Confisqué sous Vichy, le tableau « La Cueillette des pois » de Pissarro devra être restitué aux descendants d’un collectionneur juif spolié, selon un jugement rendu mardi. La toile avait été achetée légalement par des Américains en 1995.
Soixante-quatorze ans après avoir été confisqué sous Vichy, le tableau « La Cueillette des pois » de Pissarro, acheté légalement par des Américains en 1995, devra être restitué aux descendants d’un collectionneur juif spolié, selon un jugement rendu mardi.
L’avocat du couple américain, Ron Soffer, a annoncé que ses clients feraient appel. Le tableau devrait donc rester sous séquestre en attendant la conclusion du deuxième procès. Il serait fort étonnant que le jugement d’appel soit différent, et cette nouvelle procédure risque n’être qu’une charge financière de plus pour ce couple américain.
La décision a en revanche été saluée par les héritiers du collectionneur spolié : « Jean-Jacques Bauer est heureux. C’est l’une des plus belles toiles de la collection de son grand-père », s’est félicité Me Cédric Fischer.
Acheté pour 800 000 dollars en 1995
Le jugement « ordonne » à l’Etablissement public des Musées et de l’Orangerie de remettre l’œuvre « La Cueillette » aux descendants du collectionneur Simon Bauer, dont les tableaux avaient été confisqués en 1943.
Les époux Toll, qui avaient acheté le tableau 800 000 dollars chez Christie’s à New York en 1995, sont aussi condamnés à payer 8 000 euros à la famille Bauer pour les frais de justice.
La gouache a été peinte en 1887 par l’impressionniste Camille Pissarro. C’était l’un des 93 tableaux de maître de la collection de Simon Bauer, un grand amateur d’art français né en 1862, qui avait fait fortune dans la chaussure.
Cette collection lui avait été confisquée en 1943 et avait été vendue par un marchand de tableaux désigné par le Commissariat aux questions juives du régime collaborationniste de Vichy.
Interné en juillet 1944 à Drancy, le collectionneur avait réussi à échapper à la déportation. À sa mort, en 1947, il n’était parvenu à récupérer qu’une petite partie de ses oeuvres. Ses descendants ont poursuivi son action pour reprendre possession de la collection. Une vingtaine de tableaux n’ont toujours pas été récupérés, selon Me Fischer.
Ordonnance de 1945
« La Cueillette des pois » avait refait surface brièvement en 1965 lors d’une vente, avant de disparaître à nouveau en quittant le territoire français.
La famille Bauer a perdu sa trace pendant plus d’un demi-siècle. Jusqu’à ce qu’en début d’année, les Bauer apprennent que « La Cueillette » était exposée au musée Marmottan, à Paris, prêtée par un couple de collectionneurs américains, les époux Toll, dans le cadre d’une rétrospective consacrée à Pissarro.
Les descendants ont alors obtenu le placement sous séquestre du tableau, le temps d’assigner les époux Toll, pour le récupérer.
Le jugement rendu mardi s’appuie sur une ordonnance d’avril 1945 sur la nullité des actes de spoliation.
« Ce n’est pas à eux de payer pour les crimes de Vichy »
« Mes clients seront très déçus de ne pas pouvoir récupérer ce tableau auquel ils sont très attachés », a réagi devant la presse l’avocat des époux Toll. « Ils considèrent que ce n’est pas à eux de payer pour les crimes de Vichy ».
Le tribunal a en revanche reconnu la bonne foi des époux Toll. Me Soffer assure que ses clients ne connaissaient pas l’histoire du tableau quand ils l’ont acheté. « Ce ne sont pas des experts, des historiens de l’art. Dans le catalogue de la vente, il était écrit nulle part que le tableau avait été confisqué. »
Lors de l’audience emplie d’émotion, en octobre, devant les juges civils du tribunal de grande instance de Paris, ils avaient confié être eux-mêmes juifs et « très sensibles » à la mémoire de la Shoah. Mais pas au point de rendre une oeuvre d’art volée…..
C’est clair qu’ils ne veulent pas le rendre vu ce que ce tableau leur a couté et ce qu’il doit valoir en plus aujourd’hui 20 ans plus tard ! Mais faut le rendre quand même sinon c’est trop facile et les familles assassinées et spoliées ne recouperont jamais rien avec un « je ne savais pas et puis en plus c’est pas moi c’est Vichy »…