Sarah Cattan : Chehhh ! Boulevard Macron

Boulevard Macron, c’est leur nouvelle adresse, aux Pierre Bergé et autres Cohn-Bendit et d’ailleurs à beaucoup de mes potes, dès l’annonce des résultats hier. Rapides comme le winner, qui eut l’inélégance de prendre la parole avant que Valls n’eût conclu.

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Nous pourrons gloser. Les chercher les mécanismes de ce qui ressemble à un de ces complots dont le PS a l’art, lorgner du côté de la start up, ou encore se faire mal en la regardant de plus près se réjouir, MLP.

Ce dimanche pour conjurer l’angoisse, on l’aura écouté, le meeting du mari de Pénélope, on aura applaudi de concert la savante mise en scène, on aura souri quand celui-là vous répéta que tout ça c’était la faute à Cruella ses ongles rouges et ses Louboutin, et puis heureusement quelques instants de grâce avec nos Experts.

chehhhhh

 

Les résultats tombèrent, Le Soir comme toujours annonçant avant tous des chiffres très fiables, et puis Marwan parla. Marwan tweeta. Et il ne vous épargna même pas, Mohamed Sifaoui, vous qui vous étiez dévoué-dévoyé pour salir Georges Bensoussan. Vous n’étiez pas seul sur la photo : Malek Boutih, Caroline Fourest, Manuel Valls, et Elisabeth Badinter étaient convoqués, devant lesquels exultait Marwan Muhammad, menaçant à mots couverts : changez d’adresse, de nom… Et qu’on n’entende plus jamais parler de vous.

Et voilà. Quand la démocratie devient menaçante.

Alors tous s’interrogèrent sur le sens de ce chehhhhhhhhh dont les connaisseurs soulignèrent qu’il fallait le prononcer avec un long soupir de satisfaction.

JE TE DIS CHEH SI TU TE FAIS TÈJE

Ce type est une honte pour la démocratie, écrivirent de concert ceux qui savaient et les autres qui ouvrirent des dictionnaires:

cheh [ʃɛ] interjection.

Ce dit à une personne lorsqu’on se réjouit du malheur qu’il lui arrive du fait qu’elle le mérite. Bien fait !

On s’aperçut alors qu’il y avait deux façons de le lire, le chehhhh de Marwan, et certains citèrent le dico :

T’as voulu faire le mec qui break genre tu gères | Tu t’es cassé le cou maintenant tout le monde crie « cheh ! » (Sexion d’Assaut, « Tu t’es ficha », Le Renouveau, 2008).

Tu fais ton petit chef, petit chbeb, j’te dis cheh, si tu t’fais tèje (Sniper, « Fadela », À toute épreuve, 2011).

Tu t’es fait baiser par ton frère ça sent l’inceste | Cheh ! T’as bien compris, faut rien attendre d’un mec (Black Kent, « The Good Die Young Remix », K(e)nt = MC2, 2011).

Mais encore ?

Etymologie. De l’arabe maghrébin : cheh ! « bien fait ! ». Le Dictionnaire de la Zone. Tout l’argot des banlieues. © 2000 – 2017

Ah oui mais alors ce n’est pas un bienfait comme vous l’affirmiez ! C’est très différent ! demanda celui qui voulait vraiment comprendre. On lui expliqua que lorsque c’était employé dans les quartiers c’était vraiment dit dans l’humour du clash, en taquinerie si vous préférez.

Bizarrement tous ne furent pas convaincus : Ah oui d’accord, il est taquin … humm, et bien j’ai des doutes voyez-vous, j’ai des doutes…

 Alors ça commença à s’empoigner, du style le premier qui l’a dit sauf que là, le premier qui l’avait dit c’était Mohamed Marwan, mais ça, ça ne les intéressait pas, les pro du chehhhhhhh : moi je ne parlais pas de Mohamed Marwan, d’ailleurs personne ne parle de Mohamed Marwan ici ! Allez bonne nuit !

 

D’autres continuèrent à s’empoigner sur la langue. Ce devaient être les lettrés du web, ou encore ceux pour qui ce chehhhhh décidément ne passait pas. Il leur fallut répondre à ceux qui ne voulaient pas en démordre : vous connaissez pas la langue et vous interprétez très mal. C est du punchline et en aucun cas une menace. Il a été lui même attaque personnellement avec des tags insultants sur son mur de sa maison. Il dénonce à longueur de journée les actes islamophibes dans les mosquées tête de cochons et autres actes de violence et de dégradations. Sic.

LA CULTURE DU CLASH URBAIN

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Le ton monta : Mais de qui vous moquez vous ? :  » Puisque pour pouvoir ressentir de la honte, encore faut-il avoir un honneur […] Disparaissez de nos écran, allez à la recherche de la honte SIC Selon vous ces propos haineux ne relèveraient pas du registre de l’injure ?

Eh ben Yamina répondit que non : Bah non avec la culture du clash urbain, ce n’est pas considéré comme de l’injure. Elle l’a, le décodeur, Yamina, ou alors elle serait de parti pris ? Non ! Si ?

