aller à l’école, poeler des hamburgers et aligner les pions de puissance 4 ?

Qui a besoin de boucles d’oreilles pour baigner des enfants, recevoir des cascades d’eau sur le jean, jouer à Jacques a dit et faire bouillir des coquillettes ?

Qui ?
Personne bien sûr.

Sherlock en déduit donc qu’il y a autre chose.

Tu vas faire quoi ?

Je vais dîner avec des amis.

C’est pour ça que t’as mis des boucles d’oreilles ?

Ben oui..

Il fait un peu la tête.

Il commence à être assez grand pour subodorer un espace festif auquel il n’appartient pas..

Il me rappelle l’autre Jacob.
Papa.

Qui ironisait sur mon aspect domestique – rouleaux sur la tête et tenue désinvolte et la mutation offerte aux regards extérieurs.

Mini jupe et cheveux bouclant sur mes frêles épaules..

Il disait:
Ils ont de la chance ceux qui te voient comme ça, hein, ketzeleh ?
Quand je venais l’embrasser pour lui dire au revoir..

Tu enlèveras tes pinces un jour pour dîner avec moi ?

Je barricadais ma frange de pinces métalliques pour essayer de lui donner ce côté raide des filles des magazines, ce qui offrait à la maisonnée une image de RoboCop qui froissait un peu la tablée familiale..

Jacob aussi est un peu offusqué.

Un tel effort d’élégance pour des inconnus qui ne me méritent sans doute même pas..

C’est qui tes amis?

Marc, Patrick,Jean Pierre..

Y a pas de filles ?

Si, bien sûr..

Et j’attends la question qui ne manque pas d’arriver :

Et.. t’as un amoureux ?

Papa disait:

J’aimerais bien connaître le nom du favori de ce soir.
Il doit être important pour justifier cette belle robe rouge.

Bingo..

La mini robe vermillon était réservée aux candidats de marque.

Je réponds à Jacob le petit :
Non. Je n’ai pas d’amoureux.

Je n’ose pas ajouter que les boucles sont l’élément détonateur supposé provoquer l’embrasement de la puissance invitante.
Il le devine.

Tu mettais aussi des boucles d’oreilles quand tu dînais avec Papy Paul?

Je crois pas.
Je ne me souviens plus.

Il me regarde par en dessous.

Genre:

Peut-être que si t’en avais mis, il serait encore avec toi.

J’explique que je sors dîner avec des amis et que je quitte parfois mes habits de grand mère.

Ben tu mets quoi alors?

Ben une robe rouge..

Les générations se télescopent, les Jacob aussi, j’essaie d’expliquer que l’amour que je leur voue est un colis délicieux que je n’abandonne pas devant la porte quand je pars,qu’il est ficelé serré sur mon coeur, et que les boucles d’oreilles et la robe rouge ne sont pas incompatibles avec le camion d’amour que je transporte avec moi et qui est assez vaste pour y accueillir d’autres invités heureux de se mêler aux passagers présents..

Je dis que les deux Jacob, Romy, Zoe, Noa et tous les autres y ont une place réservée qu’aucune boucle d’oreilles ne peut arracher..

Que cette journée vous offre robe rouge ,créoles et cargaison d’amour sans laquelle les accessoires ne sont que les instruments d’une stérile vanité..

Je vous embrasse

Michèle Chabelski

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2 Comments

  1. Le 26 février 2019, j’aurais 82 ans. Mon anniversaire sera accompagné d’un sale tour: raté deux gentilles marches d’un petit escabeau; cadeau d’anniversaire prématuré: deux côtes et deux vertèbres fracturées.
    Dans mon immobilité imposée, j’ai le temps de revisiter mes jeunes années.
    Pour mes treize ans, mon père et « patron  » de la boutique de journaux- librairie du « Passage »où j’ai fait mes universités grâce à la naissance du « Livres de poche » annonça ma « bat-mitsva » à nos fidèles clientes.
    L’une d’elles, bon chic, bon genre, au magazin me fit asseoir, le « Petit écho de la mode » sous les bras, sortit de son sac à main un petit coffret et l’ouvrit.
    j’ai réalisé ce qui m’attendait. Des boucles d’oreilles pour mes treize ans…
    Viviane, Le garçon manqué poussa un cri! Je ne veux pas de boucles d’oreilles! Des perces-oreilles me dis-je, affolée.
    Je remerciai cette brave dame. Une fois partie, rentrée à la maison, j’ai rangé, rassurée, ces clips dans l’armoire à glace de ma mère, au plus profond d’un tiroir. Un an plus tard, Mitsouris notre chatte sortit de la boite l’un des clips. On ne retrouva jamais le deuxième.
    Ouf, je respire!
    Viviane Scemama lesselbaum

  2. « Qui a besoin de boucles d’oreilles pour aller à l’école, poeler des hamburgers et aligner les pions de puissance 4 ?
    Qui a besoin de boucles d’oreilles pour baigner des enfants, recevoir des cascades d’eau sur le jean, jouer à Jacques a dit et faire bouillir des coquillettes ?
    Qui ?
    Personne bien sûr. » : Bien sûr que si ! Moi ! Depuis mon adolescence… Tout simplement parce que j’aimais les créoles…

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