Le revoilà à la Chambre 8-2 de la Cour d’appel : le Procureur de la République de Paris avait interjeté appel de la relaxe qui fut prononcée à son encontre en première instance le 14 février dernier.
Jawad. Le retour.
Le revoilà. Un jour portant un improbable survêtement noir à bandes pailletées et dorées. Le lendemain le même. En rouge.
Le revoilà. Affalé sur son banc au premier rang, les bras croisés. Ou donnant de la voix. Faisant un ring du Tribunal
73 avocats sont constitués parties civiles et représentent les 800 victimes ou proches de victimes des attentats du 13 novembre 2015.
L’extrême gravité de l’affaire n’a pas empêché pas Monsieur Jawad d’avoir mis en scène son retour devant la Justice. Sur Snapchat. Le réseau social des djeun’s. Son arrivée au Palais de justice s’est affichée sur les écrans. Un Et c’est reparti… annonce sa story.
Le zig, il est ingérable. Mais aussi : a-t-on donc le droit de répondre ainsi au sein du Tribunal.
Le zig, il dit qu’il n’a aucun mort sur la conscience et face aux questions des avocats des parties civiles, il n’en démordra pas et répètera haut et fort qu’il ne savait pas qu’il hébergeait deux djihadistes des attentats.
Parfois, le Président de la Cour d’appel tentera bien de le rappeler à quelque raison : Nous sommes dans un débat judiciaire, pas dans une foire d’empoigne.
C’est que le zig, ils nous l’ont tous énervé. Avec toutes ces questions posées et re-posées. Prenez Maître Chemla, pour ne citer que lui. Faut pas qu’il s’étonne hein. Jawad, il nous l’a bien chauffé ! Alors forcément le logeur de Daech lui répond : Vous êtes complètement tarté, vous! Dans votre esprit raciste et stigmatisé, ( sic ) vous me voyez arabe et donc je suis complice. Pour vous, tous les arabes et tous les noirs de cité acceptent d’héberger des terroristes. […] Vous voulez me faire passer pour un con. En fait, c’est vous les cons Je suis gentil, je vous réponds alors que j’avais juré de pas vous répondre. […] Lui il m’aime pas, il fait que parler à la télé, poursuit-il, montrant du doigt un des avocats.
Quoi Les avocats sont exaspérés ? Eh bien : mon Jawad aussi ! Ecoutez-le !
Il savait pas qu’Abdelhamid Abaaoud et Chakib Akrouh étaient des terroristes. Alors il les a hébergés dans son squat. A Saint-Denis. Parce que lui, il a un code. Un code moral : T’es dealer, t’es un braqueur? Tu viens chez moi, il n’y a pas de problème. (…) T’es un terroriste? Tu ne rentres pas chez moi
Jawad, il veut bien concéder qu’il a manqué d’à propos : Abaaoud m’avait dit le soir qu’il venait de Belgique. C’était flagrant, et j’ai rien vu. J’aurais dû me poser dans un coin et réfléchir.
Réfléchir. Non rien.
Jawad, il jure sur la tête de son fils. Il arrête pas. Ah si : il jure sur la tête de sa mère aussi
Je suis pas une ordure
Quoi Mérah ? Quoi ? Maître Mouhou ne veut décidément pas comprendre ! Lorsque Jawad a dit que Mohamed Merah avait du cran, il devait entendre qu’il fallait avoir des couilles pour mourir comme ça. Jawad, il savait pas que Mérah avait tué des gamines. Il a jamais fait l’apologie du terrorisme. Je n’ai pas d’admiration envers une personne qui tue des gamins de 4 ans. Je ne suis pas une ordure, insiste-t-il.
Pauvre greffiere
Les suspensions d’audience se multiplient. Le Président semble exaspéré. Pauvre greffière. Elle gère plus. Le zig , son débit a quelque chose de fou. Il arrête pas de faire des digressions. Ne déclare-t-il pas, par exemple, qu’il aide les habitants du 48[1] et qu’il n’entend pas les abandonner.
… Si bien que parfois, il demande quelle était la question : il a oublié. Forcément.
