Emilie voit quelqu’un : une lecture qui vaut bien une séance chez le psy

Emilie a tout pour être heureuse. C’est du moins ce qu’elle se répète, sans comprendre pourquoi elle ne va pas si bien. Jusqu’au jour où elle se laisse convaincre de « voir quelqu’un ».

Théa Rojzman, au scénario, et Anne Rouquette, au dessin, nous proposent de découvrir de façon à la fois précise et légère, à travers le parcours de leur personnage, quelques-unes des bases de la psychanalyse et de la psychologie.

Emilie, la trentaine, semble aller pour le mieux. Partagée entre l’enseignement et la peinture, elle gagne suffisamment sa vie, a un petit ami, une famille aimante et deux amies fidèles. Il y a bien quelques frustrations, des querelles avec sa sœur et un agacement croissant envers son compagnon, mais rien de bien méchant en apparence.

Nous la voyons pourtant s’effondrer dans le premier tome d’Emilie voit quelqu’un (2015), écrit par Théa Rojzman et dessiné par Anne Rouquette pour Fluide Glacial. Rupture sentimentale, difficultés professionnelles, distance familiale sont à chaque fois une charge en plus, qu’elle ne parvient plus à assumer. La dépression est là, d’abord tapie dans l’ombre, puis présente dans toute sa lourdeur, aussi pesante qu’apparemment inexplicable. Même l’armure qu’elle s’est forgée, sous la forme d’une tenue de Mary Poppins contemporaine, finit par craquer.

Un collègue bienveillant, mi-confident mi-soupirant, lui conseille de consulter une psychanalyste. Il existe bien d’autres formes de thérapies, mais autant débuter avec quelqu’un en qui il a confiance. Emilie se rend donc chez la dame, laconique lacanienne, plus sèche que sa tortue et presque aussi âgée que Sigmund Freud lui-même. C’est alors le début d’une relation complexe, qui porte cependant ses fruits.

Nous retrouvons donc Emilie au début du second tome, guillerette et, pense-t-elle, débarrassée de ses névroses. Mais ce n’est pas si facile. La patience est requise : l’on ne soigne pas une dépression comme l’on se remet d’une grippe. Une thérapie est souvent au long cours, faite de hauts et de bas, de réflexions et de remises en question.

Théa Rojzman et Anne Rouquette dresse le portrait réaliste d’une jeune femme attachante. Drôle et enlevée, leur chronique met en scène des personnages nettement caractérisés mais non caricaturaux. Les personnalités, nous l’apprenons peu à peu, ne sont jamais monolithiques. Le second tome, en particulier, apporte une note de gravité qui fait gagner en densité l’histoire comme ses acteurs.

Les autrices ont en outre ménagé des parenthèses au fil de leurs albums. Nous pouvons en effet lire quelques pages précisant les principaux concepts de la psychanalyse et de la psychologie. Pas d’excès de pédagogie cependant : il s’agit surtout d’éclairer le lecteur à qui il manquerait quelques bases – ou simplement de rappeler des éléments qui par ailleurs servent le récit. Loin de faire d’Emilie voit quelqu’un une « psychanalyse pour les nulles«  [1], ces pages permettent d’élargir le propos et montrent que chacun est concerné, que l’on ressemble à Emilie ou non.

Nous regretterons que le graphisme ne soit pas un peu plus audacieux. Les peintures d’Emilie, que nous apercevons çà et là, montrent un potentiel intéressant. Quelques ruptures plus franches dans le trait ou les couleurs auraient pu rendre encore plus palpables les aléas psychologiques de notre héroïne. Reste que le dessin est d’une grande lisibilité et rend très accessible un sujet encore assez peu traité en bande dessinée.

Ces deux tomes d’Emilie voit quelqu’un – le début d’une série ? – sont donc d’une lecture agréable et instructive. La formation et l’expérience de Théa Rojzman, qui par ailleurs dessine pour la revue Le Cercle Psy, lui permettent d’exposer simplement des concepts pourtant ardus, sans que la narration en pâtisse. Tout cela dédramatise simplement la démarche de « consulter » et de suivre une thérapie psychanalytique ou psychologique. De l’humour et bandes dessinées pas bête en quelque sorte !

[1Sic ! Ainsi le dossier de presse qualifie-t-il ces ouvrages, qui pourtant s’adressent à tous, femmes et hommes, initiés ou non.

Frédéric HOJLO

Source actuabd

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