Meyer Habib: Il dit tout et Il le dit bien. Une interview recueillie par Sarah Cattan

Oui, en guise de « rappel »: TJ avait rencontré meyer Habib en 2017. Entre temps, le Député de la 8e circonscription des Français de l’étranger a notamment initié puis présidé la Commission d’Enquête parlementaire concernant « l’Affaire Sarah Halimi »: un temps qui nous oblige tous, de quelque circonscription nous serions.

Meyer Habib. J’avais envie de le rencontrer. Député de la 8e circonscription des Français de l’étranger, membre de la Commission des Affaires étrangères, vice-président du groupe d’études sur l’antisémitisme à l’Assemblée Nationale, ancien vice-président de trois commissions d’enquête sur la menace djihadiste. Parce qu’au vu du nombre de ses communiqués de presse, j’avais l’impression qu’il était partout, en tout cas partout où moi je portais mon regard : le conflit israélo-palestinien, la rencontre Netanyahu-Trump, la situation des Juifs en France, l’entrisme qui me hante, et ça, vous le savez, chers lecteurs, l’imminence de notre présidentielle et la situation inédite où patauge notre campagne électorale, bref sur tous ces sujets, de ci, de là, Meyer Habib est aujourd’hui sollicité et écouté, alors moi aussi, j’ai voulu rencontrer cet homme pressé parce que très occupé. Cet homme dont j’étais sûre qu’il compterait de plus en plus dans notre paysage politique.

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D’emblée, face à ma remarque sur le fait qu’il multipliait les communiqués de presse et ne laissait personne indifférent, il m’a dit qu’issu d’une lignée de militants sionistes et riche d’un engagement de près de quarante ans, il n’hésitait jamais à défendre ses causes avec le cœur ni à donner de l’écho à ses actions, ses rencontres, ses questionnements, ses craintes, bref ce pour quoi il se bat. Et moi qui voulais interviewer l’ami de Bibi j’ai aussi écouté, sinon découvert, un homme de conviction, un homme politique aux méthodes de communication modernes, et, pour tout vous dire, un honnête homme.

Tribune juive : Meyer Habib, vous dépassez largement votre fonction de Représentant des Français établis hors de France.

Meyer Habib : Issu de la société civile, je n’avais initialement pas vocation à « faire carrière » en politique et je conçois depuis le départ mon mandat comme une mission. Par-delà ma fonction de représentation des Français de l’étranger, je suis devenu de fait le Monsieur Israël de l’Assemblée nationale et, même, en tant qu’ancien vice-président du CRIF, un député représentant aussi les Français juifs. Dans le monde qui est le nôtre, face à la menace djihadiste, face au spectre d’un Iran nucléaire, face à un islam politique conquérant, j’ai la conviction que c’est l’intérêt de la France d’être aux côtés d’Israël, qui est en première ligne et partage nos valeurs. Suis-je adoré ou honni ? Je ne m’en préoccupe pas. Je dirais que la classe politique a appris à me connaître et m’a fait une place au sein de la Représentation nationale. La majorité me respecte avec mon identité et, à ce jour, j’ai noué de nombreuses amitiés, parfois très fortes, à l’Assemblée nationale.

Je suis un député sioniste et un des grands combats de ma vie, c’est la défense d’Israël, qui est devenu de fait le Juif des nations, l’Etat à étoile jaune. Après la Shoah, l’Europe a une dette historique et une dette morale imprescriptible à l’égard du peuple juif. A ceux qui disent que l’Etat d’Israël a été créé par culpabilité au lendemain de la Shoah, je rappellerai que depuis le premier exil de Babylone il y a plus de 2500 ans, les Juifs pleurent et prient pour le retour à Sion et à Jérusalem. Par contre, ma conviction absolue est que s’il avait existé en 39-45, il n’y aurait jamais eu la Shoah. Aujourd’hui, l’Etat d’Israël est le certificat d’assurance-vie du peuple Juif : J’ai à l’esprit les mots du Général Ehoud Barak, ancien chef-d’Etat major d’Israël, qui a écrit dans le livre d’or d’Auschwitz-Birkenau à l’occasion de la visite d’une délégation de Tsahal : soixante ans après, soixante ans trop tard

