Dimanche, j’ai participé à la 7ème conférence régionale du Crif, vu que l’accès était libre (sans invitation) et l’affiche plutôt alléchante.
Je tenais, en particulier, à assister à l’intervention de Charles Rozjman dont j’ai fait la connaissance lors de mon dernier déplacement à Paris, on s’était promis alors de se revoir à Marseille, à l’occasion de la convention.
Mais aussi aux interventions de Jean Baubérot l’historien et de Bernard Ravet le proviseur en retraite qui est aussi l’auteur du livre « Principal de collège ou imam de la république ».
Je dois reconnaître la haute tenue, sur le plan intellectuel, de la journée, d’autant que les thèmes abordés étaient d’une actualité cruciale : l’école, la république, l’Europe. La diversité des intervenants et leur qualité a aussi contribué au bon déroulement de cette journée (rabin, élus, journalistes, universitaires…).
J’ai réagi à deux interventions, celle de Ravet, le matin, et celle de Bauberot, l’après-midi.
Un seul regret, j’ai eu très peu de temps pour aborder les aspects importants de ces deux questions qui me tiennent à cœur : la laïcité et l’école. Questions décisives, à tous égards, pour notre avenir commun.
C’est de cela que je souhaite rendre compte, dans cette HUMEUR, en essayant de faire de la pédagogie, la pédagogie comme rapport à l’autre.
– D’ABORD, pour avoir lu le livre de Ravet, et pour le connaître, puisque pendant deux ans, j’ai travaillé à la cité « La Busserine » qui est mitoyenne à son collège, je souhaitais marquer ma différence d’approche, en martelant les positions de principe claires et nettes qu’il est dans mon habitude de développer.
« Ce qui est bien conçu, s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément », ai-je l’habitude de rappeler dans toutes mes prestations, en reprenant cette maxime de Nicolas Boileau (poète du XVIIè siècle).
Il est évident qu’il y a des constats et des analyses intéressantes dans le livre de Ravet, mais quand il essaie de nous vendre l’idée du « Religieux » à l’école (aumôneries, imams républicains pour former le personnel et expliquer « le bon islam » aux élèves…), c’est non, mille fois non !
Le problème n’est pas théologique, c’est un problème politique et idéologique qu’il faut avoir la lucidité et le courage d’affronter comme tel, en retrouvant le réflexe laïque.
J’ai mobilisé deux arguments pour ce faire : primo, mon approche comparative qui consiste à s’interroger pourquoi, alors qu’il n’y a pas eu de bouleversement majeur en France, l’on se trouve confronté à un type nouveau de revendications parées de religieux au sein de l’école ?
En réalité, l’explication fondamentale réside dans l’installation d’un mouvement politique et idéologique qui s’ancre chaque jour davantage, et qui use et abuse des droits garantis par la république.
Il est galvanisé par le laisser-aller, le laxisme, la démission, le clientélisme et les concessions des décideurs paralysés par une certaine peur de l’islamophobie qui promeut une conception paralysante de la laïcité.
Secundo, Aucun argument religieux ne peut se substituer à la loi de la république; et la mode qui consiste à former tous les professionnels à « l’islam » est tout simplement une fumisterie. Moi, enseignant, je refuserais d’apprendre l’islam pour assurer ma tâche pédagogique et je combattrais la présence de l’imam au sein de mon établissement. La démagogie risque d’être payée très cher, et l’on en voit les premiers signes : depuis quand un élève est autorisé à discuter le programme de l’éducation nationale? La solution, c’est que l’Etat sévisse, avec fermeté et autorité, il en a le monopole légitime.
– Ensuite, contrairement à Charles Rozjman qui a très bien resitué le problème de la laïcité en la présentant, non pas comme hostilité à la religion, mais comme étant anticléricale, citant à l’appui une très belle citation de Mirabeau; Victor Hugo a dit de très belles choses à ce sujet, en faisant le distinguo entre le cléricalisme et « la religion vraie ».
Jean Bauberot, grand rhéteur, redoutable tacticien quand il s’agit de tenir un double discours sur la laïcité, pour la vider de son contenu vital.
Pour rappel, il a été membre de la commission Stasi qui a statué sur l’affaire des signes religieux ostentatoires à l’école; c’est le seul à s’abstenir sur la loi de 2004 votée à l’unanimité.
Pour lui, qu’on réponde à certaines revendications religieuses, ne contribuera pas à mettre le pays à feu et à sang; il cite pour faire avaler la pilule le cas de l’armée où des repas « casher » et « hallal » sont distribués sans que cela pose quelque problème que ce soit; mais très prudent, il a précisé qu’il ne voulait pas signifier qu’il fallait généraliser la pratique à l’école. Au plan théorique, il s’est appuyé sur l’idée que « la laïcité n’est pas une valeur absolue, en tant que telle, elle n’existe pas ».
A d’autres !
Pratiquement, cela introduit le corollaire du « négociable et du non négociable » dans ce qu’il appelle « une anthropologie des droits de l’Homme » : le mariage forcé, et l’excision ne seraient pas négociable, en revanche, la question du port du voile apparaîtrait, sous cet angle, relativement anodine, en tout cas gérable.
Ma réponse a tenu en un primat : point n’est besoin d’adjectiver la laïcité, et paraphrasant H.P. Ruiz, j’ai posé la question de savoir pourquoi il ne généralisait pas cette position à d’autres principes. De la sorte, la liberté ne serait pas absolue, de même que l’égalité, la fraternité et les DDHC. C’est ce qui s’apparente au relativisme culturel qui se fonde sur la possibilité de permettre aux gens d’avoir une démarche sans devoir renier leur culture. Cela n’est d’aucune pertinence : le droit à la différence, oui ! La différence des droits, non !
Ma question : Mr. Bauberot, est ce qu’en France, quelqu’un a été empêché de pratiquer sa religion? Par ailleurs, ignorez-vous le projet totalitaire sous-jacent aux demandes néoreligieuses, celles de l’islamisme en l’occurrence ? Le public a apprécié. Il ne faut rien lâcher sur la laïcité.
– Enfin, j’aurais voulu en dire en plus, mais…
J’espère avoir été clair; je reste ouvert à toute discussion sérieuse, sans tabou aucun, à ce sujet.
Une bonne journée !
A la prochaine ? Certainement!
Khaled Slougui
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