L’entretien le plus long, par Richard Liscia

Pendant près de trois heures, hier soir, le président de la République a répondu aux questions de Jean-Jacques Bourdin (RMC et BFM-TV) et d’Edwy Plenel (Mediapart). L’entretien, d’une longueur excessive, surtout à cette heure de la nuit, a permis une clarification des projets du chef de l’Etat, mais n’aura sans doute pas suffi à convaincre une opinion déjà très remontée contre lui.

J’AI DÉCIDÉ, en écoutant l’interminable exercice oratoire auquel mes semblables ont été conviés par une chaîne de télévision certes ambitieuse, mais peu encline à ménager son public, qu’il ne serait pas utile de résumer les propos tenus par Emmanuel Macron. A la fois pour ne pas infliger un second pensum à ceux qui ont assisté à l’entretien et parce que les effets d’annonce ont été rares, pour ne pas dire inexistants, sauf peut-être pour la dette de la SNCF, qui sera reprise partiellement par l’Etat à partir de 2020 et quand la réforme aura été engagée, et pour le système français de soins qui sera profondément remanié, par la suppression de la tarification à l’activité, laquelle, selon M. Macron, est à l’origine des dysfonctionnements très graves auxquels nous assistons depuis plusieurs mois dans les hôpitaux et les établissements pour personnes âgées.

Un Macron de marbre.

Les trois interlocuteurs ont annoncé l’intention de se retrouver d’ici un an. Ils me permettront de m’inquiéter de la perspective de cette nouvelle épreuve. Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin avaient posé leurs exigences et M. Macron les a acceptées. Le débat ne pouvant avoir lieu à l’Elysée, lieu de pouvoir qui aurait indisposé M. Plenel, il a été installé au Palais de Chaillot. Les deux crocodiles qui attendaient le président dans leur marigot se sont entendus pour ne jamais appeler le président que par son prénom et par son nom, autre tentative pour le forcer à descendre de son piédestal et à s’exprimer comme le commun des mortels.

D’une certaine manière, ils ont réussi à imposer leur propre monde à celui du chef de l’Etat et instauré contre lui une forme de journalisme démocratique qu’ils croient sacrée, mais qui n’est pas autre chose qu’un manque de respect pour la fonction, sinon pour l’homme. Ils se sont ainsi arrogé un droit qui n’est écrit dans aucun texte et, surtout, ne leur a guère permis de briller au firmament des stars de l’interview, comme ils l’espéraient. M. Plenel, dont les questions étaient brutales, a accusé le président d’être « mesquin », sous le prétexte qu’il venait d’évoquer les démêlés de Mediapart avec le fisc.  Autrement dit, tous les coups étaient permis pour les journalistes, aucun pour le chef de l’Etat. En dépit de ce stratagème, ils n’ont pas réussi à déstabiliser le président. Il n’a jamais accepté qu’on le coupe au milieu d’une phrase, il est allé au bout de chacune de ses démonstrations, il n’a jamais été surpris ou choqué par leurs questions, dont certaines étaient venimeuses, il n’a jamais perdu le sourire, ils les a combattus au moyen d’une mémoire infaillible, d’une connaissance approfondie des dossiers et d’une rhétorique infiniment supérieure à la leur.

La fin du savoir-vivre.

On va me dire que je ne rends pas compte d’un débat foisonnant, digne d’une analyse point par point. Mais cette bataille qui opposait deux journalistes à un président décrivait à elle seule la complexité de la société française actuelle, ses clivages, la solitude du pouvoir face à des forces vouées à l’abattre, cette convergence non pas des luttes mais de tous les microscopes, loupes, jumelles, lunettes, longues-vues,  sur le microcosme élyséen qui fascine d’autant plus le public que celui-ci y voit l’objet de son éternel ressentiment, le lieu honni de la monarchie présidentielle, le bâtiment (et l’homme) à abattre.

Hier soir, Notre-Dame-des-Landes a été évoquée. Les forces de l’ordre ont expulsé « tout ce qui pouvait l’être ». Hier, dans la journée, quatre mille personnes sont venues reconstruire des squats. Cette affaire, avec l’occupation des locaux universitaires, constitue une atteinte au droit qui, certes, n’est pas nouvelle, mais traduit une sorte de néo-fanatisme en vertu duquel il ne s’agit plus de défendre une cause mais de livrer une bataille, une de plus, contre les gendarmes. Le désordre est devenu une fin en soi. M. Macron est sûrement satisfait d’avoir prouvé hier qu’il a toute l’autorité, toute la fermeté, toutes les compétences qu’un président doit avoir. Compte tenu de l’état actuel de la société, il semble cependant que de multiples fractions du peuple n’ont aucun respect pour les règles élémentaires du savoir-vivre. Ce qu’on nous propose, c’est de sombrer dans l’anarchie. De même que des journalistes ne sont même plus capables de se conduire avec la courtoisie la plus élémentaire, de même le pays se divise en 65 millions d’individus qui, séparément, expriment leurs revendications personnelles de la manière la moins pacifique.

Richard Liscia

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3 Comments

  1. Ma très british grand’mère avait ce napperon brodé au dessus de son fauteuil :
     » I’m not Bossy, I just have better ideas « .
    Elle n’a cessé d’être présente hier soir !

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