Tribune juive : Justement, Meyer Habib, la paix ? Voici bientôt quinze ans, les accords d’Oslo semblaient annoncer entre Israël et les Palestiniens une paix négociée, équitable et durable. Comment expliquer l’échec de ce processus que tout le monde paraissait soutenir ?[1]

Meyer Habib : Le processus d’Oslo reposait sur une logique viciée et était voué à l’échec dès l’origine. A mon sens, retourner aux frontières de 67 dans le cadre d’une solution à deux Etats s’apparente à un suicide. Les frontières de 67 sont les frontières d’Auschwitz[2], formule d’Abbab Eban, légendaire Ministre des Affaires Etrangères d’Israël entre 1966 et 1974, pourtant colombe parmi les colombes. Ma conviction est que ce conflit n’est pas un conflit de territoires mais un conflit de civilisation. Certes, la paix nécessitera des concessions douloureuses des deux côtés. Mais il est essentiel de ne pas reproduire les erreurs du passé. Souvenez-vous, en 2005, les Israéliens sont sortis de manière unilatérale de la Bande de Gaza. Pour quel résultat ? Gaza s’est transformé en un micro-Etat djihadiste et Israël n’a récolté que des missiles, des morts par dizaines, un état permanent de guerre latente. Pour les Juifs qui résidaient dans ce petit paradis qu’était le Gush Katif, quitter Gaza a été un vrai traumatisme : imaginez qu’il a fallu déterrer et transférer les cimetières, détruire des synagogues… Tout ça pour rien! Le Gush Katif et Gaza sont devenus un Hamastan, avec ses tunnels, ses rampes de lancement de missiles pour détruire Israel.

Le peuple juif est une nation, cette nation a une terre, la Terre d’Israël, sa patrie ancestrale. La résurrection d’Israël après 2000 ans d’exil est un miracle. C’est un modèle de démocratie, pétri de valeurs humanistes, respectant les droits des femmes, les droits des minorités, la liberté de la presse, de religion… Pour préserver tout cela, Israël n’a pas d’autres choix que de maîtriser la sécurité de ses frontières, du Jourdain à la Méditerranée.

A cet égard, j’accueille très positivement l’élection de Donald Trump sur le dossier du conflit israélo-palestinien. Je me suis longuement entretenu avec le Premier ministre Netanyahu quelques jours avant sa récente visite d’Etat aux Etats-Unis. Après huit années très difficiles avec Obama, qui a commis toutes les erreurs possibles au Moyen-Orient, il met beaucoup d’espoir dans l’administration Trump pour aboutir à une paix réelle et durable entre Israéliens et Palestiniens. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre avec des perspectives que j’espère prometteuses comme le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, des négociations de paix bilatérales et sans pression. De plus, Trump ne devrait pas opposer une hostilité de principe au développement naturel des implantations de Judée-Samarie.

Tribune juive : Meyer Habib, quel regard portez-vous sur la situation des Juifs en France ?

Meyer Habib : En France, 70 ans après la Shoah, des juifs ont été assassinés en France parce que juifs. Après Ilan Halimi, des enfants et des bébés ont été assassinés à bout portant avec leur père dans une école juive à Toulouse. Puis il y a eu l’Hyper Casher. Ouvrons les yeux : les synagogues sont des forteresses, les écoles juives des bunkers… C’est très inquiétant pour les juifs mais peut-être plus encore pour la France. Par ailleurs, il y a la montée du Front national qui est très préoccupante. Malgré les efforts de Marine Le Pen pour rendre son parti politiquement correct, ma conviction est qu’il subsiste dans l’ADN du FN l’héritage de Jean Marie Le Pen et ses incontestables relents antisémites. Les images filmées le 5 février dernier par des militants de l’UEJF devant le Meeting du Front National à Lyon parlent d’elles-mêmes. Même si la majorité des électeurs du FN ne sont pas racistes ni antisémites, cette tendance persiste. Plus encore : les valeurs du Front national ne sont pas compatibles avec les valeurs de la République.