Vous parlez trop, monsieur Bendaoud. Vous vous saoulez vous-même de vos paroles, tente l’admirable Président, lui enjoignant de ne plus hausser le ton.
Dans le code de Jawad, c’est simple : T’es dealer, braqueur, tu fais de l’argent, t’as 100 kilos de cocaïne, il y a pas de problème. C’est que notre homme fait la nuance entre un Pablo Escobar et un Ben Laden : Mélangez pas, la méchanceté n’est pas la même. Escobar, c’est un grand narcotrafiquant. C’est pas de la méchanceté gratuite, c’est de la méchanceté pour être milliardaire.
Jawad et Wikipedia
Le show est reparti. Face aux questions de Maître Sebban, Jawad s’énerve, tandis que son propre avocat, aussi exaspéré que ses confrères, semble n’en pouvoir mais.
Si j’avais su que «les mecs étaient des terros , j’aurais appelé des proches pour savoir quoi faire. Je suis parfois con ouais mais je suis pas un criminel.
Quoi la mort de son meilleur ami, assassiné à coups de hachoir ? Mais puisque Jawad vous dit qu’il s’agissait d’un accident. Et que ça lui a coûté 8 ans de taule. Wikipedia dit que je suis un criminel, d’où je suis un criminel ?, interroge Monsieur Jawad.
Evoquant une fille en train de lui faire un acte sexuel dans un hôtel parisien, Jawad sort son smartphone pour montrer à l’avocat comment qu’elle était belle. Une très jolie fille Me Seban. Si je vous montre, vous allez avoir mal. Vous avez jamais couché avec une fille comme ça.
Et là, sous tes yeux écarquillés, l’avocat de Jawad demande à Maître Seban un peu de tenue : qu’il appelle son client Monsieur Bendaoud ! Et plus Pas Monsieur Jawad !
Ils sont décidément obstinés, ces avocats ! Tous à vouloir savoir comment le logeur a bien pu passer à côté des portraits diffusés à la télévision après les attentats du 13-Novembre. Ne savent-ils donc pas que Jawad a réponse à tout ? Il était défoncé. Il avait limité ses sorties à aller vendre de la drogue : La veille de l’assaut, j’ai mangé deux sandwichs et un tiramisu. Mais si j’avais su que c’était des terroristes, je n’aurais même pas pu manger une frite…
Qu’on se le dise : Jawad, il a pas vu les infos ce soir-là : sur la télé en 3D à 2.000 euros de ma copine, je sais mettre que des films et Netflix… […] J’étais défoncé. J’avais dû consommer facile 35-40 grammes de coke. Facile, les yeux fermés je vous le dis, je suis sûr de moi, plus du shit… J’avais appris que mon fils avait un handicap moteur, l’autre elle me dit qu’elle est enceinte, j’en pouvais plus, se souvient-il
Jawad, il dit qu’il défend son honneur. Faut comprendre ! Mon procès, tempête-t-il, est en live sur internet.
Son avocat l’exhorte à se calmer. Il se lève. Lui prend le bras. Gageons que Maître Nogueras n’oubliera jamais ce client… Vous croyez que je suis un trou du cul, monsieur Chemla? lance le prévenu à l’avocat des parties civiles.
C’est difficile… lâche le Président. C’est exaspérant.
A l’avocat qui demande quand donc il doit croire le prévenu, l’artiste en baratin répond : Vous êtes des requins, moi je suis un dauphin. Vous êtes en train de me bouffer, là. La justice, elle a des tentacules.
Il va jusqu’à prendre le Président à partie, lui expliquant comment lui s’est endormi un soir comme un mec normal et puis ne voilà-t-il pas que le lendemain, au réveil, on l’avait fait terroriste ! Personne ne peut supporter ça, monsieur le juge. Imaginez, vous vous endormez, vous êtes Président de la Cour, et le lendemain on vous accuse de pédophilie par exemple !
Mais comment donc le faire taire. La Cour est-elle donc obligée de l’entendre détailler ce qu’il a mangé ? Deux Kinder Maxi en 48h, j’ai rien mangé, pour rester concentré. Je vous réponds concentré. C’était quoi votre question ?
