J’suis passé à la télé ! Par Sarah Cattan

Alors que Libé fut au cœur d’une polémique pour avoir fait sa Une, ce mercredi 12 décembre, sur les humiliations policières à Mantes-la-Jolie, tout en se contentant d’un bandeau sur l’attentat de Strasbourg[1], et invoqua en guise de défense l’heure du bouclage, d’autres media, et non des moindres, se signalèrent une fois de plus par leur façon racoleuse et indigne de traiter l’attentat terroriste perpétré au nom de la religion d’amour que tous nous savons.

Qu’on ne vienne plus nous dire encore que Chaîne d’infos en continu Oblige bla bla bla : chacun sait que Rien n’excuse les choix désolants et indignes faits par tout un Comité de Rédaction réuni, le fût-il dans l’urgence.

Un traitement de l’info plus que discutable

On devrait pourtant avoir pris l’habitude. Cesser de s’indigner devant le traitement de l’info par un nombre de plus en plus grand de media, écrits, radiophoniques ou télévisés, que le dit traitement se signalât par un parti pris scandaleux flirtant avec la faute professionnelle, par des omissions, la hiérarchisation plus que discutable choisie dans les titres, et enfin cet emploi lâche sous couvert de prudence et qui consiste à ne plus jamais nommer l’innommable à leurs yeux.

Nous ne reviendrons ainsi pas sur la spécificité très française de traiter le conflit israélo-palestinien. Ce parti-pris flagrant à compter le nombre d’innocents assassinés à Gaza par ces salauds d’israéliens. Lesquels, tout le monde le sait, sont coutumiers de ripostes disproportionnées lorsque l’ennemi prétend juste les détruire. Les effacer de la Carte du Monde.

 

Nous ne reviendrons pas davantage sur leurs reportages ô combien souvent à charge. Nous décrivant cette jeunesse estropiée par la faute de l’Etat hébreu. Erigeant en grande résistante une Ahed Tamimi qu’il s’agit à tout prix d’avoir en plateau.

En plateau ! Car c’était là le mot-clé : vite, être le premier, recevoir celle dont on a décrété qu’elle était héroïne. Faisant Roi un Mehdi Meklat avant de même que de bien connaître l’individu. Resservant un an après le plat. Tentant de nous attendrir. Au nom de cette deuxième chance que seuls des fachos ou à tout le moins d’incultes ringards ne sauraient offrir au nouveau Rimbaud.

Vite Vite Vite

C’est la course à l’Info

Après, il sera toujours temps de réfléchir.

Vérifier

Valider

Un jour peut-être.

Revenons pour exemple aux errements scandaleux qui les ont tous fait réagir sur l’humiliation infligée à ces lycéens que les forces de l’ordre avaient astreints à s’agenouiller, mains sur la tête. Shame ! Regardez comment on traitait les manifestants ! La France était devenue un état policier et on ne nous avait rien dit ! Certains osèrent d’office les comparaisons du plus mauvais goût : c’est que cette scène leur rappelait, pauvres choux, les heures les plus sombres de notre histoire. Ils n’avaient pas vu de telles images depuis l’Occupation ! Les collègues de Libé auraient dû y aller plus souvent. Dans les zones de non-droit. Se renseigner plus avant. Apprendre avant que d’écrire que les victimes de Mantes-la-Jolie n’étaient pas tous des anges. Qu’ils avaient brûlé poubelles. Voitures. Usé de barres de fer. De pavés. Sacrés Lycéens. Enfoirés de flics. Discutables journalistes.

Car voilà. Réfléchir ? Questionner ? Nuancer ? Douter seulement ? Nos media n’ont pas le temps. Ils veulent nous in-for-mer. Et fissa.

Revenons une fois encore au traitement des attentats terroristes. Islamistes. Lorsque la guerre au scoop commence. Pour nous in-for-mer sur l’assaillant. Celui dont vite, très vite, nous saurons qu’il était, que c’est ballot n’est-il pas, un déséquilibré. Un loup ? Admettons : mais Solitaire !