Pour autant, je renvoie aujourd’hui dos à dos extrême droite et extrême gauche. C’est à gauche que prospèrent l’islamo-gauchisme et son corollaire, l’antisionisme, qui n’est rien d’autre que le nouveau visage de l’antisémitisme. On le voit avec le mouvement BDS, avec la désignation d’un candidat PS pro-palestinien soutenu, semble-t-il, par les Frères musulmans… A l’Assemblée nationale, sur les 151 députés qui ont voté en décembre 2014 contre la reconnaissance d’un Etat de Palestine bicéphale allié avec le Hamas, 1 seul était de gauche ! C’est un gouvernement de gauche qui s’est abstenu à l’UNESCO sur une résolution niant les liens historiques entre Jérusalem et le peuple juif. Quant à Emmanuel Macron, il taxe de crime contre l’humanité la colonisation… Comme je l’ai dit dans ma dernière question au gouvernement le 17 janvier dernier, il y a une sorte d’obsession à gauche, y compris au PS, sur Israël, sur la colonisation. Or, je veux le redire : jamais un juif ne sera un colon à Jérusalem, en Judée ou en Samarie. Jamais !

Après que les terroristes de Toulouse et de l’Hyper Casher ont évoqué le conflit israélo-palestinien pour justifier leurs crimes, on aurait pu espérer une certaine prise de conscience. Hélas, la plus grande partie de la Gauche refuse toujours d’admettre que c’est le même terrorisme qui tue de Paris à Jérusalem, de Berlin à Tel-Aviv. Or, ces dernières années l’ont montré : on a commencé par tuer des Juifs, puis des militaires, des journalistes, des policiers, puis sans distinction comme on l’a vu le 13 novembre ou le 14 juillet à Nice. Ces nazislamistes sont responsables de la mort de 250 français en deux ans ! Un prêtre a été égorgé en son église, un homme décapité, un couple de policiers assassinés devant leur enfant de trois ans… J’aime profondément mon pays la France, qui m’a tout donné. C’est pourquoi je me bats pour que notre pays change de logiciel et adapte sa stratégie de lutte contre le terrorisme. Vice-président de la commission d’enquête sur les attentats de Paris de janvier à juin 2016, j’ai ainsi demandé et obtenu un voyage parlementaire en Israël, à la découverte des méthodes israéliennes de lutte anti-terroriste, les meilleures au monde. Si les Israéliens sont aujourd’hui plus compétents, c’est parce qu’ils sont confrontés depuis la création de l’Etat au terrorisme le plus barbare. Dans cette guerre mondiale contre le djihadisme, Israël est en première ligne, c’est une sentinelle de la démocratie. Le Hamas, comme le Hezbollah, sont des mouvements djihadistes, qui ne sont pas fondamentalement différents de l’Etat islamique même s’ils soignent davantage leur image. Plus généralement, force est de constater que même le plus modéré des Palestiniens aujourd’hui refuse catégoriquement Israël comme Etat juif.

Ce n’est pas facile tous les jours de nommer les choses : je suis constamment la cible de menaces, y compris de menaces de mort, mais je ne me tairai pas.

Tribune juive : Meyer Habib, vous la nommez donc, l’avancée pernicieuse des islamistes en France ?