Le ton monta, vous dis-je : Mais voyons donc c’est comme les tournantes qui ne sont pas supposée être un viol …Orwel l’a rêvé Marwan Muhammad l’a fait …

Les philosophes arrivèrent à la rescousse et interpellèrent Djamel : Frek Punchline, phrase choc, donc. Effectivement c’est très choquant… Très réussi vraiment et le « punchline » ne peut être une menace ? C’est vrai que s’il a été attaqué, cela peut rendre nerveux, voir agressif. Mais je ne vais pas changer d’a…Voir plus

Yamina ne lâcha pas l’affaire et demanda si on connaissait les « ta mère » ? Quelqu’un lui expliqua patiemment qu’une violence, s’inscrirait-elle dans un registre métaphorique, ne changerait pas pour autant de nature et conseilla même pour plus d’infos la lecture de ce classique Metaphors We Live By[1] : The now-classic Metaphors We Live By changed our understanding of metaphor and its role in language… mais Yamina elle répondit qu’on n’était pas habitués, que c’était culturellement urbain, bref circulez y a rien à voir.

Xavier Martin-Dupont ne voulut pas lâcher l’affaire et lui répondit qu’elle oubliait un point essentiel de ce jeu de langage, Yamina, à savoir que l’on ne se chambre qu’entre égaux ou entre pair. Hors de cet entre soi cela ne peut fonctionner selon les modalités que vous décrivez et là où vous voyez une simple volonté de « casser » je vois une menace. Et d’expliquer que le Marwan, là, il s’adressait à des opposants politiques qu’il avait déjà tracés.

Evidemment, quelqu’un s’en mêla pour dire que cette sociolinguistique pour ta mère faisait furieusement penser à cette députée tunisienne dont nous avons parlé ici-même.

Un autre arriva à l’autre aspect de l’affaire, le coté changez d’adresse et de nom, dans lequel il vit une formule amicale qui montrait un souci aussi de faire la promo du tourisme. Le ton changea car on commençait à lire des choses étonnantes sur les menaces et injures à géométrie variable, et évidemment fut alors convoquée la sociologue amie du CCIF qui, au procès de Bensoussan, avait doctement expliqué que des propos antisémites tenus par des Arabo-musulmans devaient être historicisés et donc non considérés comme des injures. Certains nous prennent pour des quiches et ça commence à bien faire s’emporta celui-là : Change d’adresse change de nom c’est de la taquinerie ?? Les nouveaux linguistes vont nous apprendre qu’en « milieu urbain » les mots changent de sens. Puisque la « vanne » permet de menacer, de blesser, d’insulter mais c’est « pour du beurre ». Et il va falloir qu’on soit d’accord là-dessus sinon on entendra « tu peux pas comprendre c’est culturellement urbain »?? Et d’aucuns essayèrent encore d’expliquer à Yamina qu’elles étaient flippantes ses taquineries : Ce post est véritablement une menace en dehors de ses allocutions « arabes ». Votre complaisance est gênante, et un autre ajouta que c’était comme pour le Coran aussi, on pouvait pas comprendre, on ne parlait pas arabe…

Devinez qui arriva alors ? Eh bien oui, bien sûr, celui qui nous expliqua doctement que fallait pas les enfermer dans les quartiers pendant plus de 40 ans, et les laisser développer ce que vous fait horreur, ce sont vos générations qui n’ont rien foutu sur ce milieu, vous vous réveillez tardivement en 2017. Bref c’était parti pour le cours de caté, et il y eux débat aussi sur la culture urbaine, appréciée dans votre milieu bourgeois également, on en fait des films, des chansons, des livres, des poésies etc…

RIEN DE BIEN MÉCHANT, ENCORE QUE

Mais rien à faire, le ton était monté : Yamina s’il est vrai que c’est un connard de première qui prend les musulmans pour des idiots en leur faisant payer une formation d’autodéfense intellectuelle 35 € la séance, il est absolument exagéré de l’accuser de menacer des familles, et des proches.

Tout le monde ou presque tomba d’accord : il y avait menace. Mais. Mais était-elle explicite. Et d’ailleurs cela ne ressemblait-il pas à de la désignation de cibles.

Alors c’était reparti : Si vous vous concentrez sur le « cheh », il n’y a rien de bien méchant. Encore que… Cette façon nerveuse de le prolonger n’est pas anodine. Mais bon, l’essentiel est ailleurs et vous semblez ne pas vouloir le voir. Sur ce, je vais dormir. Faites de beaux rêves.

Là, Yamina consentit : Quand quelqu’un tombe, lui dire cheh c’est se  » foutre de sa gueule » en disant bien fait tralala tralala, et si le cheh est prolongé c’est le tralala qui est multiplié.

Là où certains voyaient du jeu, beaucoup virent de la menace, et violente même, et plaignirent les musulmans qui se croyaient représentés par cet homme indigne et son organisation. On conclut tout de même qu’il y avait derrière ce tralalère j’ai gagné quelque peu puéril quand on s’adresse à l’ex premier ministre de notre pays, un sous entendu fatwesque évident et terrifiant, déjà utilisé par le gagnant de la primaire quand il a désigné les combattants laïques.

