L’audience, elle se tint pendant qu’un autre loup solitaire jetait sa voiture sur des innocents avant d’aller égorger le policier en faction devant le Parlement de Londres. Nos media, tous, ils évoquent pour la énième fois un assaillant, et peu à peu, comme accouchant au forceps, ils évoquent prudemment un attentat commis par un Musulman peut-être radicalisé.
Ce jour-là, c’était aussi le triste premier anniversaire des attentats de Bruxelles. Vous avez remarqué ? Comme il leur semble dur, voire impossible, de parler de terrorisme islamique. Beaucoup pourtant réclament qu’on nomme les choses, et jamais Camus ne fut autant cité. Pour ce faire, ils sont tous synchro. Pour faire ce qu’il dit qu’il faut faire, y a plus personne.
Car dites-moi qui les nomme, les choses ? Eh bien il en est un qui appelle les choses par leur nom, et c’est lui, le grand commanditaire, celui qui à chaque fois nous annonce à quelle sauce nous allons être mangés, lui, le groupe Etat islamique, quand il revendique dès le lendemain l’attaque de Londres via son organe de communication Amaq, sur la messagerie Telegram, dictant le tempo, revendiquant : C’est Nous.
L’assaillant présumé ? Il était connu du renseignement britannique comme un extrémiste, annonça Theresa May.
Sinon, vous vous rappelez ? Le 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Nîmes donnait raison à la famille d’Abel Chennouf, militaire tué à Montauban le 15 mars 2012. Abel Chennouf, l’une des sept victimes des assassinats jihadistes et antisémites de Mohamed Merah à Toulouse et sa région. Le deuxième.
Si je vous en parle, c’est parce que lui justement, sa mort aurait pu, aurait dû être évitée. Et celle des cinq autres. Si. Si seulement. Si simplement l’assassin avait été surveillé comme il aurait dû l’être.
Alors, ce 12 juillet, les juges avaient reconnu une faute des services de renseignement : Mohamed Merah était entré dans leurs radars dès 2006. Et l’Etat fut jugé coupable de défaillances. Plurielles.
Mais le Ministère de l’Intérieur fit appel.
Alors ça devint l’affaire Merah dans l’affaire Merah, nous plongeant tous dans une perplexité extrême.
Merah. 2012. Les tueries de Mautauban. De Toulouse. Nous inaugurions alors sans le savoir une séquence d’un nouveau genre. Nous faisions connaissance avec ce qu’aujourd’hui il s’agit de nommer sans détour le terrorisme islamiste. Merah. Celui qui accola son nom à une ère décidément inédite. Qui nous apprit à vivre en sachant que tout pouvait désormais arriver aux êtres qui nous étaient les plus chers. Qui fit que nous prîmes, pour beaucoup, des dispositions. Merah. A cause duquel nous vîmes la barbarie en live. A qui on en veut parce qu’il fut le premier à nous scotcher aux chaînes d’info en continu, celles qu’on déteste. Qui tua lâchement des soldats qu’il prit par derrière. Qui ensuite saisit par ses blonds cheveux la petite Myriam . Un père et ses enfants. Ces images, nul ne les a oubliées. Merah le lâche qui a scellé plus grand que son destin : ses actes marquèrent le début d’un temps dont nous ne sommes pas près d’être sortis. A cause des meurtriers qu’il a engendrés. A cause de nous tous. Du déni de nos gouvernants et de nos silences. Forcément complices. Merah. Dont les victimes pour certains ne veulent plus entendre le nom. Refusent de l’écrire avec une majuscule. Refusent de l’écrire tout court, se bornant à un MM.
Merah, donc. Le père de sa deuxième victime, entouré de ses avocats, obtint le 12 juillet 2016 condamnation de l’Etat pour défaillances. Notez-le, ce pluriel. Car elles furent actées. Répertoriées, jugées, ces multiples défaillances. En fonction desquelles le dit Etat fut condamné.
Merah à cause duquel je suis allée faire un tour sur le site du Conseil d’État et de la Juridiction Administrative. Histoire de comprendre un peu mieux. Dans la rubrique La cour administrative d’appel, je suis allée voir comment se déroulaient l’instruction, l’examen des requêtes et puis enfin … l’audience.