Meyer Habib : Vous soulevez un point très important. Par-delà le terrorisme djihadiste, il est clair que la France est confrontée à un islam politique, qui utilise une stratégie d’entrisme et de judiciarisation de la moindre critique de l’islam. Des organisations comme l’UOIF ou le CCIF ne cherchent pas à promouvoir un islam compatible avec les valeurs de la République mais à les contourner et les défier. Si on prend l’exemple de Tariq Ramadan, affilié aux Frères musulmans, prédicateur aussi habile que dangereux, expert de ce qu’on appelle la Taqqiya, il représente une vraie menace pour la République. Ses prêches font basculer des individus fragiles et influençables et exhortent, de manière à peine déguisée, au djihad ! Il faut être très vigilant : il n’y a pas de place pour le salafisme dans notre République, ni pour l’islam politique des Frères musulmans. C’est une autre forme de djihad ! Et pourtant ces tendances prospèrent et se répandent dans les quartiers voire dans les instances représentatives de l’islam de France. L’UOIF, c’est les Frères musulmans ! Il est dommage qu’on n’écoute pas davantage Malek Boutih sur ces questions. Pour combattre cette islamisation rampante, beaucoup reste à faire et je n’ai eu de cesse de plaider pour un durcissement de la législation… Il faut aussi contrôler le financement. J’en parlais hier encore avec le patron de TRACFIN[3] : comment empêcher le financement du terrorisme si on accepte de l’argent de pays qui parrainent le djihadisme. Or, ces pays nous les connaissons, quand nous ne flirtons pas avec…

Tribune juive : Meyer Habib, l’Islam vous paraît-il compatible avec les valeurs de la République ?

Meyer Habib : Ce n’est pas un problème de religion. Pour autant, on ne peut nier qu’il existe aujourd’hui un problème avec certaines tendances et dérives au sein du monde musulman. Si l’écrasante majorité des musulmans ne sont pas djihadistes, tous les djihadistes sont musulmans. Comme l’a parfaitement dit François Fillon : est-ce que les Catholiques tuent ? Non. Est-ce que les Protestants tuent ? Est-ce que les Juifs tuent ? Non. Mais on tue au nom de l’islam, ce qui défigure cette religion hélas de plus en plus souvent assimilée à la violence, l’oppression, le terrorisme. Et à l’échelle du monde, les victimes sont d’abord musulmanes, y compris dans des guerres inter-musulmanes entre chiites et sunnites. Personnellement, je renvoie dos à dos djihadisme sunnite et chiite, pourtant perçu plus favorablement, ce qui est une erreur grave.

En ce qui me concerne, je ne peux rester silencieux quand je vois qu’on déroule le tapis rouge à Paris aux dirigeants iraniens ou que notre Ministre des Affaires étrangères, un homme pour qui j’ai de l’estime par ailleurs, se rend à Téhéran en quête de contrats commerciaux alors que l’Iran est la matrice du terrorisme islamiste et le parrain d’Assad, responsable de près de 500 000 morts en Syrie. On l’a vu récemment encore avec ce véritable abattoir humain où 14000 personnes ont été pendues ! La France est la patrie des Droits de l’Homme et porte à ce titre une responsabilité morale particulière.

D’une manière générale, il est déplorable de constater qu’aujourd’hui les islamistes dictent nos agendas. C’est un véritable poison : le terrorisme, le djihad sont devenus la préoccupation n°1 des Français. C’est tout de même désolant alors que toute cette énergie et ces moyens pourraient être utilisés pour relever des défis en matière de développement économique et sociale, science, santé, culture…

 

Tribune juive : Meyer Habib, qu’avez-vous pensé du procès fait à Georges Bensoussan, et notamment de la présence de la LICRA assise aux côtés du CCIF ?

Meyer Habib : Je trouve cette affaire déplorable et tout à fait symptomatique de ce chantage à l’islamophobie et cette stratégie de judiciarisation de tout débat sur l’islam dans notre pays. Georges Bensoussan est un historien de grand talent, responsable éditorial du Mémorial de la Shoah. Il a évoqué à la radio l’existence d’un antisémitisme arabo-musulman traditionnel. C’est une réalité incontestable et documentée, comme il a existé pendant des siècles, dans la frange traditionnaliste de l’Eglise catholique, un discours antisémite.