Pauvre greffière. Qui demande à nouveau à celui qui dit ne pas fricoter avec les terroristes de répéter.
Soudain, Jawad menace de se faire concis : Je ne répondrai qu’aux questions sur le 16 et le 17 novembre. Mais l’accalmie est éphémère : Faites votre travail, y’a pas de souci, mais commencez pas à mentir pour essayer de faire de moi le coupable, rétorque le jeune homme.
Ses réponses sont longues. Embrouillées. Sa colère monte, crescendo : le voilà à présent hurlant et frappant sur son pupitre, faisant que les gendarmes le serrent de près.
Suspension de séance
Il faut faire quoi Dire quoi pour être poursuivi pour injures envers le tribunal
Le show a repris
Celui qui est devenu star des réseaux sociaux gagnerait, dit l’expert qui l’a examiné, à être suivi en psychothérapie afin de prendre conscience de sa réalité et de la réalité extérieure.
Notre homme en convient ! Que ne s’était-il plaint pourtant, lorsqu’il était détenu, de la praticienne : C’est comme si elle venait me narguer et se foutre de moi. Je disais : je suis innocent ! Elle répliquait qu’il fallait que je prenne des cachets. Ils voulaient faire de moi un légume. Les cachets, je n’en veux pas. Je préfère prendre du shit. C’est le même effet que les anxiolytiques sauf que c’est naturel. Ça sort de terre.
Le Président le coupe et cite la toute dernière expertise : Vous avez une propension à la théâtralisation… Vous savez que cela veut dire ?
Non, répond Jawad. Le mec-là, l’expert, il était raciste ! Il me regardait bizarre.
Le Président :
Vous pensez que beaucoup de gens vous en veulent ?
Sur les 60 millions de Français, ça dépasse les 5 millions ! Et puis il y a tous ceux qui veulent me buter. Y’en a plein. Je l’ai lu sur les réseaux sociaux.
La défense de Jawad
J’ai jamais été radicalisé. J’ai jamais eu de haine contre les Juifs
C’est moi qu’a vécu ce qui s’est passé. C’est pas vous qu’étiez là-bas.
J’ai plus rien à perdre. Faut pas jouer avec moi. Oh, monsieur le juge, vous faites quoi là ? A un moment, ça va péter. Mettez-moi six ans, j’en ai rien à foutre.
Il te tirerait une larme presque : le voilà te contant comment tout ça lui a ruiné ses projets. Souviens-toi. Ce point de vente de cocaïne qu’il désirait monter. Là, c’est foutu, c’est même pas la peine de chercher, conclut celui qui explique avoir gagné un peu d’argent en faisant, sur Snapchat , de la pub pour des restaurants ou des loueurs de voiture.
J’en esquive une… Y’en a une autre qui arrive… […] Mettez-moi six ans, répète-t-il, J’ai plus rien à perdre. Vous me lancez des petites piques depuis tout à l’heure.
Celui qui vient d’être condamné à six mois de prison avec sursis pour des violences sur sa compagne demande un zeste d’empathie : Faut me comprendre. J’ai passé deux ans à l’isolement. Et puis procès. Et puis relaxe. Et là, on veut me remettre en prison. Mais on veut me rendre fou ! […] Moi, je vais mourir en paix, je n’ai aucun mort sur la conscience.
Le procès doit s’achever le 21 décembre.
La cour d’appel de Paris vient de relaxer Eric Zemmour, condamné en 2015 pour avoir dit en octobre 2014 : les musulmans ont leur code civil, c’est le Coran.
Ben oui. Tous les mecs de la cité jurent sur le coran de la Mecque. Même quand ils couchent avec une fille, ils jurent sur le coran de la Mecque. Dixit Jawad.
Sarah Cattan
[1] Rue de la République. Saint Denis.
Un clown entre islam, francisation opportuniste, terrorisme innocent, manipulation de notre système complaisant, moi je suis pour le dégagisme intégral de Mr … je ne me souviens jamais de son patronyme!