Le Pen et les propos négationnistes de Jalkh: quand l’ADN du FN revient au galop

Le FN remplace à sa présidence Jean-François Jalkh, rattrapé par des propos négationnistes, mais il n’en fera pas plus. Une occasion de rappeler aux électeurs tentés par le vote blanc ou l’abstention que l’ADN originel du FN n’est pas effacé de tous les esprits.C-g7PUUXYAAnowN

Quand la boutique change la vitrine  » Marine est gaulliste  » pour y placer un produit maison, le choc esthétique et politique est rude. Jean-François Jalkh ou les quatre jours qui ébranlèrent le Front national. Derrière la convertie au gaullisme, tout sourire et selfies sur le parking de Whirlpool, le négationnisme, part d’ombre mentale de bien des consciences historiques du Front national, qui se délectaient, il y a une trentaine d’années, des saillies de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz, point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale, ou  » Durafour crématoire  » lancé à un ministre du gouvernement Rocard.

On résume. Afin d’apparaître comme détachée de tout lien avec un parti, le FN, Marine Le Pen avait décidé après le premier tour de renoncer à la présidence du mouvement créé par son père. A la rencontre du peuple, elle se devait d’apparaître libre et sans attaches. Indépendante. « Je me sentirai plus libre surtout, je serai au-dessus des considérations partisanes, c’est un acte important » disait-elle.

Ce renoncement impliquant un remplacement, elle avait choisi pour la remplacer à la présidence du Front un ancien d’entre les anciens, humble militant pénétré des idéaux frontistes des origines, deux ans député de 1986 à 1988, et député européen depuis 2014. Et une double part d’ombre sur le CV.

Une double part d’ombre

D’une part une mise en examen dans le cadre des investigations sur les activités du micro-parti Jeanne, lié au FN, pour  » escroqueries, abus de confiance et acceptation par un parti politique d’un financement provenant d’une personne morale « . Cette situation aurait dû conduire le FN à s’interroger sur l’opportunité de désigner un tel président intérimaire, mais visiblement, ce ne fut pas le cas. Jean-François Jalkh est un fidèle d’entre les fidèles comme on disait dans les reportages télévisés des années 80, jouant un rôle essentiel dans le fonctionnement du parti, notamment financier, donc il n’était pas question de douter de la validité du choix.

D’autre part, une trace jusque-là oubliée mais indélébile de propos d’inspiration négationniste tenus au sujet de la Shoah, tenus en l’an 2000 et publiés en 2005 dans la revue Le temps des savoirs : « Je considère que d’un point de vue technique, il est impossible, je dis bien impossible de l’utiliser dans des […] exterminations de masse. Pourquoi? Parce qu’il faut plusieurs jours avant de décontaminer un local qui a été… où l’on a utilisé du Zyklon B. »

Le journaliste Laurent de Boissieu ayant exhumé ces propos, l’indignation étant advenue, les preuves de la réalité des dits propos étant avérées (si l’on en croit la chercheuse Magali Boumaza, alors doctorante, et qui prétend détenir les enregistrements audios de l’intéressé), ce vendredi matin, Jean-François Jalkh a été démis pour être remplacé par Steeve Briois, le maire d’Hénin-Beaumont… Lui-même renvoyé devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris pour provocation à la haine raciale et diffamation raciale suite à un tweet signalé par la LICRA.

Fin de l’affaire ? Non, pas vraiment.

Le Front national remplace le mis en examen par un prévenu (ainsi nomme-t-on les renvoyés en correctionnelle) mais n’indique en aucune façon qu’il soit décidé de poursuivre plus avant les sanctions. En l’état, Jean-François Jalkh demeure député européen et membre de la direction du parti sans qu’il lui soit demandé de renoncer à son mandat ou de quitter le parti. Or, si les propos rapportés ont été tenus, et qu’ils sont jugés par le Front national de nature à justifier son éviction de la présidence intérimaire, alors pourquoi ne pas sanctionner jusqu’au bout, en chassant le serpent du paradis lepéniste devenu gaulliste?

Un retrait qui ne vaut pas désaveu

En vérité, il apparaît déjà comme évident que Jean-François Jalkh demeurera député européen et dirigeant du FN. Ce qui est, de la part de Marine Le Pen, Florian Philippot et des autres dirigeants du parti de Jean-Marie Le Pen, une forme d’aveu. Ce qui indigne à bon droit les consciences humaines ne paraît les perturber, eux, qu’à raison du bruit médiatique négatif que cela peut engendrer autour d’eux et de la candidate. Quand Marine Le Pen déclare au sujet du retrait de Jalkh: « Je crois qu’il a été effectivement extrêmement affecté par la diffamation dont il a été l’objet », elle acte que ce retrait ne vaut pas désaveu des propos tenus et retrouvés.

Il est donc un ADN politique avec lequel le FN prétendument post-gaulliste ne parvient pas à expulser de son corps politique. Poids de l’histoire, des hommes et des idées. Jean-Marie Le Pen a beau avoir été exclu (lors d’un bureau exécutif présidé par Jean-François Jalkh, ironie de l’histoire) afin de montrer que le FN ne voulait plus être associé aux dérapages historiques de son fondateur, une certaine forme de tolérance demeure dès lors que sont mis en cause les piliers du Marinisme, indispensables au bon fonctionnement de la machine. Mais de cela, tous ceux qui sont sensibles à la réalité du Front national ne peuvent douter.

Cette affaire a un mérite, qui permet de rappeler à Jean-Luc Mélenchon, la Manif pour tous et autres appelants au vote blanc ou l’abstention, et à tous ceux qui sont aujourd’hui tenter de les écouter, que le Front national n’est toujours pas un parti comme les autres. Qu’il n’est pas possible de poser l’équation Macron=Le Pen. Qu’il est insensé de s’abstenir face à un parti qui n’a toujours pas réglé le problème de ses origines. Qu’il ne faut pas laisser des lycéens lancer un mouvement  » BlocusNiMacronNiFN  » sans les avertir qu’ils sont en train de trahir l’esprit des Lumières. Que Macron a sans aucun doute bien des défauts mais qu’il ne protège pas en son sein des Jean-François Jalkh et autres Axel Loustau… Que cette affaire éclaire enfin, autant que faire se peut, sur la vérité du FN et que la conclusion s’impose: voter blanc ou s’abstenir, c’est renoncer à 1789.

bruno_roger_petit-challengeBruno Roger-Petit

Source challenges

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