Je condamne ce procès et me désolidarise totalement de la LICRA sur cette affaire. Je l’ai d’ailleurs dit directement à Alain Jakubowicz, son président, mon ami, lors du dîner annuel du CRIF : empêcher de penser l’antisémitisme qui sévit dans une partie de la population arabo-musulmane, c’est renoncer à combattre l’antisémitisme en France. L’étude de la Fondapol, L’antisémitisme dans l’opinion publique française, de novembre 2014, l’a bien montré : l’antisémitisme contemporain en France est avant tout le fait de l’islamo-gauchisme, sur fond de détestation d’Israël et de préjugés religieux ancestraux.

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Tribune juive : Meyer Habib, soutenez-vous toujours François Fillon, comme vous l’avez fait dès le deuxième tour de la Primaire LR ?

Meyer Habib : Je soutiens sans hésitation François Fillon. Après l’échec du quinquennat socialiste, c’est le meilleur candidat pour redresser la France. Je suis un homme de bon sens : je ne crois pas aux candidats hybrides, en particulier à celui qui est l’artisan de la politique économique désastreuse du dernier quinquennat socialiste. François Fillon a clairement la vision, la stature d’homme d’Etat et l’expérience après cinq ans à Matignon dans une période difficile pour notre pays. Même si nous avons quelques divergences assumées sur le Moyen-Orient, je sais que c’est un ami d’Israël et du peuple juif. Last but not least, lui seul a l’envergure et le programme pour faire barrage au Front national.

Concernant les affaires, comme la majorité des Français, j’ai été troublé. Mais ne soyons pas hypocrites, de fait, ces pratiques d’emplois familiaux ont été pendant des années monnaie courante dans tous les partis politiques et n’avaient rien d’illégal. Mais les mœurs ont changé et c’est avec beaucoup de sincérité et de courage que François Fillon a reconnu son erreur. Cependant, comment n’être pas perturbé que cette affaire sorte au lendemain des primaires et à trois mois des présidentielles? Dois-je rappeler, exemple parmi tant d’autres, que François Mitterrand, icône de la gauche, a logé sur les quais de Seine sa maîtresse et sa fille aux frais du contribuable pendant quatorze ans ? Les mœurs politiques évoluent, la preuve, et c’est une très bonne chose.

Au fond, ce que les médias nomment le « Pénélope Gate » a pour effet de saboter la campagne présidentielle. Au profit de qui ? Ma conviction est que les Français ont aujourd’hui besoin d’espoir, d’optimisme, de foi en l’avenir. Le peuple français est un très grand peuple et notre pays a un potentiel extraordinaire : des hommes et des et femmes de talent, des idées, de l’énergie, de la créativité. Parlons avenir, parlons progrès ! Les médias doivent aider les Français à se saisir des grands débats de société : sécurité, lutte contre le terrorisme, emploi, éducation, vivre-ensemble, baisse des impôts…

Tribune juive : Meyer Habib, vous avez été à l’origine de nombreux événements dont, le 22 juin 2003, les 12 heures de l’Amitié France Israël, réunissant plus de 50 000 personnes et plus de 100 parlementaires, de nombreuses personnalités politiques françaises parmi lesquelles François Hollande, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn ou François Bayrou. Côté israélien, le Premier ministre Benyamin Netanyahu, votre ami personnel de longue date, a fait le déplacement. Avez-vous d’autres projets ?

Meyer Habib : J’ai effectivement organisé en 2003 les 12 heures de l’Amitié France Israël, à une époque difficile, en pleine Deuxième Intifada, avec son lot quotidien d’attentats aveugles contre des civils israéliens, la montée d’un antisionisme violent en France et une tendance préoccupante à la désinformation. Dois-je rappeler que jusqu’en 2002, le gouvernement de gauche faisait la politique de l’autruche et qualifiait ces actes antisémites d’actes d’incivilité… Il fallait faire quelque chose. Alors vice-président du CRIF, président de la Commission Israël, j’ai décidé d’organiser cet événement, qui a été un immense succès.

