Il a mélangé la vraie vie avec un jeu vidéo, par Sarah Cattan

Benalla B. E. N. A. 2L. A.

Je l’imagine épelant son nom, il y a pu gamin à l’école, hier en garde à vue. Oui, même un Ministre ça épèle en ce cas son nom. Comme toi. Ou moi.

Celui-là est plus fort que toi ou moi : inconnu jusqu’ici du grand public, il était de ceux qui suivaient le Président dans ses déplacements, officiels ou privés. Ce réserviste de la gendarmerie, formé au service d’ordre du PS, chargé de la sécurité d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, fut garde du corps de Martine Aubry et François Hollande à 20 ans, chauffeur de Montebourg, qui s’en défit lorsque le petit, responsable d’un accident, voulut prendre la fuite.

Ça n’empêcha pas notre gaillard de suivre sa route, imposé par Manuel Valls pour un stage dans une école d’officiers de gendarmerie à 22 ans.

Il a 23 ans : le voilà Lieutenant-Colonel de réserve, puis Garde du corps rapproché du Président à 26 ans.

Y en a même qui disent qu’on le proposa au même âge pour un poste de Sous-Préfet, alors que la limite basse était de 35 ans : d’adjoint au chef de cabinet du PR, il aurait candidaté dans le cadre des nominations au tour extérieur : c’était too much. Ça se sut. Ça ne put se faire. C’est ballot parfois.

Le gamin surdoué aurait en même temps obtenu un master de droit. Why not, il en est d’autres. Mais si peu que l’on retrouve, tout frais sortis d’une cité d’Evreux, munis du kit complet : voiture de fonction équipée de gyrophares, port d’arme, somptueux logement de fonction. Salaire consistant.

Tous donc prêtèrent la main pour le faire Grand-Duc, celui-là encore. Sans qu’aucun n’eût pensé à assortir le titre et les attributs d’un zeste d’éducation. A lui dire les règles. Même notre PR zappa l’essentiel et oublia d’ordonner qu’on lui apprît la morale, lui qui se la joua récemment donneur de leçons devant un jeune facétieux si inoffensif in fine.

Dans cet assemblage disparate, il ne s’en trouva pas un pour lui dire Les limites Les règles. Tous sans doute occupés à encenser le favori. A rire de ses coups d’éclat. Ne rient-ils pas avec Yassine Belattar et ne couvent-ils pas Latifa : C’est que pour peu que tu viennes de banlieue Ils auront pour toi les yeux de Chimène.

C’est qu’une pincée de racailles saupoudrée dans ce premier cercle, ça en jette Et puis c’est tout. Ça ça exonère de l’infamie ultime. Du soupçon d’islamophobie qui peut te défaire une réputation. Alors eux, ils ne dédaignent pas de frayer avec la populace. Mieux, ils en ont fait un must : faire entrer la plèbe dans les ors élyséens.

Benalla 1N 2 L. Juste un des sbires du Palais. Il avait pas la carte lorsqu’ils l’ont dégoté. Excusez-le : Lui a appris en les voyant faire. Par mimèsis. Et vice-versa. Eh quoi ? Il a juste, lui, rajouté les plaisirs d’enfance, mélangeant la vraie vie avec son jeu video préféré. Il a tellement joué au flic qu’il s’y est cru : Chef des forces de l’ordre.

Benalla 1N 2 L. Venu d’un monde sans règles Il est entré au palais, ce monde parallèle où tant donc est permis. Tout est offert aux favoris. Il ne sera pas fait Sous-Préfet ? Eh bien nous le laisserons Lieutenant-colonel. Dans la réserve citoyenne. Mais Avec tout ce qui va avec. Et des rallonges à son titre : Chargé de mission. Chargé de la sécurité du PR. Et tutti quanti.

Tout ça ni vu ni connu.

Sauf qu’un jour le petit dérapa. Du petit lait pour l’opposition réunie à l’Assemblée pour causer projet de révision constitutionnelle. What a balagan. Le feu prit vite. Les insinuations les plus perfides se mêlant aux accusations les mieux fondées. La presse qui s’y mit. Les réseaux sociaux. Point de PR sur place. Un PM parti réaliser un rêve d’enfance. Un Ministre de l’intérieur aux abonnés absents. Seule la garde des Sceaux à laquelle ils avaient confié les clés du château. Suspension de séance.

