La mission locale des Nations Unies prévient que la situation se détériore plus vite que prévu. Le rapport souligne le « harcèlement », la « torture » et les « restrictions » imposées par le Hamas.
« Gaza dix ans après » : ainsi s’intitule un rapport accablant publié par la mission locale des Nations Unies, mardi 11 juillet. Son ambition est de dresser un état des lieux complet, au terme de cette décennie de contrôle exercé par le Hamas sur le territoire palestinien. Une décennie de « crise perpétuelle », comme l’écrit en préambule le coordinateur pour l’aide humanitaire, Robert Piper, marquée par trois guerres avec Israël et un double blocus, imposé par l’Etat hébreu et l’Egypte.
A ce jour, la population demeure prisonnière « d’un cycle de besoin humanitaire et de dépendance continue à l’aide ». Tandis que l’économie s’est affaiblie et que le « dé-développement » a pris racine, les infrastructures et les services élémentaires ont décliné. L’assistance internationale pare aux urgences les plus pressantes, mais elle ne change pas une équation désastreuse.
Bientôt « invivable »
Le rapport de l’ONU intervient cinq ans après « Gaza 2020 », un travail de projection dont la conclusion avait eu un grand retentissement. Elle indiquait que Gaza serait « invivable » d’ici cette date. Or dans sa nouvelle publication, la mission locale estime que « la plupart des projections pour 2020 se sont en fait détériorées encore plus vite et plus profondément qu’anticipé ». L’indicateur le plus impressionnant est la pression démographique dans ce petit territoire comprimé, qui va prendre de l’ampleur. La population a augmenté de 400 000 personnes depuis 2012, atteignant 2 millions de personnes fin 2016. Les projections se situent à 2,2 millions en 2020 et 3,1 millions en 2030.
Exécutions
Le rapport souligne l’impact des divisions entre l’Autorité palestinienne (AP) et le Hamas. Elles ont empêché tout fonctionnement correct des services publics, des institutions politiques, du système judiciaire. L’émergence d’une « justice parallèle » a été symbolisée par la centaine d’exécutions organisées en dix ans, dont la plupart décidées par des tribunaux militaires, sans aucune garantie pour la défense. Après l’expulsion de l’AP de Gaza en 2007, le gouvernement israélien a imposé des restrictions sévères sur la circulation des biens et des personnes. Pendant ce temps, le Hamas et les autres groupes armés « ont poursuivi et intensifié » leur armement, en constituant des stocks de roquettes et en construisant des tunnels sophistiqués pour conduire des attaques terroristes ou préparer des enlèvements.
Depuis la dernière guerre à l’été 2014, l’économie demeure anémique, avec 40 % de chômage, rendant l’aide étrangère vitale. Les jeunes sont particulièrement en difficulté. « Ils sont privés du nécessaire élémentaire et sont confrontés à une marginalisation sociale et économique, à l’isolement et à un accès limité aux équipements sociaux et culturels », souligne le rapport.
La tendance sur le long terme indique un écart alarmant entre la Cisjordanie et la bande de Gaza : en dix ans, la première a enregistré une hausse du produit intérieur brut (PIB) par habitant de 48,5 %, tandis que cet indicateur baissait de 5,3 % à Gaza. La limitation de la zone de pêche pour les Gazaouis, au large, les empêche de développer cette activité traditionnelle. Le rapport dénonce l’utilisation par l’armée israélienne de balles réelles ou en plastique contre ceux qui s’aventurent trop loin, leurs embarcations étant souvent coulées.
120 000 logements manquants
Les cultures ne se portent guère mieux. Depuis la guerre de 2014, seule la moitié des terres agricoles détruites a été réhabilitée. En outre, près de 30 000 personnes attendent la reconstruction de leurs logements. En raison de la croissance de la population, le besoin de logements s’élève à 120 000, ce qui donne une idée des investissements nécessaires, au-delà des programmes humanitaires. A cela s’ajoute la difficulté d’accès à tous les matériaux de construction, sans parler de la faiblesse des moyens financiers des Gazaouis pour les acquérir.
Depuis trois ans, conscient de cette situation explosive mais guère décidé à lever le blocus pour des raisons sécuritaires, Israël a adopté des mesures plus souples, symbolisées en mars 2015 par les premières importations autorisées en provenance de Gaza. Cette tendance est positive, mais leur niveau demeure bas, à la fois en raison des restrictions et des faibles capacités locales de production. Les restrictions concernent aussi l’acheminement à Gaza de produits considérés à « usage dual », donc pouvant servir à des fins militaires pour le Hamas : pesticides, bois, matériaux de construction, etc. Malgré cela, le nombre de camions entrant chaque mois a augmenté, passant d’environ 4 300 en 2014 à plus de 10 000 durant les cinq premiers mois de l’année 2017.
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