Aujourd’hui, je ne suis plus un cadre communautaire mais un Député de la République. Représentant les Français de la 8ème circonscription, je représente les 150 000 Français d’Israël, nos compatriotes d’Italie, où je me rends très fréquemment, de Grèce, de Turquie… Toutefois, vous l’avez compris, je reste plus que jamais attaché à promouvoir l’amitié entre la France et Israël. Même s’il reste évidemment beaucoup à faire, la tendance est positive. Pour cela, il faut édifier des ponts et que les politiques découvrent Israël dans toute sa vérité : une démocratie, qui tout en étant un Etat très puissant sur le plan militaire, partage nos valeurs humanistes, protège ses Chrétiens et est en première ligne contre le djihadisme. J’ai accompagné et parfois initié la venue de dizaines de parlementaires en Israël, parmi lesquels Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, la commission Fénech, Christian Estrosi, Eric Ciotti ou Gérard Larcher. Aujourd’hui, aucun doute qu’Israël compte de plus en plus d’amis fidèles à l’Assemblée nationale. Beaucoup de collègues, députés ou sénateurs, viennent me voir pour me dire que leur vision a changé sur Israël et sur la résolution du conflit.

Tribune juive : Meyer Habib, le 29 janvier 2014, à la suite de l’affaire Dieudonné et la prolifération des quenelles, vous avez déposé, avec plusieurs députés UDI, Jean-Louis Borloo notamment, une proposition de loi visant à requalifier les infractions d’incitation à la haine raciale en délit, afin de rendre la sanction plus dissuasive. Où cela en est-il ?

Meyer Habib : L’affaire Dieudonné, avec la multiplication des quenelles, les sketches et jeux de mots nauséabonds comme Shoahnanas, était un phénomène très inquiétant. C’était le reflet de la banalisation de ce nouvel antisémitisme, mélange d’antisionisme, de négationnisme et de conspirationnisme, sous une forme particulièrement vicieuse d’incitation à la haine raciale, qui se dissimulait derrière l’humour et la liberté d’expression.

S’agissant de la quenelle, ce n’était ni plus ni moins que le nouveau salut nazi et un geste à connotation antisémite évidente. Il fallait légiférer et cette proposition de loi a été cosignée par de nombreux députés de l’UDI.

Toutefois, avec l’interdiction de plusieurs spectacles de Dieudonné, l’enchaînement des condamnations en justice, la mise en cause de nombreux auteurs de photos de quenelles sur Internet, le phénomène a été momentanément neutralisé… Aussi, la proposition a été renvoyée en commission.

Il faut toutefois rester très vigilant. En avril 2015, j’ai alerté le Président de l’Assemblée nationale de la diffusion sur la dieudosphère d’une photo de deux adolescents arborant une quenelle dans l’Hémicycle. Une plainte a immédiatement été déposée. Hélas le pseudo-humoriste antisémite a su exploiter une faille de notre législation pour échapper à une nouvelle condamnation…

Tribune juive : Meyer Habib, certains ont trouvé provocateur de parler hébreu à l’Assemblée nationale (« Le-chana ha-baa bi-Yirouchalaïm ») ou de porter une kippa dans les couloirs du palais Bourbon, avec votre collègue, le député LR Claude Goasguen. Que leur répondez-vous ?