Un Ministre de l’Intérieur qui aurait tout su. Dès le 2 mai. Aurait voulu étouffer l’affaire. One more.

Alors forcément. Ça te parle déjà d’affaire d’État. D’équipe de barbouzes qui entoureraient le PR, lequel ferait donc montre de mépris envers les fonctionnaires de police et les militaires de gendarmerie nationale. On te parle de perte de confiance en la parole de l’exécutif. De perte de confiance en la parole du Ministre de l’Intérieur. On exige des têtes. On demande que cesse le règne de l’arrogance et du déni : faut dire qu’en face, le chef de file des députés LREM osa parler d’un… fait divers.

Ça tweeta de partout Ça fuita forcément. Le petit aurait même voulu jouer au chef et se substituer aux vraies forces de l’ordre lors de l’arrivée des Bleus à Roissy.

Alors Ariane Chemin, du Monde, sort l’Affaire.

On est le 18 juillet. Les grosses bêtises du petit prince eurent lieu le 1er Mai. Ainsi presque 3 mois pour sanctionner un collaborateur de l’Elysée filmé en train de frapper un manifestant.

Qui savait. Que se passa-t-il. Qui ne la vit pas, la vidéo qui circulait dans Paris. Pourquoi Benalla, Observateur, portait-il casque de police, mais aussi brassard et talkie-walkie. Court-circuitant, ainsi vêtu, les hommes du GSPR normalement en charge de la sécurité du chef de l’État. Qui était Vincent Crase. Pourquoi le premier en vint-il aux mains.

Le Palais croit clore le bec des curieux en annonçant qu’un comportement manifestement inapproprié ayant porté atteinte à l’exemplarité qui était attendue, en toutes circonstances, des agents de la présidence de la République avait été notifié le 3 mai à Benalla, assorti d’une mise à pied de 15 jours. Et d’une exhortation à faire preuve à l’avenir d’un comportement exemplaire. Pour info, le petit fut démis de ses fonctions en matière d’organisation de la sécurité des déplacements du président : le voilà cantonné à un poste administratif, où il s’occuperait de la sécurité d’événements organisés à l’intérieur du palais.

Au chaud.

Mais il n’y resta pas : ne le vit-on pas au Panthéon lors de l’inhumation de Simone Veil. Au défilé du 14 juillet. A Giverny, à l’occasion d’une visite privée de la résidence de Claude Monet, ce 13 juillet dernier. A Roissy. Où il le disputa à un commandant de gendarmerie, affirmant haut et fort que l’autorité administrative, c’était lui. Amenant les gendarmes à informer leur hiérarchie.

Quoi Des poursuites judiciaires ? L’application de l’article 40 du Code de procédure pénale ? Point de ça. Le Palais ni Gérard Collomb n’informèrent du délit le Procureur de la République.

Ainsi, entre celui occupé à réaliser son rêve d’enfant et qui crut en toute bonne foi pouvoir assister à l’arrivée du Tour et L’autre, qui jugea offensantes les questions posées et se fendit d’un désormais cocasse La République est inaltérable, le Parquet de Paris, lui, annonça en même temps l’ouverture d’une enquête préliminaire… Pour violences par personne chargée d’une mission de service public et usurpation de fonctions.

Et voilà comment la présidence fut contrainte vendredi matin de licencier son chouchou. Chouchou placé en garde à vue. Visé qu’il était pour des faits de violences en réunion par personne chargée d’une mission de service public, d’usurpation de fonctions, de port illégal d’insignes réservés à l’autorité publique et de complicité de détournement d’images issues d’un système de vidéo-protection. L’enquête est confiée à l’IGPN et à la BRDP.

Fastoche de répondre qu’il y avait récupération politique de l’affaire Benalla. A les entendre, c’était presque de notre faute le balagan où ils étaient tous empêtrés.