L’évitement

Revenons d’abord sur l’évitement. La prudence s’impose, nous chanta d’emblée Laurent Nuñez, qui refusa de parler d’attentat terroriste à Strasbourg. Et d’abord, avait-il crié Allah Akbar.

Comment ne pas penser à Boualem Sansal. Que j’imagine partagé entre l’éclat de rire désabusé et le désespoir. Lui qui m’apprit ce que tout le monde savait, chez les musulmans, religieux ou non, ce qu’était le Tabaâ. De l’arabe tampon. Aussi appelé cal sur le front. Pour désigner la marque laissée sur le front lors de la prosternation pendant la prière. Signe s’il en est de l’assiduité religieuse du quidam. Le même, m’expliquant cette forme d’hyperkératose tant désirée et obtenue sur le front à force d’en frapper le sol, avait ajouté : Ils ont dans la poche une petite pierre à cet usage. Et c’est à celui qui aura… la plus grosse. Hyperkératose.

Que c’était là un signe ostentatoire. Revendiqué par ceux qui passaient leur temps à se frapper la tête sur le sol pour justement l’obtenir, ce cal. Marque de leur insigne piété.

Sansal ? Déjà en 2013, dans une chronique intitulée Regarde moi dans le front, l’écrivain Fouad Laroui se moquait dans Jeune Afrique de la Tabaâ ou zbiba : Et le fidèle déambule fièrement, arborant la tache foncée qui le signale à l’attention admirative de ses concitoyens, ajoutant que depuis que les islamistes avaient pris le pouvoir en Égypte et en Tunisie, on voyait de plus en plus d’hommes politiques arborant la Tabaâ et, – par une sorte de mimétisme- des centaines de jeunes voulant aussi l’avoir, la tache sur le front. C’est très in, concluait-il. Ils se heurtent violemment la tête en priant (boum, boum, boum).

Sansal ? Laroui ? Même La Croix en parla cette semaine. Et encore sur CNews Barbara Lefebvre.

Gueule d’amour. Notre bandit des grands chemins. Entre deux braquages combien fort il avait dû prier.

Pourtant non. Comme d’hab, on nous le présenta tout d’abord presque comme le pauvre gars de la chanson de Vassiliu.

L’avait pas d’papa. L’avait pas d’maman. C’était rien qu’un pôv’ gars

Qui s’appelait Armand

Sauf qu’il aura au final dézingué 5 innocents. Bilan provisoire. Qu’il s’appelait pas Armand.

L’avait un papa

L’avait une maman

Les interviews indécentes.

Ce papa, les journalistes le cueillirent tout frais, au sortir de sa garde à vue. Comprends : T’as sous la main le père du djihadiste de Strasbourg et tu l’interviewes pas ????

Quoi il était lui aussi fiché S ?

Quoi Il portait barbe ? Quoi Barbe fournie. Rousse. Teintée au henné. Laquelle -sauf hasard extravagant- signifiait un bon degré de radicalisation, l’objectif étant d’imiter le prophète. Juste une coquetterie ! De mise au Pakistan. Par exemple.

L’avait aussi une maman. Même que Barbe rousse nous ouvrit la porte du logis. Elle portait voile. S’exprimait dans un charabia que même au bled on parle mieux. Elle qui vivait en France depuis 3 décennies.

Mais puisque les deux t’expliquent que bien sûr ils savaient pas. Que oui ils avaient bien noté la fascination de ce fils pour l’EI. Que même ils lui auraient dit : Daech C’est pas bien

Bref.

Tu as donc appris -tu crois rêver- que le père, il est aussi fiché S. On se demande bien pourquoi. Et surtout pourquoi ils lui donnèrent la parole. Pauvre Sonia. Qui sembla un brin réservée. Demandant de prendre ça avec distance.