On sait tous qu’on peut contester un jugement rendu par un tribunal administratif et qu’on peut aussi introduire une requête devant le Conseil d’État.
Mais revenons à notre affaire : il s’agissait ici d’un appel à la Cour Administrative ; l’avocat constitué – ici Maître Béatrice Dubreuil, reçut, je vous l’ai dit, un courrier daté du 10 mars pour un appel au 22 mars. Stupéfaite par cette diligence inhabituelle et de surcroît désarmée par la concomitance avec la commémoration du terrible anniversaire, ne pouvant d’autre part se libérer, et son courrier, comme sa conversation téléphonique avec la Présidente, restant vains, elle dut donc avertir les parents d’Abel et aussi se faire substituer. Ici, par Maître Picard, proche s’il en est puisqu’il m’a confié l’appeler sa sœur en procédure.
Maître Béatrice Dubreuil, cette urgence soudaine à ce que l’appel eût lieu, elle l’interprète comme une hâte à réformer une décision où tout le monde allait s’engouffrer. Depuis Merah, vous rendez-vous compte… Oui, elles sont nombreuses, les victimes.
Maître Frédéric Picard, il dit pareil : ils ont du sortir leurs calculettes, résume-t-il.
L’Etat donc. Sa responsabilité avérée. Reconnue. L’Etat français responsable d’avoir arrêté la surveillance du terroriste. Vous vous souvenez, vous, de la plainte déposée contre la DCRI et son ancien directeur, Bernard Squarcini, pour non empêchement d’un crime. Je vous pose la question, tant la presse peu en parla.
Merah. Qui a tué Abel le 15 mars. A Montauban. Mettre en lumière les dysfonctionnements. Nombreux. Un rapport de l’IGPN fut rendu public : personne n’y était identifié comme responsable. Or on apprenait que des policiers toulousains du renseignement avaient bien, eux, envisagé de transmettre le dossier au parquet antiterroriste en juin 2011. Ils ne l’ont pas fait, freinés dans leurs démarches par leurs supérieurs parisiens de la DCRI.
Qui l’a prise, cette décision, qui à Paris, veut savoir Maître Dubreuil.
Claude Guéant ? Nul ne compta sur lui pour aider la vérité à éclore : lui, le pleutre, osa dire qu’avant les drames de Montauban et Toulouse, jamais le comportement de Merah n’avait révélé de dangerosité. Déjà, Guéant et Squarcini , déjà, ils l’employaient, l’expression loup solitaire. Ce loup-là, il revenait du Pakistan où il était allé en aout 2011. Avant même ce départ, déjà en juin 2011, les agents des renseignements locaux avaient fait, le concernant, une demande de judiciarisation.
Alors ? Des failles dans l’organisation des services de renseignements ne furent-elles pas mises à jour à cette époque ?
L’état fut condamné.
Appel. Situation surréaliste. Ce courrier du 10 mars pour une convocation le 22. La semaine-même de la commémoration. L’avocate espère un délai de deux mois supplémentaires. Elle appelle le Greffe en personne, elle écrit un courrier officiel. Elle ameute la Présidente. La Présidente lui répond qu’il y va d’une affaire de principe. Que toutes les juridictions sont en alerte.
On est le 16 au soir et elle, son avocate, elle n’a pas le cœur à en parler à Albert Chennouf-Meyer. Forcément. Alors elle en parle à ses deux collègues.
Maître Dubreuil se lance dans une procédure écrite, pour soutenir oralement ses écritures. Sans conteste, seules des considérations budgétaires auraient motivé l’appel, alors que Valls lui-même avait dit : y a des fautes. 1000 pages. Le rapport évoquait les défaillances. Si le suivi avait été maintenu, Merah aurait été interpelé après avoir tué le jeune Ibn Ziaten à Toulouse. Juste ça. Le carnage aurait été d’une autre ampleur. Intolérable déjà.