Ça aurait pu être drôle si ça n’avait été vrai. Coluche eût pu en faire un sketch. Fustigeant comme il savait si bien le fait du Prince comme mode de gouvernance. Moquant cette monarchie déguisée. Cette ivresse qui décidément se saisissait de tous. Ç’aurait été L’histoire d’un mec. Il se prenait pour un policier. Un cow-boy. Un chien perdu sans collier. Enivré du pouvoir que lui conférèrent la proximité du Président et ce qui en découlait.

Toi ? Tu te souviens soudain de l’affaire du Général Pierre de Villiers. De ces deux jours qui suffirent au PR pour retoquer ce Général en chef de l’Etat-major. Cet homme d’honneur. L’exécuter indignement. Et tu repenses à ces deux mois nécessaires pour défaire un voyou de ses titres.

Tu t’interroges avec une perplexité qui se la dispute au dégoût sur ce premier cercle. Ces racailles dont ce PR aimait tant s’entourer. Un peu comme ces bourgeoises qui s’encanaillaient au petit matin au contact des forts des Halles, disait Aristotellis.

Tu es effarée devant celui qu’un peuple décadent a élu. Un gamin ivre de lui-même. Ce que nous avions trouvé de mieux en magasin. Et puis c’est tout.

Etait-il besoin de pseudo-analyses menées par mult chercheurs. Etait-il donc des spécialistes en décadence. Entre ceux qui tentèrent de minimiser l’affaire et la meute qui exigeait qu’on vous pendouillât tout ça.

Allons. Un zeste de lucidité et d’autocritique : nous avions tous fait ce PR qui lui-même allait faire ses bouffons des Yassine Belattar et autres Alexandre Benalla. Responsabilité partagée. Indicateur d’une décomposition française. Possibilité d’émeutes civiles. Rentrez les enfants.

Jadis nous emmenions les enfants au Jardin du Luxembourg. Voir Guignol. Aujourd’hui Guignol se jouait au Palais. Sous le règne d’un PR qui ne fréquentait que du beau linge. La crème de la crème. C’était sa garde rapprochée. Son Premier Cercle. Ses intimes, quoi. Comment disais-tu, Eber? Que Macron te faisait penser à ces petits bourgeois ou notables de province qui montaient à Paris s’encanailler et qui avaient toujours parmi leurs amis des gens de la pègre, des petites frappes ou des voyous. Qu’ils se délectaient de ces fréquentations pensant que ça rajoutait peut-être à leur virilité. Et Toi, Aristotellis? Qu’il se prenait, ce gamin gâté, pour un phénix, mais que comme Icare à trop vouloir côtoyer le soleil il allait se brûler les ailes.

Lorsqu’on sait quelques noms de valeur et qu’on se dit qu’on leur a préféré ceux-là. Makao. Ce garde du corps. Colosse de plus deux mètres. Qu’une vidéo montra jouant avec le logeur de Daech. Mohamed Saou. Soutien affiché du régime d’Erdogan. Adepte du complotisme. Un type bien Mohamed !

Yassine Belattar. Vilipendé pour avoir dit notamment qu’il n’y avait pas de terrorisme en France. Mais aussitôt consolé par un titre et puis un sms désormais célèbre : T’obsède pas. Continue. Les critiques suivent le talent.

See you Mon cher Malek Boutih

Sarah Cattan

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9 Comments

  1. Le dénommé Benalla n’est pas la cause du scandale et ne mérite pas toute cette attention.
    Il n’est qu’un p’tit c… trop vite enflé dont la proximité du pouvoir a boursouflé la tête (et le reste…) ; la solution pour lui consiste à le dégonfler et c’est déjà bien engagé.
    Mais le problème est ailleurs, dans l’irresponsabilité (voire la complaisance) du système politique qui a permis son ascension ; dans une coupable mansuétude dont les raisons restent à clarifier.
    Vu où il est arrivé à grimper si jeune, il faut se féliciter de ses gestes du 1er Mai qui avaient dévoilé sa vraie nature ; et congratuler les citoyens et les journalistes qui ont permis à ça de sortir.
    Car, s’il n’était pas aussi c…. le 1er Mai, il grimperait jusqu’où ? Ministre de l’Intérieur ? Davantage ?
    Un gros nettoyage s’impose ; et pas qu’au niveau des lampistes. L’opposition a 1000 fois raison, en l’occurrence.