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Meyer Habib : Je ne suis pas un provocateur. J’assume. L’Assemblée nationale est le siège de la démocratie française et j’estime qu’un débat démocratique authentique suppose de dépasser le langage technocratique ou le politiquement correct pour tenir un langage de vérité. Alors quand on parle d’une résolution de l’UNESCO qui nie les liens historiques entre le peuple juif et Jérusalem, je n’hésite pas à citer le Prophète Isaïe ou prononcer Le-chana ha-baa bi-Yirouchalaïm, formule magnifique, qui exprime mieux que toute autre la place qu’a occupée Jérusalem dans le cœur et les rêves d’Israël pendant deux mille ans d’exil. Un rêve devenu aujourd’hui réalité avec la création de l’Etat d’Israël et la libération de Jérusalem en 67, dont nous célébrons cette année le jubilé. De même, quand nous avons porté la kippa avec Claude Goasguen à l’intérieur du Palais Bourbon (et pas dans l’hémicycle !), il ne s’agissait pas de provoquer mais de susciter un sursaut républicain. Et nous avons réussi. La laïcité, principe à valeur constitutionnel, c’est la séparation de la religion et de l’Etat, le droit de croire ou de ne pas croire mais c’est aussi le droit d’exercer librement sa religion. Il faut rappeler le contexte : le 11 janvier 2016, un professeur juif avait été attaqué à coup de machette par un adolescent radicalisé parce qu’il portait la kippa dans la rue ! En France aujourd’hui le mot juif est devenu une insulte rentrée dans le langage courant. Il fallait une réaction vigoureuse car si un Juif ne peut plus porter la kippa dans l’espace public sans risquer d’être assassiné, c’est toute la République qui est en péril.

Un honnête homme vous disais-je ? Quelqu’un dont nous n’avons pas fini d’entendre parler ? Retenez son nom : comme il est indubitable qu’Israël sera notre phare dans la lutte contre l’islamisme, comme il est évident qu’il faudra bien admettre que là-bas résident les solutions les mieux adaptées pour combattre ce cancer, alors la femme que je suis, la citoyenne du monde, la française, et la Juive remercient Monsieur Israël pour la mission qu’il s’est fixée.

Une interview recueillie par Sarah Cattan

[1] Entretien paru in Questions internationales n° 28, Israël, novembre-décembre 2007.

[2] Interview qu’Eban a donné à l’hebdomadaire allemand Der Spiegel en 1969, dans laquelle il disait : « la carte de juin (1967) est pour nous synonyme d’insécurité et de danger. Je n’exagère pas quand je dis que c’est pour nous comme une mémoire d’Auschwitz. »

[3] TRACFIN, acronyme de « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins », est un organisme du ministère de l’Économie et des Finances, chargé de la lutte contre le blanchiment d’argent.

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9 Comments

  1. savoir rester fidele a ses engagements de jeunesse
    savoir etre sur tous les fronts sans craindre personne pour defendre en permanence dans les hautes spheres du monde politique sans trahir ses convictions profondes
    tout cela ,merite notre respect
    merci pour tout mr meyer habib

  2. Bravo pour ce bel article. Entretien qui démontre une fois encore le courage et la détermination de Mr Habib.
    Toutefois, continuer à soutenir Mr Fillon témoigne d’une abnégation et d’un aveuglement politiques, qui ne sont pas compatibles avec la victoire de la droite républicaine aux prochaines élections présidentielles.

  3. Cela dit, Meyer Habib est vraiment aimé ou détesté: je viens de me faire assassiner pour « Lui avoir servi la soupe  » et avoir fait « d’un maître cocher un homme d’Etat ». Je ne partage pas, par exemple, son Point de vue sur la paix. Mais je n’ai pas proposé un debat: j’ai juste recueilli ses propos. Il le mérite vraiment .

