L’annonce d’une réédition des pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline par la maison d’édition Gallimard, la semaine passée, n’en finit plus de faire réagir.
Jusqu’au ministère de l’Intérieur : le délégué interministériel Frédéric Pottier, chargé de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT, a ainsi fait parvenir un courrier à Antoine Gallimard, président des éditions Gallimard, pour lui demander de « lever les inquiétudes » vis-à-vis de cette réédition.
« Dans un contexte où le fléau de l’antisémitisme doit être plus que jamais combattu avec force, les modalités de mise à disposition du grand public de ces écrits doivent être réfléchies avec soin » : Frédéric Pottier, délégué interministériel au ministère de l’Intérieur, signale dans un courrier à Antoine Gallimard les questions qu’a soulevé l’annonce d’une réédition des textes antisémites de Louis-Ferdinand Céline par sa maison d’édition.
Attendu en 2018, le volume Écrits polémiques rassemblerait Bagatelles pour un massacre, L’École des cadavres et Les Beaux draps, parus en 1937, 1938 et 1941 chez Denoël, propriété de Gallimard depuis 1946. « La qualité de l’appareillage critique qui les accompagne, et notamment sa capacité à éclairer le contexte historique et idéologique de leur production, ainsi que le décryptage des biais de l’auteur et des erreurs factuelles contenues dans le texte sont dès lors déterminants », poursuit Frédéric Pottier dans son courrier, reproduit en fin d’article.
Pour cette nouvelle édition, Gallimard envisagerait une introduction de Pierre Assouline, et utiliserait l’appareil critique de Régis Tettamanzi, conçu pour un volume publié par les Éditions 8. Contactée par ActuaLitté, la maison d’édition Gallimard nous assure toutefois que l’ouvrage n’est « pas encore annoncé en interne, et qu’il n’est pas programmé sur un mois particulier de 2018 ». « Cette information provient d’une phrase de Monsieur Gibault, autour de laquelle L’Express extrapole », nous assure-t-on.
Gallimard va-t-il revoir sa copie ? Ce qui est certain, c’est que l’appareil critique de Régis Tettamanzi ne fait pas l’unanimité. « Sa réédition des pamphlets, intituléeÉcrits polémiques — euphémisme de bienséance s’il en est —, a été publiée en 2012 […]. Il ne s’agit en aucune manière d’une véritable édition scientifique des pamphlets. Seulement d’un recueil de textes présentés d’une façon académique, convenue, conforme à l’orthodoxie célinienne, et commentés ou annotés hâtivement. L’appareil de notes est sommaire, lacunaire, la bibliographie très insuffisante et comporte de nombreuses inexactitudes », indique Pierre-André Taguieff, spécialiste de Céline et coauteur de Céline, la race, le Juif. Légende littéraire et vérité historique (Fayard), dans un entretien avec l’historien Marc Knobel, chercheur au Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et Directeur des Études du CRIF.
« L’identification des sources doit beaucoup au travail pionnier d’Alice Yaeger Kaplan, publié en 1987 : Relevé des sources et citations dans Bagatelles pour un massacre. Mais Tettamanzi n’a pas été à la hauteur de la tâche, notamment pourL’École des cadavres », poursuit Taguieff. « La complaisance à l’égard de tout ce qui concerne Céline dont font preuve certains milieux littéraires et certaines maisons d’édition confine à l’irresponsabilité morale et politique. »
Pour Annick Duraffour, coauteure de l’ouvrage Céline, la race, le Juif, « [c]ette édition fait preuve de tout le sérieux philologique attendu. Mais la précision dans l’établissement des textes n’est pas encore un décryptage : elle laisse intacts leurs effets et leurs mensonges de propagande. » Elle ajoute, toujours dans cet entretien avec Marc Knobel, « [f]orce est de constater, en tout cas, qu’il [Régis Tettamanzi] s’est déjà montré célinien fidèle, et, autant que le préfacier de l’ouvrage en préparation chez Gallimard, prêt à monter au front pour parer les coups portés à la légende célinienne. »
Selon Pierre-André Taguieff, seule « une équipe pluridisciplinaire, composée notamment d’historiens spécialisés dans l’étude des domaines concernés, peut mener à bien » une édition critique des pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline.
On a pu parler, un moment de la République des Professeurs.
Notre République s’effrite, nous avons toujours les professeurs.
Céline est un ordure, auteur de textes orduriers; un criminel complice de l’Holocauste et coupable de trahison.
Si on tient compte des PROGRES de notre société politique, tout cela aurait peu d’importance: la France, Etat-Nation, ne peut que mal faire, hier et aujourd’hui, et doit se dissoudre dans la mauvaise soupe européenne; pour les Juifs, ils sont désormais en position d’accusés et coupables permanents et doivent garder le silence, ce qu’ils ont fait pour cette affaire lamentable.
La provocation à la haine raciale est toujours un délit pénal, et un crime moral. Ces trois livres immondes sont un cri de haine interminable contre les Juifs: ils doivent donc être interdits,je parle en juriste. L’antisémitisme est une corruption de la République: ces livres doivent être interdits, je parle en républicain.
Cette timidité face à l’ARTISTE est lamentable. Céline était un combinard et un écrivain combinard, certainement pas un génie tourmenté et douloureux. Ce fanatisme français du PROFESSEUR qui nous explique et nous protège est lamentable. Commenter la haine n’entrave pas la haine. Beaucoup comprennent enfin que la censure est nécessaire pour combattre la haine contre les femmes. J’aime beaucoup Henri Béraud qui trahit la France. Si des écrits inédits devaient être interdits, je l’accepterais.
Si notre gouvernement veut bien faire, qu’il augmente les moyens des bibliothèques publiques. Si les jeunes Macroniens veulent bien faire, qu’ils organisent une souscription auprès de Gallimard pour rééditer MAUMORT et quelques volumes épuisés de la Pléïade.
Publier des écrits violemment anti-juif en France n’a jamais été vraiment un problème. Certains sites d’extrême droite ont réédité sans soucis Drumont, Toussenel, Ford et quelques autres tout à fait légalement. A peine leur demande t-on, des années plus tard, de biffer quelques lignes ici ou là…
La seule différence avec hier c’est qu’aujourd’hui les grandes maisons d’éditions le font avec le prétexte d’une édition « scientifique » et « critique ». Et ça, n’est-ce pas, ça change tout… non ?
Bien dit, André!!!!
Quand on attaque les Juifs, on attaque les fondements de la République, ce que les politiciens contemporains appellent leurs « valeurs », afin de montrer leur richesse politique. C’est une vieille formule mais une réalité toujours plus menaçante.
Luc Nemeth,plus haut,rappelle les attaques constantes contre la Révolution Française. La Défense de la République est un devoir impérieux. Cette nouvelle affaire Céline est un exemple scandaleux de la banalisation de l’antisémitisme: on ne publie pas des discours haineux mais des écrits littéraires de ce génie que le monde nous envie. Céline est toujours une victime de ses passions, parfois excessives, thèse construite patiemment par Céline lui-même.
Notre Premier ministre bipartite publie un selfie littéraire pour manifester ses qualités culturelles, parements désormais indispensables du politicien. Parmi ses grands écrivains, en bonne place, Céline, avec « sa part de génie et sa part d’ombre » (sic).
J’ai lu Céline, il y a 58 ans et,depuis,malgré les Cahiers de l’Herne et les torrents extatiques qui ont suivi,je n’ai aperçu aucun génie. Je n’ai aperçu aucune ombre mais une lumière éclatante qui dévoile une ordure complice du génocide et un traître.
La France est vraiment dans une situation mauvaise.