L’Amérique des télécoms, la ruée dans les médias…rien n’arrête l’insatiable patron d’Altice. A quand la banque ou l’éducation? Patrick Drahi a reçu Challenges sur le chantier du futur siège du groupe, Qu4drans, dans le sud de Paris, temple de la convergence, si chère à Messier dans les années 2000.
» Vous m’excuserez, j’ai mis la cravate ! » A Paris, Genève ou New York, Patrick Drahi est peu porté sur la panoplie de l’homme d’affaires. Mais en cette pâle matinée de septembre, il a prévu de se rendre un peu plus tard à Matignon, sur l’invitation du Premier ministre. Quand un politique veut le voir, il y va. Avec les journalistes, c’est plus compliqué. Il les rencontre – rarement – pour une longue discussion à bâton rompu. Ce matin-là, le propriétaire d’Altice est en grande forme : il a accepté les journalistes et leur photographe. Au programme : une visite guidée du nouveau campus d’Altice France, dans le sud de la capitale, entre le périphérique et le ministère de la Défense. D’ici le mois de mai prochain, cet ensemble de quatre bâtiments accueillera plus de 6000 personnes : environ 5000 salariés de SFR, rescapés du dernier plan de départ, auxquels s’ajouteront un millier d’employés de son pôle média, journalistes de Libération ou de l’Express, stars de l’info sur BFM ou RMC…. Ceux-là seront les derniers à emménager, lorsque les sept studio ultra-modernes seront achevés. Patrick Drahi se met à rêver tout haut : une personnalité politique viendra sur le plateau de BFM et elle montera ensuite à l’étage donner une interview à L’Express…
Entre gravats et bâche en plastique, le patron d’Altice déambule sur le chantier avec ses invités, devise avec les ouvriers. Il se sent ici chez lui. Les quatre bâtiments du programme Qu4drans sont sa propriété personnelle, qu’il loue aux filiales de son groupe. Quand il a visité le site, pour la première fois, il a immédiatement eu l’idée de regrouper ici toutes ses activités. Un détail a certainement emporté sa décision : au septième étage, depuis les terrasses, on aperçoit les sièges de France Télévisions, de Canal+ et de TF1… Jamais un tel projet n’avait été développé, insiste-t-il. Pour lui, ce lieu est la quintessence de la convergence, cette stratégie consistant à contrôler toute la chaîne de valeur, depuis les réseaux télécoms jusqu’aux contenus, services et divertissements.
» Facebook et Google sont les vrais concurrents des opérateurs, ils captent la valeur sur nos réseaux « , souffle-t-il. » Si nous ne réagissons pas, nous sommes finis. » Son modèle, de plus en plus répandu chez les opérateurs américains, laisse sceptique de ce côté de l’Atlantique. » Ce n’est pas une tendance répandue au niveau européen. Je ne veux pas y donner trop d’importance car elle ne pourrait n’être qu’une passe « , estime le président de l’Arcep, l’autorité de régulation, Sébastien Soriano. Le patron d’Orange, Stéphane Richard est nettement plus grinçant : » Il y a beaucoup de déclarations, mais pas encore de faits : il y a toujours des clients qui quittent SFR pour venir chez Orange. »
Patrick Drahi repousse les critiques en décochant un large sourire, persuadé que ses rivaux finiront par copier sa stratégie. » J’ai une vision à 20 ans, pas à deux ans comme les autres opérateurs télécoms « , lance-t-il. Alors, son modèle de convergence, il le déploie grandeur nature en France, en Israël et au Portugal, où il vient d’acquérir Media Capital, le principal groupe audiovisuel du pays. Et bien-sûr, il deviendra un magnat des médias aux Etats-Unis, où il a décidé de porter le fer, en 2015, avec l’acquisition de deux câblo-opérateurs.