Ecoute encore. Etonnamment, on t’affirme que l’autre, là, le tueur haineux, l’ennemi, il s’est sûrement radicalisé en prison.

Que toi tu te dis d’abord que Oui forcément Et comment résoudre ce balagan

Mais les spécialistes, ceux qui savent tout, ils t’expliquent, eux, que le pôv gars était fiché S pour s’être un pti peu trop entiché des fondamentaux de la religion de paix et d’amour.

Bref ils te vendent leur came. La théorie du délinquant qui se serait radicalisé brusquement. Sans que quiconque n’y entravât que dalle.

Ainsi, personne pour se souvenir de Zoulikha Aziri ? Pour interroger et savoir si Chekatt ne se serait pas radicalisé via sa cellule familiale ?

Que nenni : Ce sont Le père et la mère qui répondirent de concert et que donc il s’agit de croire.

Accepte : Tes collègues, là, ils sont allés à la source. Ont rapporté de l’info directe. Quoi ils auraient donné la parole à un salafiste ? Tu crois ?

C’est pas fini. Ils donnèrent encore, sur CNews, la parole à un prétendu proche du terroriste. Râle pas. Tu voulais de l’info ? Alors accepte que parfois il puisse y avoir de menues erreurs. Regarde quand sur BFM passa Shot the chérif pendant la traque du terroriste. Ça, c’est les risques du direct ! C’est le principe des Editions spéciales. Ça fait pas dans la dentelle. Et Rachid qui s’exprime le 11 décembre, juste après l’attentat, en direct, à 23h50, ça fait partie des risques du métier : le proche du terroriste que CNews avait dégoté, eh ben c’était un farceur ! Qui voulait juste passer dans le poste ! Sauf que le petit rigolo, il alla se vanter peu après. Sur la Toile. Je suis vraiment passé à la télé ! Mais je ne le connais même pas le gars ! Je ne sais même pas c’est qui (sic) ! Je le connais même pas. Poussa jusqu’à critiquer les journalistes qu’il avait dupés : Vérifier avant de diffuser !! Ajouta le gredin.

Quoi ils auraient pu vérifier, s’étonner même, vu que le nom du terroriste n’avait pas encore été révélé ? Lui, Rachid, il leur servit un discours interchangeable. Mille fois entendu. Qui allait bien faire l’affaire : Moi, je l’ai connu, il était super-gentil. Très discret. Il avait l’air de quelqu’un de cultivé. Il était connu comme le grand frère. C’était toujours celui qui allait apporter quelques bons conseils ou faire une petite leçon de morale. Il avait des discours assez appuyés concernant certains points sur la religion et était assez sévère avec ça. Il ne faut pas le décevoir avec la barbe par exemple.

Excusez-les, Albert et Katia, et puis Vous tous, parents endeuillés. Je l’ai payé cher à la mort de mon fils, tous les jours, tous les médias nous parlaient de Merah en exposant sa photo avec sa gueule d’ange en sourire. Cela nous a fait mal durant 5 ans, m’avait dit le père d’Abel.

So what ?

 

Se désabonner de tout ça ? Eteindre la radio ? Ne plus regarder que LCP et ces quelques autres émissions qui auront su résister ?

Ne surtout pas risquer aujourd’hui la bourde de Bourdin qui, pris en 2016 de l’idée saugrenue de lancer un sondage en ligne sur Twitter pour demander aux internautes si les médias mentaient… se prit un score de 91% de réponses positives. Agrémentées de commentaires des plus virulents. Evoquant une caste médiatique. Sa crédibilité plus que discutable.

Manipulés ? Lâches ? Aux ordres ? Déjà asservis ? Inconscients ? Incompétents ? Je n’irais cocher quelque case que ce soit mais la tribune offerte aux parents de l’assassin est d’autant plus effarante qu’on entend peu de voix pour la dénoncer.