  4. Pour info, dans JSS News de ce jour:
    La dégringolade de l’euro face au shekel laisse prévoir un départ massif des retraités français d’Israël.
    « Lors de mes permanences parlementaires, tout comme dans les nombreux emails que je reçois, les français d’Israël – principalement les retraités, manifestent grandement leurs inquiétudes. Et elles sont tellement justifiées que j’en ai parlé, pour la énième fois, avec notre député, M. Meyer Habib ; il y a quelques jours.
    En 10 ans, le cour de l’Euro face au Shekel est passé de 1 EUR = 5,96 shekels (en 2007) à 1 EUR = 3,82 shekels (jeudi 2 mars après-midi).
    Le cours EUR/NIS ©http://www.xe.com/fr/currencycharts/?from=EUR&to=ILS&view=10Y
    En d’autres termes, un retraité français arrivé en Israël, avec une retraite de 2000 euro, est passé de 11.920 shekels de revenus il y a 10 ans à 7.640 shekels aujourd’hui. Pendant ce temps, les loyers et le coût de la vie en Israël (en général) n’ont fait qu’augmenter.
    Dès lors, comment survivre dans ce pays où il n’existe quasiment aucune aide, avec des revenus qui ne suffisent plus ? Pour beaucoup, la solution envisagée est la yérida, littéralement « la descente » vers la France.
    Malheureusement, il n’existe pas vraiment de solutions à ce problème financier et Jérusalem fait de son mieux pour faire retomber le cours du shekel (par exemple en rachetant des centaines de millions de dollars de devises étrangères). Mais la conjoncture et les probables crises politiques à venir en France et en Allemagne, ne vont pas rentrent les choses meilleures. Certains imaginent d’ailleurs un euro à 3,40 shekels d’ici un an.
    Meyer Habib m’a promis d’évoquer, encore une fois, le sujet avec Benjamin Netanyahu lors de leur prochaine entrevue. Mais il est peu probable que la situation ne s’améliore pour autant. Le seul espoir actuel concerne les élections françaises: est-ce que le prochain Président augmentera enfin (après plus de 5 ans) les retraites ? Et de quel pourcentage ?
    En attendant, il est important pour la communauté franco-israélienne de se serrer les coudes et d’aider nos parents, dans la mesure du possible ».
    Par Jonathan-Simon Sellem – JSSNews
    L’auteur est conseiller-consulaire

    • La phrase « Meyer Habib m’a promis d’évoquer…le sujet avec Benjamin Netanyahu… » est curieuse.
      Ce dernier n’est plus au pouvoir en Israël et ne le sera probablement jamais plus quelque soient les (aventureuses…) circonvolutions de la politique interne israélienne, notoirement instable.

      En aucun cas il n’est une solution au problème du coût de la vie en Israël en termes d’Euros (ou de dollars ou de n’importe quelle monnaie d’ailleurs).
      Ce problème est la conséquence de la spéculation monétaire internationale et des investissements étrangers, industriels et immobiliers, en Israël.
      C’est le prix que ce véritable « start-up nation » paie pour sa réussite économique, largement due au « high tech ».

      Le tout consubstantiel à la nature 100% capitaliste de l’économie israélienne, marché fonctionnant certes largement « à l’américaine ».
      SAUF que la « libre concurrence », argument (ou prétexte…) de moralité du système capitaliste, n’est pas au RDV en Israël vu que le pays est entre les mains de monopoles économiques.

      • Il est possible que Netanyahu ne revienne pas au pouvoir mais son parti et ses alliés sont déjà crédités de 60 sièges et la coalition de bric et de broc au pouvoir va disparaître . Le système économique israélien c’est le libéralisme c’est à dire le capitalisme, très efficace mais cruel. Le shekel est accroché au dollar et c’est l’euro qui en raison de la guerre en Ukraine est très faible . Vous avez raison sur les tendances aux oligopoles voire aux monopoles des acteurs de l’économie. Il faudra corriger rapidement.l’arrivée de Carrefour en Israël fera bcp de bien.

  5. Passionnant article ! Bravo de l’avoir réalisé.
    Il faudrait un homme de la trempe de Meyer Habib comme Président de la République Française.
    Sincèrement.

  6. l article sur meyer habib est tres interessant car il correspond a l actualite juive de nos jours et nous avons de la chance d avoir un MEYER hABIB AU PARLEMENT

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