Un media titre sur la boulette au Procès Merah, un autre sur la gaffe, les autres se taisent. Indignement. Paresseusement. Ben oui. Faut suivre. Et même que des fois faut travailler. Et même que des fois faut oser. Nommer les choses, comme il dit, le PR ? Va-t-on l’entendre, sur ce qui décidément est un scandale d’Etat. Qui a été la bombe lancée hier, mine de rien, par chef de la DRRI de Toulouse.
Scandale d’état au procès Merah: on aurait pu éviter la tuerie de l’école Ozar Hatorah si on n’avait pas à la P.J privilégié la thèse de l’attentat d’extrême-droite après les assassinats des militaires. Imaginez. Vous êtes Albert Chennouf Meyer. Ou Katia, parents d’Abel. Vous êtes Caroline, qui l’épousa à titre posthume. Eden, son bébé né après. Vous êtes la mère de. Vous êtes Monsieur Sandler. Vous êtes les parents de Myriam. Vous êtes citoyen de cet Etat qui par erreur, complicité, haute trahison, incompétence, idéologie, a laissé l’assassin de Toulouse poursuivre son projet funeste alors qu’il était possible de l’empêcher.
C’est aussi le procès de l’état
Certains me disent que je me trompe de procès. Que ce n’est pas le procès de l’Etat. Qu’une thèse a simplement été privilégiée et qu’il y a eu une foirade en série. Que les assassins restent Merah et ses complices.
Auxquels je réponds qu’en cette affaire, c’est aussi le procès de l’Etat. Supposé nous protéger. Que c’est aussi le procès de celui qui l’a rendue exsangue, notre police à l’époque, à coups de diminution d’effectif et de délabrement de services de renseignement rendus inefficaces faute de moyens.
Le scandale est la divergence entre Paris et Toulouse qui ne portait pas sur la dangerosité de Merah, mais sur ce qu’ils voulaient en faire : Toulouse voulait l’arrêter, Paris voulait le laisser faire. Toute l’affaire est là.
Ainsi, la Fiche S de Merah a été désactivée par la centrale parisienne de la DCRI peu avant son premier grand voyage, pour n’être réactivée qu’après son deuxième grand voyage, et finir neutralisée d’une manière indéterminée lors de son troisième et ultime voyage, faute à la non-transmission du signalement ou à l’usage d’un faux passeport. Faute à une série de dysfonctionnements. Un Fiché S depuis 2006 revenant d’une zone sensible mais dont la fiche S ne sonne pas à son arrivée à Roissy. Faute à une erreur dans la transmission des infos qui oriente les policiers vers un homonyme domicilié à Douai. Enfin des peccadilles.
Le renseignement a voulu recruter Mohamed Merah début 2012. Un mois avant qu’il ne passe à l’action https://t.co/8RckX53GRN #AFP pic.twitter.com/Ck9itZuEtQ
— Agence France-Presse (@afpfr) 16 octobre 2017
Alors quoi ? Les Renseignements n’auraient pas voulu croire au terrorisme islamiste, obnubilés qu’ils étaient par la dangerosité de la seule l’extrême droite ? Comme pour Ilan Halimi en somme ? Quand la police ne voulut pas croire à un enlèvement antisémite.
Encore le déni. Toujours le déni. Toujours ne pas le nommer, le terrorisme islamiste. Car les faits sont là : la DCRI n’a pas voulu enquêter sur le terrorisme. Le niveau d’incompétence de la direction parisienne dépasse les limites de l’imaginable. Ecoutez-le, il s’appelle Christian Ballé-Andui. Chef de la DRRI de Toulouse. Il nous dit que la DCRI aurait ralenti les investigations concernant Mohamed Merah. Il ajoute que la direction centrale avait demandé une évaluation de fiabilité en vue de recrutement de Mohamed Merah comme indicateur. Les policiers toulousains du renseignement, ils dénoncent la cécité de leurs supérieurs parisiens. La transmission du dossier de Mohamed Merah au parquet antiterroriste, ils voulaient la faire dès juin 2011, mais leurs supérieurs hiérarchiques de la Direction centrale du renseignement intérieur n’auraient pas réagi.
Tout le monde le savait, personne ne l’ignorait
Christian Ballé-Andui, le patron de la DRRI de Toulouse, et le brigadier chargé du suivi de Merah, ils ont dit à la barre que leurs inquiétudes, dès le 15 juin 2011, étaient suffisamment fortes pour avoir envisagé de judiciariser la situation de Mohamed Merah. Son voyage en Afghanistan. Ses contacts avec le réseau salafiste local. Tout le monde savait, en fait. Personne ne l’ignorait, ce potentiel de dangerosité élevé qu’ils évoquent à la barre.
Eux décident donc de suivre la procédure. Ils rédigent une note à l’intention de leurs supérieurs hiérarchiques de la DCRI. Laquelle note demande à ce que soit évaluée la possibilité d’ouvrir une enquête judiciaire avec signalement de Mohamed Merah au parquet antiterroriste.
🔴Un ex du renseignement a raconté aujourd’hui devant la justice que sa direction avait envisagé de recruter M.#Merah 1 mois avant la tuerie.