Son propre réseau de fibre optique
La conquête du marché américain des télécoms, la diversification massive dans les médias, rien ne semble pouvoir arrêter Patrick Drahi qui vient en outre d’annoncer qu’il allait bâtir son propre réseau de fibre optique en France, d’ici 2025, un investissement de 16 milliards d’euros et qui lui vaut l’intérêt soutenu de Matignon. » C’est une constante avec Patrick, il veut être propriétaire de son réseau « , explique un ancien collaborateur. Le propriétaire d’Altice justifie cette idée fixe en une image : A Tel-Aviv, les plaques d’égout en fonte sont toutes marquée du logo Hot, son opérateur israélien. Dans 200 ans, elles seront toujours là. » Nous devons faire attention à ne pas devenir un simple tuyau, martèle-t-il. Mais notre socle, c’est le réseau et jamais je ne louerai le réseau d’un autre. »
La trajectoire fulgurante de cet entrepreneur hors norme agace ses pairs et fascine les politiques, qui cherchent à comprendre comment cet X-Telecom, minoritaire dans Numericable il y a 10 ans, a pu bâtir un géant mondial des communications de 17,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et plus de 50 000 salariés. » McKinsey ne fait pas beaucoup de business avec nous, commente Dennis Okhuljsen, directeur financier du groupe. Nous préférons nous fier à notre expérience : Patrick a la vision, les moyens de la déployer et d’en mesurer l’efficacité. »
Trois ans après le rachat de SFR, le propriétaire d’Altice continue de chambouler le monde des affaires, des deux côtés de l’Atlantique. En Europe, il investi des centaines de millions d’euros dans l’achat de droit de diffusion du foot et lance des chaînes de télé. Aux Etats-Unis, il introduit sa filiale en bourse et la valorise près de 22 milliards de dollars – les trois quart de la valeur du groupe Altice. Il lève au passage 1,9 milliard de dollars, la deuxième plus grosse introduction à la bourse de New York en 2017. Une étape vitale dans la vie du groupe. » Elle nous donne l’élan et les ressources nécessaires pour croître et devenir un très gros acteurs de la convergence commente Dexter Goy, bras droit de Patrick Drahi et CEO d’Altice USA. Nous sommes encore tellement loin de la fin… Disons au deuxième acte d’une pièce en cinq actes. »
Tous les analystes du secteur guettent le prochain coup de théâtre du tycoon franco-israélien des télécoms. Début août, la presse américaine a commencé à spéculer sur un possible rachat par Altice USA du deuxième câblo-opérateur américain, Charter Communications, le groupe de télécommunications fondé par John Malone, 76 ans, ancien patron et mentor de Patrick Drahi. Le deux hommes ne se sont jamais perdus de vue et s’apprécient. Lors du rachat de Suddenlink par Altice, il y a deux ans, le patron américain avait salué l’audace de son élève. » Ce type est un génie « , avait-il lancé à la presse. Le rachat de Charter, trois fois plus gros que le groupe français est évalué à 200 milliards de dollars. Pas de quoi freiner les ardeurs de Patrick Drahi. » J’ai les moyens de racheter Charter, soutient-il, mais pas à n’importe quel prix. » Le cours de bourse de l’Américain a récemment flambé sous l’influence de rumeurs d’OPA. Au printemps dernier, Dexter Goy appelle son boss après avoir appris que l’opérateur mobile américain Verizon s’apprêtait à faire une offre sur Charter. Pas grave, on rachètera Verizon, lui a rétorqué l’homme d’affaires.
» En deux ans, j’ai construit aux Etats-Unis ce que j’ai mis 20 ans à bâtir en Europe « , confie-t-il. Altice possède aujourd’hui 2% d’un marché de 500 milliards de dollars. Il est leader à New York et au Texas et pourrait s’en contenter. Mais la probabilité pour qu’il en reste là est faible. Quand il se promène dans les rues du Bronx, plaisante-t-il, il est chez lui, fier comme Artaban. Mais à Manhattan, c’est le rival Charter qui règne. Promis, dans dix ans, au plus tard, il aura sa boutique Altice sur Park Avenue et il la fera visiter à son père. En attendant, il regroupe actuellement les salariés d’Altice USA dans un nouveau siège, à Long Island City, avec vue sur tout Manhattan. Il n’est pas propriétaire, il loue, parce qu’il prévoit de s’agrandir prochainement.
Pour lui, tout est question de timing et d’opportunités. En rejoignant Patrick Drahi en 2008, l’ancien banquier d’affaires Dexter Goy avait une mission claire : acquérir des actifs hors de France, avec l’objectif de revendre au meilleur prix trois ans plus tard. Mais en 2011, l’industriel a pris l’ascendant sur l’investisseur. A force de racheter et restructurer, il voyait se développer un vrai groupe international. » Un jour, il m’a appelé et m’a dit qu’il n’avait pas besoin d’argent et que je n’en avais pas besoin non plus et m’a proposé de développer un groupe de télécom. »
La vision stratégique est venue ensuite, intégrant la campagne américaine et la diversification dans les contenus, au fil de ses rencontres. Au Printemps 2015, Alain Weill, patron de NextRadioTV propose un petit déjeuner à Patrick Drahi qu’il connaît depuis une quinzaine d’années. Il n’est pas satisfait des investissements publicitaires sur ses chaînes de SFR dont celui-ci vient de faire l’acquisition. Il veut lui en toucher un mot. En réponse, le propriétaire d’Altice lui propose de le racheter et lui parle, pour la première fois de convergence : » On va racheter CNN ! » lui lance-t-il.
