Montpellier : deux expositions pour déconstruire la propagande hitlérienne

L’annonce d’une exposition consacrée à Heinrich Hoffmann, photographe d’Adolf Hitler, au Pavillon Populaire avait suscité quelques interrogations.

Deux ans plus tard, couplée à « Regards sur les ghettos », « Un dictateur en image » est présentée au cœur de cette saison mettant en avant la photographie documentaire. Ou comment décrypter la propagande avec son pire exemple. À voir jusqu’au 23 septembre. Vernissage mardi 26 juin à 18h30.

Une saison consacrée à la photographie documentaire

Si pour certains, la simple évocation d’Adolf Hitler est synonyme de polémique, il faut chasser d’emblée cette idée. L’expertise de Gilles Mora, le travail réalisé par l’historien Alain Sayag, la validation du Mémorial de la Shoah et le soutien de la municipalité sont autant de crédits au sérieux apporté à la réalisation de cette double exposition.  « Il ne s’agissait pas de faire une exposition sur Adolf Hitler mais sur Heinrich Hoffman. Ce n’est pas tout à fait la même chose. On a pensé que ce serait bien de montrer à coté une autre réalité qui est celle des photos des ghettos » explique Sophie Nagiscarde, responsable des actions culturelles du Mémorial de la Shoah. « Dans les livres d’histoire, on montre les photographies mais finalement est-ce que l’on a les clés pour s’interroger sur ce que l’on voit ? Avec les deux expositions, on montre ce que l’on voit. On veut que le public comprenne qu’il y a une image mais qu’il faut s’interroger sur qui l’a prise. Cela donne une autre vision des choses ».

C’est justement tout l’enjeu de l’exposition qui s’inscrit dans un contexte que rappelle Gilles Mora : « Ce n’est pas une saison consacrée à des photographes auteurs. C’est une saison consacrée à la photographie documentaire et ses rapports à l’Histoire. Hoffman n’est pas du tout un artiste. C’est un type qui est engagé pour faire la promotion d’Hitler à travers la personne du Führer ». Contrairement à d’autres domaines comme le cinéma avec Walter Frents, le nazisme n’a nullement contribué à une nouvelle esthétique photographique à travers Heinreich Hoffmann. Le directeur du Pavillon Populaire explique : « Nous avons choisi Heinrich Hoffman parce que la connaissance iconographique que nous avons d’Hitler dans nos livres d’histoire, dans les photos les plus diffusées vient de lui. Elles n’ont jamais été présentées dans cette perspective qui les recontextualise en montrant ce rapport entre photographie et propagande ainsi que la construction d’une image, celle d’Adolf Hitler ».

Recontextualiser les images

Alain Sayag avait ce projet en tête depuis longtemps : « Ce n’est pas tant le sujet qui m’intéressait mais plutôt la démarche. Pour moi c’est très choquant de voir quel mépris, et je suis historien, les historiens en général, et plus particulièrement ceux du XXe siècle, traitent la photographie. Autant ils apportent un soin extrême à justifier les citations, autant ils se moquent de l’image ». Et de justifier l’importance de sa démarche : « Il me paraissait indispensable de montrer à quel point il est important de citer, dater et présenter ces images comme des photos qui ont un sens par rapport à l’Histoire et de comprendre qu’elles ne sont qu’une construction intellectuelle. Il est intéressant de voir à quel point sur le réel on plaque une idéologie. Et finalement, cette idéologie finit par avoir une réalité au bout de quelques années ».

L’exposition « Regards sur les ghettos », présentée une première fois au Mémorial de la Shoah, participe à la même démonstration de « travail sur l’analyse de la photographie. C’est à dire qu’est-ce que sont ces photographies ? Qui les a prises ? Qu’est-ce que l’on peut voir dessus si on se met derrière l’appareil ? », détaille Sophie Nagiscarde qui poursuit, « On s’aperçoit que dans les livres d’histoire, les photos de propagande sont utilisées pour illustrer la vie dans les ghettos. Je trouvais étonnant qu’aucun musée n’ait jamais présenté une analyse de ces photos. On a donc mis le nom des photographes ». Un révélateur de l’intention du cliché suivant s’il est pris à des fins de propagande, par les « touristes », des soldats allemands venus passer quelques jours de repos hors des combats, ou des captifs juifs qui avaient pu conserver un appareil. « Cette exposition participe au même rapport à la photographie documentaire et au prisme qui fait que les photographes qu’ils soient allemands ou juifs, ne voient pas le réel de la même façon. C’est le même problème. La photographie documentaire n’est jamais neutre. Elle est toujours à travers le prisme d’une vision quelconque » rappelle Gilles Mora.

Un dispositif pédagogique

« Les gens qui rentrent ici cela ne va pas être pour se distraire car ils ont deux cents fois la gueule d’Aldolf Hitler. Ils doivent bien se dire que c’est une exposition qui vise à quelque chose ». Gilles Mora est franc et fait confiance en l’intelligence du visiteur et son désir d’éveil. D’autant que l’aspect pédagogique est indéniable comme détaille le directeur du Pavillon Populaire : « On a multiplié les textes pour expliquer comment fonctionnait la propagande d’Hitler, sa fausse familiarité avec les enfants et les animaux, sa mise en scène en tant que chef de guerre, le rapport avec le film de Charlie Chaplin… le catalogue, le livret de la visite, les textes sur les murs et/ou en anglais, notre médiateur Gérard Milési est là pour expliquer aux gens… ». Les 150 photos du dictateur sont ainsi parfaitement accompagnées par les textes des historiens Johann Chapoutot et Denis Peschanski.

Resté, à juste titre, comme un monstre dans l’Histoire et adulé tel un dieu par les nazis sous le IIIe Reich, Adolf Hitler a réussi par l’utilisation à dessein d’Hoffmann et de ses photographies à faire oublier qu’il n’était qu’un homme. En rappelant cela, l’exposition « Un dictateur en images » démontre l’efficacité implacable de la propagande. Et si « Regards sur les ghettos » n’est pas voulue comme un contre-poison à l’exposition, ce rôle est laissé à Charlie Chaplin. Les images salvatrices de son Dictateur se passent, elles, de commentaires. Les quelques notes du premier acte du Prélude de Lohengrin de Wagner suffisent. Selon Alain Sayag, Adolf Hitler a détesté le film.

Pratique :
À voir jusqu’au 23 septembre au Pavillon Populaire, esplanade Charles de Gaulle. Entrée libre. Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 13h et de 14h à 19h. Visites guidées : les vendredis à 16h (45 min), les samedis à 11h, 14h30 et 16h (1h30) et les dimanches (1h). Visites guidées en famille du 1er/07 au 31/08 (pour les 7-11 ans) : les mercredis et dimanches à 16h. Plus de renseignements sur montpellier.fr/pavillon-populaire.fr

Source e-metropolitan

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