Dimanche 30 avril, la mémoire des déportés à l’occasion de la Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation est honorée, comme chaque dernier dimanche d’avril depuis 1954.
De cette sombre époque, on a peu parlé des objets des déportés. Ces objets qui ont accompagné leur quotidien dans les camps allemands de Ravensbrück, Mauthausen, Auschwitz et Bergen-Belsen.
Avec Souvenirs (éd. La ville brûle, 222 p.), Marie Rameau aborde cet aspect inédit de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Dans ce livre, la photographe et membre du conseil d’administration de l’association Germaine Tillon, résistante déportée à Ravensbrück, rend hommage à une vingtaine de femmes déportées pour faits de résistance. Un hommage à travers des textes, des portraits et des photos de ces objets que ces héroïnes fabriquaient dans les camps, bravant tous les interdits.
Créer pour faire face à la déshumanisation
Pour Marie Rameau, qui a déjà écrit Des femmes en résistance : 1939-1945 en 2008, fabriquer ces objets était une façon de faire face au processus de déshumanisation mis en œuvre par les nazis. « Quand elles sont arrivées au camp, on leur a tout enlevé. On les a tondues, on leur a donné une robe rayée. Elles avaient toutes une robe, des chaussures et une culotte. Elles avaient un numéro qu’il fallait qu’elles cousent sur le revers de leurs manches. Ces objets ont été un moyen de récupérer cette humanité », explique l’auteur.
Elles dessinaient, cousaient, écrivaient, brodaient, fabriquaient des bijoux, des jouets, des carnets, des sacs et même des sous-vêtements. Dans les camps, il n’y avait pas de soutien-gorge, « c’était tout à fait interdit », indique Marie Rameau. « Il ne fallait surtout pas être prise avec un soutien-gorge parce que c’est un objet dans lequel on peut cacher des choses et c’est aussi un objet qui symbolise la féminité. Les nazis voulaient faire disparaître l’humanité tout court. Donc la féminité, encore davantage ».
Aller jusqu’au bout d’un objet. Le rendre beau. « Donner un peu de beauté dans le camp », indique Marie Rameau qui raconte que, lorsqu’elle a contacté l’une de ses femmes, Marie-Antoinette Pappé, pour pouvoir photographier ses objets rapportés du camp, cette dernière lui a dit : « Vous m’appelez pour le plus beau cadeau de Noël de toute ma vie. Il était beau ». Elle parlait de ce couvre-livre offert par ses amies et « sur lequel il y avait son nom et son matricule ».
Parfois, ces résistantes déportées s’offraient ces objets entre elles, parfois elles les gardaient, espérant les rapporter à leurs enfants un jour. Dans le camp, elles récupéraient le moindre matériau, le moindre morceau de bois, bout de ficelle ou de tissu. Elles volaient même des feuilles de caoutchouc sur les machines de fabrications des masques a gaz. Pour fabriquer des ceintures par exemple. « La ceinture, c’était un objet extraordinnaire qui permettait d’accrocher un certain nombre de choses que vous cachiez sous votre robe », raconte Marie Rameau.
Ces objets sont aussi des prétextes pour parler de ces femmes. Marie-Antoinette, qui avait lu Mein Kampf, avait pu être un grand soutien pour ses compagnes, « parce qu’elle arrivait à leur expliquer ce qu’était ce système dans lequel elles étaient et qui les oppressait. À partir du moment où elles comprenaient mieux ce à quoi elles faisaient face, elles pouvaient lutter contre », explique Marie Rameau.
Poster un Commentaire