La veille de l’appel, le rapporteur d’état avait laissé ses préconisations. Suivies, en principe, à 90%. Il fallait débouter. Et aller vite. Il demandait devant la cour d’appel administrative de Marseille l’annulation du jugement qui avait condamné, en juillet 2016, l’Etat pour faute dans l’assassinat du caporal-chef Abel Chennouf. L’Etat n’a pas commis de faute propre à engager sa responsabilité, affirma sans vergogne à l’audience Mickaël Revert, précisant que le comportement étrange et suspicieux de Mohamed Merah ne pouvait justifier en soi une surveillance en rapport avec une menace terroriste. Quelle honte. Quel scandale. Quel déni abject. Il estimait donc, le rapporteur public, ce mercredi 22 mars 2017, que l’identification d’une faute lourde dépendait de la connaissance d’un risque d’attentat et de son intensité et il trouvait, lui, que le dossier ne permettait pas de voir une erreur ou un manquement dans l’action des services de renseignements. Mickaël Revert ? Il estimait que l’Etat ne pouvait être tenu pour responsable qu’en cas de faute lourde, et de faute lourde, et lui il n’en voyait guère, de faute lourde : les services spécialisés n’avaient pas une perception continue, constante, sans ambages, de la dangerosité de Mohamed Merah, estima ce magistrat chargé de dire le droit et dont les avis sont généralement suivis par les juges.
Le ridicule ne tue pas. Il concéda toutefois, le rapporteur, qu’ il y avait eu une erreur de jugement sur le profil de Mohamed Merah, parce que Merah aurait dissimulé ses intentions. Rendez-moi qu’un argument aussi fallacieux, ça ne s’invente pas. Et il poursuivit : Il y aurait eu une faute lourde si les services de renseignement avaient recueilli des éléments sur des projets d’attentat et n’en avaient pas tenu compte, et circulez, y a rien à voir. Quelle violence dans ces mots tout de même.
Circulez, y a rien à voir, ce sont là, en somme, les limites de la lutte anti-terroriste. Et là on vous explique doctement, insolemment, que le Ministère de l’Intérieur n’entendait pas dénier aux proches de M. Chennouf le droit d’être indemnisés ou nier la douleur qui fut la leur.
Circulez, y a rien à voir : et vous savez pourquoi ? Parce que les services avaient été abusés par Mohamed Merah, notamment lors d’un entretien auquel il avait été convoqué.
Cette argumentation fit bondir la famille du militaire assassiné : Le loup n’était pas solitaire ! plaida leur avocat, et des fautes, il y en avait eu quasiment un millefeuille : Il y a eu une désactivation pendant un temps de la fiche « S » alors que Merah montait en pression, expliqua-t-il, retraçant les étapes de la radicalisation de Merah : son voyage en Afghanistan sans que cela soulevât un intérêt marqué, cet épisode où il fit regarder des vidéos de décapitation à un adolescent, ce deuxième voyage, au Pakistan cette fois : Les policiers ont rempli leur mission aux 9/10e, conclut l’avocat, seulement, ils n’en ont pas tiré les conséquences, en connaissance de cause. De même, il estime qu’ont joué des dysfonctionnements entre les services centraux du renseignement et l’antenne locale de Toulouse, qui avait connaissance de la dangerosité du terroriste : Ne pas le reconnaître cela revient à accorder une immunité totale au renseignement et à l’antiterrorisme, plaida-t-il face au Rapporteur Public qui demanda l’annulation de la condamnation des services de l’État du 12 juillet 2016 Par le T.A de Nîmes.
Circulez. La cour d’appel a mis sa décision en délibéré sous une quinzaine de jours.
Comment l’affaire sera-t-elle jugée ? Alors même que le Tribunal administratif de Nîmes avait, en première instance, reconnu l’Etat coupable de faute pour avoir supprimé toutes mesures de surveillance de Mohamed Merah? On est ahuri. Il avait bien été conclu que la décision de supprimer toute mesure de surveillance de Mohamed Merah était constitutive d’une faute engageant la responsabilité de l’Etat compte tenu notamment du profil de Mohamed Merah et du caractère hautement suspect de son comportement, établi depuis plusieurs années et renforcé par ses récents voyages en Afghanistan et au Pakistan ?
Eh bien, les mêmes aujourd’hui, par la voix de la représentante du Ministère de l’Intérieur, Pascale Léglise, nous chantèrent qu’il était faux de dire que M. Merah avait été lâché dans la nature sans surveillance et ajoutèrent que les services de l’Etat auraient été abusés, l’existence d’une fiche S ne suffisant pas à prévenir les actes terroristes.