Donne son avis sur la présentatrice de BFMTV
Deux ans et demi plus tard, Alain Weill, qui s’apprête à céder 100% du capital de son groupe à Patrick Drahi, devient le nouvel homme fort du groupe en France, pressenti pour y diriger les activités d’Altice. » Patrick croit aux sports, à l’info et à la fiction, raconte-t-il. Nous avons mis un millier de personnes à la disposition d’Altice pour créer des chaînes thématiques. C’est ce qui a manqué à Orange il y a quelques années. »
Et l’homme d’affaires s’investit pleinement dans son nouveau rôle de magnat des médias. Il passe beaucoup de temps devant sa télé à regarder les chaînes du groupe, envoie un SMS à Alain Weill quand il détecte des anomalies dans les sous-titrages ou des problèmes de logo, donne son avis sur la nouvelle présentatrice de la matinale de BFMTV. Il est aussi un grand amateur de séries sur Netflix – il est notamment fan de Billions, actuellement diffusé aux Etats-Unis, l’histoire d’un procureur new-yorkais lancé à la poursuite d’un gestionnaire de hedge fund. Le patron d’Altice croit beaucoup au pouvoir addictif des séries, qui pourra lui permettre d’accroître son parc d’abonnés fidèles, beaucoup plus qu’à celui des longs métrages. Et s’il investit massivement dans les droits de diffusion du sport, notamment le foot, c’est qu’il est convaincu de son même pouvoir d’attractivité. Après l’achat de la Premier League anglaise et de la Champions League, il compte bien mettre le paquet pour mettre la main sur la Ligue 1 française, dès que la Ligue professionnelle lancera son appel d’offre.
Il renonce au rachat d’EuropaCorp
Une pierre de plus dans le jardin de ses rivaux opérateurs et aussi dans celui de Canal+, dont le modèle économique est fondé en grande partie sur la diffusion payante de ces rencontres. Il y a deux ans, Patrick Drahi a rencontré Vincent Bolloré, président de Vivendi, pour évoquer un rachat de la chaîne cryptée. Le prix demandé par le patron breton a immédiatement mis fin à la discussion. Le propriétaire d’Alice confie parler avec tout le monde : les opérateurs télécoms, les banquiers ou les patrons de groupes de médias. Il a même regardé de près le dossier EuropaCorp, le studio de cinéma fondé par Luc Besson, mais il a vite renoncé, estimant que la société était trop intimement liée au cinéaste.
L’homme est en constante réflexion sur l’évolution des frontières de son empire. Il consulte beaucoup. Tous les six mois, il s’enferme une heure ou deux avec Lloyd Blankfein, le tout puissant patron de Goldman Sax, pour évoquer ses projets industriels et disserter sur la marche du monde en général. Il a aussi sollicité l’avis de ses amis banquiers sur l’opportunité de se lancer dans les services bancaires, comme s’apprête à le faire son rival Orange. Tous, y compris le très technophile directeur général de BNP Paribas, Jean-Laurent Bonnafé, lui ont déconseillé cette diversification. Cette belle unanimité l’a convaincu qu’il devait au contraire se lancer rapidement et demander à ses équipes de plancher sur une Altice Banque. Ses mêmes têtes chercheuses doivent également mettre en œuvre une autre idée qui lui tient particulièrement à cœur dans le domaine de l’éducation. Il réfléchit très sérieusement à lancer une plateforme de formation en ligne – les fameux MOOC – en partenariat avec certaines écoles ou universités prestigieuses du monde entier.
Surtout, Patrick Drahi côtoie ses pairs européens, patrons de grands groupes télécoms, qu’il connaît tous et appelle pour la plupart par leur prénom. Selon lui, l’Europe offre encore de belles opportunités d’acquisitions. Quand il ne s’occupe pas du développement d’Altice USA ou du lancement des nouvelles chaînes de télévision en France, il visite donc les capitales européennes. Et pour ne pas éveiller l’attention sur ses intentions réelles, il s’est trouvé une parfaite couverture : à Londres, Madrid ou Vienne, il vient officiellement visiter des musées, l’un de ses passe-temps favoris. Les concurrents lorgneraient bien sur la liste des expositions de peintures qu’il a récemment visitées. Mais cette information est un secret jalousement gardé.
Franco Israelien ? Bon pourquoi pas , mais s il regarde ses medias , il ne remarque pas le discours biaise et le narratif » palestinien » toujours recite en boucle par ses journalistes robotises ?
Il peut » donner » un peu d investissement en Israel , mais il reprend le tout avec ses journalistes qui diffusent en permanence des fakes news prejudiciables a l etat Juif !
Il vend à ses abonnés la soupe qu’ils préfèrent.