  2. qui sont ces personnages qui gravitent autour de Macron et Madame?
    Ceux qui gravitent autour d’Edouard Philippe.
    Parce que entre Benalla et Médine et Jawad qui jouent ensemble à la play station Nous n’avons aucune explication quant à leur fonction
    ROSA

      • Qd je dis Ministre de l’Intérieur c’est un euphémisme. Pourquoi pas plus haut ?
        Sachant qu’il fut à 26 ans (!!!) adjoint au chef du cabinet du Président de la République, muni d’une ribambelle de signes extérieurs du pouvoir, d’un culot monstre et, il faut bien l’admettre, des dispositions physiques et mentales utiles pour grimper.
        Il mérite la légion d’honneur pour avoir joué, le 1er mai, non au jeu vidéo mais au gamin turbulent dans une cours de récrée aux premières poussées de testostérone.
        Pour nous avoir averti sur sa nature, n’est-ce pas ; pour s’être démasqué pendant qu’il était encore temps.
        Car, qui sait, on tenait peut-être le Mohammed Ben Abbès de Houellebecq.
        Vous riez toujours ?

  3. Et pour conserver dans leur proche entourage un individu de cette eau, est-ce que Macron et Philippe ne se croient pas eux aussi dans un jeu vidéo où le principe de plaisir et les pulsions perverses polymorphes l’emportent sur tout autre principe, à preuve leur flirt avec la transgression de toutes les limites inhérentes à l’Etat de droit par leur louche mansuétude envers Benalla? « Game over » sur les écrans de la la République ou de ce qui en tient lieu : vous n’êtes pas en train de jouer ou de vous jouer de nous tous! … A moins que…un peuple décérébré par le pain et les jeux ne finit-il pas par s’identifier à l’empereur romain, pouce en haut, tu vis, pouce en bas, tu meurs, le président c’est moi! La suite nous le dira !

  4. Ce soir, BFMTV expliquait que benalla était logé dans l’ancien appartement que Mitterand réservait à Anne Pingeot et leur fille Mazarine avant la découverte du  » pot de fleurs » (je n’ai pas pu me décider pour choisir une fleur…)
    Il était le fils caché, ah! ah!) de qui ? pour avoir droit à ce logement, certainement pas donné.
    Si Balzac revenait, il trouverait sûrement matière à roman dans le parcours de ce minable Rastignac.

  5. Le parcours de Benalla à l’Elysée, une fois le pot au roses découvert, ne vous fait-il pas penser à la fable de la Fontaine ?

    « La laitière et le pot au lait

    Perrette sur sa tête ayant un Pot au lait
    Bien posé sur un coussinet,
    Prétendait arriver sans encombre à la ville.
    Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
    Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
    Cotillon simple, et souliers plats.
    Notre laitière ainsi troussée
    Comptait déjà dans sa pensée
    Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
    Achetait un cent d’œufs, faisait triple couvée ;
    La chose allait à bien par son soin diligent.
    Il m’est, disait-elle, facile,
    D’élever des poulets autour de ma maison :
    Le Renard sera bien habile,
    S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
    Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
    Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable :
    J’aurai le revendant de l’argent bel et bon.
    Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,
    Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
    Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
    Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
    Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
    La dame de ces biens, quittant d’un œil marri
    Sa fortune ainsi répandue,
    Va s’excuser à son mari
    En grand danger d’être battue.
    Le récit en farce en fut fait ;
    On l’appela le Pot au lait.

    Quel esprit ne bat la campagne ?
    Qui ne fait châteaux en Espagne ?
    Picrochole, Pyrrhus, la Laitière, enfin tous,
    Autant les sages que les fous ?
    Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
    Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
    Tout le bien du monde est à nous,
    Tous les honneurs, toutes les femmes.
    Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
    Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
    On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
    Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
    Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;

    Je suis gros Jean comme devant. »

    Jean de La Fontaine, Les Fables

    Devoir de vacances : en reprenant les idées de cette célèbre fable, vous écrirez un pastiche dont le héros sera au choix Benalla ou un président qui s’est cru au-dessus des lois. A vos copies, je ramasse dans deux heures.

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