Le musée d’art et d’histoire du Judaïsme fête ces années ses 20 ans. Un rôle essentiel alors que la France fait face à une montée d’un nouvel antisémitisme.
Avec ses 2 millions de visiteurs en vingt ans, ses 700 donateurs qui ont enrichi les collections, le musée d’art et d’histoire du Judaïsme, installés dans le magnifique hôtel Saint-Aignan, dans le Marais, aide à combattre « les préjugés liés à l’ignorance de l’autre », comme le souligne Paul Salmona, directeur de cette institution parisienne depuis 2013. Rencontre.
Ce sont les 20 ans du musée d’art et d’histoire du Judaïsme (mahJ). Et ce n’est pas un hasard, si ce lieu a été créé dans ce superbe hôtel Saint-Aignan ?
PAUL SALMONA. Dans les années 1980, quand l’idée a cristallisé de créer à Paris un musée du Judaïsme, la Ville a mis à disposition ce très bel hôtel particulier du Marais, qui a été depuis le XIXe siècle un lieu de vie et de travail pour des juifs d’Europe centrale et orientale ayant trouvé une terre d’accueil en France. Ils étaient tailleurs, chapeliers, casquettiers, fourreurs…
Et c’est aujourd’hui un musée culturel, d’art et d’histoire…
Nous conservons l’une des plus belles collections du monde sur le Judaïsme après le musée d’Israël à Jérusalem et le Jewish Museum de New York. Elle va du Moyen Âge à la période contemporaine. On y évoque le Judaïsme en France et plus largement en Europe et au Maghreb. On y présente du mobilier de synagogue, des objets pour les rituels familiaux. Mais aussi des peintures, des objets d’art et des documents d’archives… qui rendent compte de ce qu’a été la culture des communautés juives d’Europe et du bassin méditerranéen. Et nous mettons l’accent sur l’histoire des juifs de France. Le public trouve aussi au mahJ un auditorium qui propose de nombreux événements culturels, une médiathèque, une librairie.
Et en quoi cela peut-il aider à la préservation à l’idée du « Vivre ensemble » qui est si importante ?
Le mahJ est un musée pour tous les publics. Notre service éducatif fait un travail remarquable en direction des écoles, des collèges et des lycées, publics et privés, pour lutter contre les préjugés et les discriminations, avec notamment des programmes sur les cultures partagées du judaïsme, du christianisme et de l’islam.
Et nous sommes juste dans la semaine du manifeste contre le nouvel antisémitisme. Cela donne un rôle encore plus fort à votre lieu ?
Au cours des vingt dernières années, on a vu monter un nouvel antisémitisme qui est la jonction monstrueuse du vieil antisémitisme traditionnel de l’extrême droite et d’un nouvel antisémitisme notamment propagé par les milieux islamistes. Au quotidien, à l’école par exemple, cela contribue au départ de plus en plus d’élèves juifs de l’enseignement public, alors que traditionnellement, les juifs de France sont des fervents défenseurs de l’école républicaine. Cela nous renforce dans la conviction que nous avons un rôle de formation, de pédagogie et de découverte de ce qu’est le judaïsme. L’antisémitisme est fondé sur des préjugés et une ignorance profonde de l’autre.
Vous avez un projet d’extension ?
Les expositions temporaires ont pris une place croissante dans les activités du mahJ et il nous manque de vraies salles d’exposition, que nous projetons de créer sous le jardin Anne Franck. En outre, la muséographie a vieilli et, si nous voulons être mieux compris, nous devons faire un effort de mise en contexte et de médiation pour que la collection soit accessible à un public non initié. C’est un projet à 14 M€ qui impliquera l’Etat, la Ville et des donateurs privés, et dotera Paris d’un musée entièrement repensé, avant les Jeux olympiques de 2024.
Une collection de 12 000 œuvres
Le mahJ est un lieu de vie culturelle très fréquenté avec les 12 000 œuvres de sa collection permanente, mais aussi son auditorium, avec un public très fervent pour les projections, rencontres, lectures, conférences et colloques.
Sa salle des collections temporaires montre actuellement et jusqu’au 26 août, les clichés d’Helmar Lerski, très grand photographe allemand qui a vécu en Palestine entre 1932 et 1948, pionnier de la lumière.
A l’automne, une autre grande exposition présentera Sigmund Freud entre Vienne et Paris.
Musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 71, rue du Tempe (IIIe). Ouvert du mardi au vendredi de 11 heures à 18 heures, le mercredi nocturne jusqu’à 21 heures et le week-end de 10 heures à 18 heures. Entrée plein tarif : 10 €.
Eric Le Mitouard
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