Islam, religion de paix et d’amour, disait l’autre.

Une plainte serait-elle portée ? Et par qui ? De toutes façons Valls s’était fait jarter (ça c’était pour ouvrir une autre discussion sémantique), moi comme plein d’autres j’avais une peine infinie et voilà que la liste des réjouis et leur manière de se réjouir faisaient de surcroît un peu froid dans le dos quand même. Parce que, pour apprécier l’humour du président d’un truc qui avait considéré l’assaut à Saint Denis pour déloger les ordures du 13 novembre comme étant un acte islamophobe, il fallait avoir une sacrée disposition d’esprit, et moi, je ne l’avais pas. Marwan machin ne faisait-il que compter ses troupes potentielles ? Moi je me souvenais l’avoir découvert avec stupeur invité ce samedi, 45 minutes, par Raphaël Enthoven sur Europe1 ! Marwan Muhammad quand même !

TOUT EST PARDONNÉ

J’ai quand même appris un truc : si vous vous accrochez trop avec un ami sur les réseaux sociaux, eh bien vous savez quoi ? Il peut vous unfriender et alors là, vous ne pouvez pas savoir le nombre d’amis de gauche qui vous unfriendent.

Et puis le pire, c’est que Marwan, il n’était pas seul hier : le fondateur de l’association interreligieuse Coexister se fendit, lui, d’un parallèle au goût douteux, postant une photo de Valls et Malek Boutih légendée : Tout est pardonné.

N’est-elle pas particulière, cette culture qui consiste à assimiler défaite électorale et humiliation, méconnaissant totalement ce qu’est un processus démocratique, cette culture qui fait sienne cette obsession de la face, de l’honneur, au travers du concept humiliation.

Sarah Cattan

[1] Press.Uchicago.edu

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7 Comments

  1. Le « Chehhh » persiflé est une menace, pour y avoir été exposé en tant qu’enseignant, membre associatif ou tout simplement résident citoyen de banlieue.
    La notion de clan, de tribu, de famille et sa logique interne de personnalisation, de jalousie, de haine a envahi notre espace politique.
    Le « dégagisme » est le pendant du « chehhh »: »dégagisme » formulé vulgairement dimanche soir par la porte parole du parti des insoumis.
    On n’arrête pas les progrès du syncrétisme!

  2. Remarque de Laurent Bouvet, journaliste:
    Forte baisse des actes antimusulmans en France l’année dernière.
    Mais… évidemment, pour le directeur du CCIF, Marwan Muhammad, forte augmentation de « l’islamophobie ».
    « A l’occasion de la publication de leur rapport annuel, les dirigeants du CCIF ont toutefois de nouveau accusé l’Etat et les pouvoirs publics de participer, par leur action, à la diffusion de l’islamophobie. […] Le directeur du CCIF a ainsi accusé « les critères très subjectifs » qui auraient selon lui motivé des perquisitions, des gardes à vue et des interdictions de sortie du territoire, d’avoir contribué à accréditer l’idée que « le problème sécuritaire est un problème musulman ». […] Il a en outre estimé que les discriminations dans les services publics, souvent liées au port de signes religieux comme le voile, ne se produisent que parce qu’il y a « une validation hiérarchique de la posture d’exclusion », comme cela a été le cas, selon lui, lors des arrêtés anti-burkini de l’été, « validés notamment par le premier ministre » Manuel Valls. « S’agit-il d’un racisme d’Etat, d’une islamophobie d’Etat ? Nous laissons aux analystes le soin de juger. La puissance publique valide, encourage la posture de l’islamophobie », a-t-il ajouté. »
    Ben voyons!

  3. Vous souvenez-vous de l’assaut donné à Saint Denis pour déloger les terroristes du 13 novembre, hébergés par Jawad? Eh bien Marwan Muhammad y avait vu … un acte islamophobe.

    • Et un C,nqui est retourné comme le croissant de l’islam.
      Oui, je vous retourne la question: Qui a la certitude pour dire que dans dix ou vingt ans, la France ne sera pas islamisée ?
      Les petrodollards du golfe achètent à tout va les consciences de nos élus.
      Sinon comment expliquer que la porte soit si grande ouverte aux thèses islamistes.

  4. Vraiment? Vous ne la voyez pas la menace contenue dans le tweet? La joie mauvaise du … Gagnant. Qui a gagné? Hamon ou bien le CCIF? Vous ne la voyez toujours pas, la confusion des genres? Vous ne voyez vraiment pas que cet avertissement « changez de nom changez d’adresse » pourrait relever de la justice. Si la justice s’occupait de faire se taire cette parole haineuse et son projet funeste? La Conférence d’Hani Ramadan suspendue? C’est grâce aux pétitions et au courage de certains qui traquent tout ça,j alors que ç’aurait pu/dû être la noble mission de la justice.
    Chehhhh? Vous n’avez pas compris. moi non plus au départ. Sauf que j’écris avec d’autres pour qu’un jour ce ne soit pas ainsi que nous parlions, en France. Cordialement, Sarah

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