Qui incriminer in fine. Of course the dear AFP. Supposée collecter. Vérifier. Recouper. Diffuser l’info.

Et attention : sous une forme neutre. Fiable.

L’AFP source d’information des chaînes d’infos en continu.

L’AFP condamnée en 2017 pour discrimination syndicale.

L’AFP accusée en 2017 d’étouffer des infos gênantes pour le nouveau pouvoir.

L’AFP et ses dérives.

L’AFP qui balance à jet continu des infos venues de ses journalistes estampillés gauche profonde vers d’autres journalistes. De la même famille bien souvent.

Et ça donne… la couv’ de Libé.

Sarah Cattan 

[1] Mantes ou Strasbourg: panique à Libé! La boîte noire des enregistrements imaginaires du bouclage polémique.

Causeur. Franck Crudo. 13 décembre 2018.

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4 Comments

  1. De quoi procéde/nt la/les motivation/s qui les fait « vendre leur came » (bravo pour cette plus que pertinente expression !) ? Sans verser dans la paranoïa complotiste, il y a incontestablement un effet « voix de son maître ». La fréquentation des chargés de communication, celle des mêmes cantines et salons (il n’est que voir l’endogamie dans ce milieu), créent une bien homogène univocité. S’y ajoutent le souci de ne pas perdre accréditations, invitations et confidences, connivences et révérences serves.
    Mais aussi une double soumission : celle, consciente et inconsciente, à la doxa diffuse, et l’impérieux diktat de l’Audimat qui exige de donner au public ce qu’il souhaite et ce qui le rassure -doxa et Audimat entretenant un beau rapport dialectique !

  2. Quand on est témoin de ces nauséabondes dérives et falsifications médiatiques,on se prend à rêver a l avènement d une dictature morale et éthique inspirée par la justice et occupée à défendre la nation et ses valeurs

    • C’est vrai , mais c’est un rêve il faudrait un changement radical de mentalité , de bon sens d’intelligence pour entendre et lire la Vérité ;les médias font la loi ,leur loi et l’éthique passe à la trappe .

  3. « Discutables journalistes » ? OUI.
    Mais le phénomène ne se limite pas aux chaines d’info en continu et leurs semblables.

    Il y a aussi ceux qui applaudissent unanimement la nouvelle marotte dite « RIC ».
    Sans s’interroger sur son incroyable vitesse de propagation dans un public initialement focalisé sur des questions de pouvoir d’achat voire prosaïquement du prix du carburant.

    Sachant qu’elle ne se propagea pas autour des rond-points mais par les réseaux sociaux.
    Et la manipulation, à l’échelle industrielle et planétaire, de ces derniers par des « amis qui nous veulent du bien » est un fait avéré de notoriété publique depuis la campagne électorale de Trump. Faut-il rappeler les innombrables bizarreries de Facebook, l’affaire Cambridge Analytica et le reste ?

    Pas de raison pour que la France ne fasse pas l’objet de ces délicates attentions ; et la fin de la République est ardemment souhaitée par diverses engeances, dans l’hexagone et ailleurs.

    Voyons un peu les instigateurs les plus tonitruants du RIC. Une petite recherche web ferait l’affaire.
    ETIENNE CHOUARD ; proche d’Alain Soral, du complotiste Antony C. Sutton ou du néonazi américain Eustace Mullins.
    MAXIME NICOLLE , aka « Fly Rider ». Complotiste pathologique ; affirmant, entre bien d’autres choses, que l’attentat de Srasbourg était du fait du pouvoir macronien afin de brider les GJ. 12 administrateurs et modérateurs sont nécessaires pour « structurer » sa (très influente) page FB….
    Proche de PHILIPPE ARGILLIER Philippe (dit M.X.) ; complotiste pathétique, mégalomane et mythomane.
    Et d’autres.

    Tout ça pour dire que les discutables ne se trouvent pas que là ou on le croit.

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