Albert Chennouf-Meyer, il nous dit que Maître Frédéric Picard avait abordé cet appel avec talent et avait su faire transparaître la révolte de ses clients par des paroles justes qui pouvaient rebondir au plus profond du cœur de chaque juge : Bien sûr il y a la loi mais il y a aussi l’humain ajouta ce père dont on ignore comment il tient.
Il fut aride, le débat juridique qui se tint dans la solennité de la cour administrative d’appel siégeant en formation plénière. Le père du soldat assassiné, Albert Chennouf-Meyer, prit la parole : Je ne veux pas que mon fils soit mort pour rien, dit cet homme digne, On ne peut pas tuer mon fils de trois balles dans la tête au nom d’Allah et dire qu’il n’y a pas de faute.
Le père d’Abel ? Il nous répéta que tant que nous tolérerions des fondamentalistes sur nos territoires européens, nous n’aurions qu’à attendre que le fruit de leur travail s’accomplisse. Dans un premier temps, ajouta-t-il, on nous demandera de ne pas récupérer cet événement pour faire de la politique et de la polémique au nom de la décence et du respect des victimes. Et ensuite, passé le temps de la décence , on nous expliquera qu’il n’y a pas que le terrorisme dans la vie et qu’il ne faut pas faire le jeu de … et que toute critique d’un phénomène communautaire en particulier est une preuve de notre racisme et de notre islamophobie : vous serez très vite amalgamé à Adolf Hitler.
Le jugement ? Il sera rendu d’ici au 5 avril.
Sarah Cattan
« Du déni de nos gouvernants et de nos silences ».
Et celui qui dit la vérité il se fait exécuter (pour plagier Béart)
voir Mr G. Bensoussan.
Surtout pas d’amalgame, que des déséquilibrés, pas des très méchants, n’insistez pas ou vous aurez affaire au CCIF, à la LICRA et à nos nouveaux juges de la pensée bienséante.
La burqa c’est bo, le voile c’est bo, les mosquées c’est toujours bo les djihadistes c’est pas bobo et si vous dites le contraire vous êtes d’affreux fascistes un tantinet FN.
Tout d’abord je tiens à remercier Sarah Cattan et à travers elle, le Journal en ligne #LaTribuneJuive, pour les articles publiés au sujet de cette affaire dans l’affaire, je veux parler de la condamnation de l’État pour ses défaillances dans l’affaire MM (merah), que son nom soit effacé de la mémoire de l’humain.
Bien entendu, les avis divergent mais je ne les commenterai pas.
En revanche, vous vous en doutez bien que j’aurai préféré ne pas avoir à laisser un commentaire et garder mon fils vivant.
Je ne fais que mon travail de père, un travail épuisant mais noble. Il m’épuise mais je tiens.
Sur les sept familles que le nazislamiste de Toulouse a endeuillé, une dame voilée a préféré faire de la marchandisation et du cinéma de la mort de son fils, une autre, a préféré passer à autre chose, d’autres le silence et moi le combat!
Ai-je tort ou raison, Dieu seul le sait.
Ce qui me réconforte, c’est la phrase de mon épouse, « Tu as fais ce qu’il fallait, je suis fier d’être ta femme et quand tu monteras chez Abel, il te dira , bravo papa, tu as fais ton possible voire plus avec tes petits moyens »!
Le reste n’est que littérature, soyez prudents, car personne n’est à l’abri.
Que le Seigneur vous protège!
P.S: Je ne répondrai à aucune question mais je continue à vous lire.
Shabat Shalom!
Le jugement est rendu:
La Cour d’appel de Marseille vient de déjuger le Tribunal Administratif de Nîmes, en infirmant le verdict du 12 juillet 2016, dans lequel l’État a été condamné pour ses défaillances dans l’affaire Merah.
La cour d’appel juge qu’il n’y a pas eu de faute lourde, ni simple.
Le père d’Abel de demande ce que bon sang faisaient-ils son fils et les 6 autres victimes chez Merah.
Il evoque la Justice corrompue des islamo-gauchistes. « Trois cents victimes, plus de 400 blessés, mais les politiques n’ont rien à voir avec ce drame !!!!
JUSTICE mafieuse, JUSTICE arbitraire, pauvre France, pauvre République ! »
Et il va au Conseil d’État.