— AlertesInfos (@AlertesInfos) 16 octobre 2017
Un coup d’épée dans l’eau. Anne ma sœur Anne ? Aucune réponse. Cinq mois plus tard, le 14 novembre 2011, le voilà qui rentre tranquillos du Pakistan, l’autre. La DCRI demande un débriefing préventif. Deux policiers de la centrale parisienne sont dépêchés pour mener l’entretien, qu’on nous dit.
45 jours après, apparaît la note de synthèse du dit entretien, note qui sera transmise à leurs collègues de Toulouse le 21 février 2012. Et la note elle dit quoi ? Elle dit que la rencontre n’a pas permis de faire le lien entre Mohamed Merah et un éventuel réseau djihadiste.
Pourquoi est-ce important ? Parce qu’à partir de la note, vu que son niveau de dangerosité est revu à la baisse par les spécialistes parisiens, Toulouse est sommé de s’exécuter et d’enlever les surveillances de celui qui bientôt va tous les tuer. Mieux encore : la note, elle stipule que le futur assassin pourrait présenter un intérêt pour notre thématique en raison de son profil voyageur. Paris pourrait le recruter, quoi. Faut juste évaluer son degré de fiabilité.
15 mars 2012. Montauban. L’autre abat deux parachutistes. Christian Ballé-Andui se rend sur place de sa propre initiative : il veut aider mais il fait face à une fin de non-recevoir. C’est ballot ce truc parce que ses hommes et lui, au vu des vidéos disponibles, ils affirment qu’ils auraient peut-être pu reconnaître Merah.
Le 15 mars encore. Christian Ballé-Andui confie à sa direction centrale son intuition d’une piste djihadiste. Il argumente : le régiment de Montauban revenait de rotation en Afghanistan. Mais non : sa direction reste sur la piste de l’ultra-droite.
16 mars 2012. Christian Ballé-Andui transmet deux notes à sa direction centrale. Une portant sur la mouvance de l’ultra droite, suivie de dix profils, l’autre portant sur la piste salafiste, avec seize noms dont six peuvent être compatibles avec les actes commis et parmi ces six, Mohamed Merah.
Vérifier les pistes de l’ultra droite
Le patron du renseignement avait désigné #Merah dans une note mais sa hiérarchie a préféré s’occuper de l’ « ultra-droite ». #ProcesMerah pic.twitter.com/QQkDk18hZv
— Damoclès (@Damocles_Fr) 16 octobre 2017
p;17 mars 2012. La direction centrale lui demande de bosser, que diable, et vérifier les pistes de l’ultra droite, et l’engage à mettre en veilleuse le document sur le salafisme.
19 mars. C’est la tuerie à l’école Ozar Hatorah.
Il conclut, Balle-Anduin, qu’en phase d’attentat, plus la connexion se fait rapidement entre services, plus grandes sont les chances de détruire l’ennemi. On a pas eu d’bol : y a pas eu connexion.
Et pendant qu’on en apprend des vertes et des pas mûres sur le loup pas du tout égaré, copain comme cochon qu’il était avec la filière Artigat, Olivier Correl, l’émir blanc, et les frères Clain, ceux qui ont revendiqué les attentats du 13-Novembre au nom de Daesh, Maître Morice, celui qui a tant fait pour que soit filmé le procès, dénonce l’incapacité de l’Etat à reconnaître qu’il y a eu des fautes lourdes, inadmissibles.
Sa course folle.
Le 11 mars lorsqu’il abat Imad, 30 ans, militaire : on aurait pu le reconnaître. Le neutraliser.
Le 15 mars lorsqu’il tue Abel et Mohamed, 25 et 24 ans, soldats à Montauban : on pouvait l’arrêter.
Le 19 mars, lorsqu’il tue à l’école juive Ozar Hatorah Jonathan, 30 ans, ses fils Arieh, 5 ans, et Gabriel, 4 ans, Myriam, 7 ans : ça n’aurait jamais du arriver. Si la piste djihadiste avait été prise au sérieux.
Il sera jeudi face au squale
Balle-Anduin, il sera jeudi face au squale. Entendez Bernard Squarcini, son directeur central de l’époque, le tenant de la théorie selon laquelle Mohammed Merah était un loup solitaire.
Les familles, elles seront là. Le père d’Abel, celui qui dit que son métier, c’est père de victime, celui qui dit que cette affaire est l’affaire Dreyfus de l’État Français, celui dont les avocats ont réussi en 2016 à faire condamner l’État pour défaillances dans la surveillance de l’assassin, – jugement cassé en mars 2017, il sera là.
Et s’il s’avère que l’horreur, en somme, aurait pu être évitée si les informations transmises le 15 mars avaient seulement été exploitées, si on avait écouté ceux qui savaient, si on avait écouté ceux qui connaissaient le jihadisme de Toulouse et la famille Merah, comme l’affirme Maître Klugman, avocat des parties civiles, ne serions-nous pas en présence de ce qui s’apparente à un mensonge d’Etat.
Sarah Cattan
Boulette ? Guerre des polices ? Dysfonctionnement ? Manip foireuse ?
Quoi que ce soit de cela, extreme-droite ou loup solitaire, tout cela et son contraire au service d’une seule doctrine :
Celle que vous dîtes Madame : « le déni. Toujours ne pas nommer ».
La France n’a pas de problème avec l’islam.