Intrigues, corruption et rébellion populaire, quels sont les véritables dessous de la Fête des Lumières ? Sans déflorer le récit que nous aimons tous, voici quelques mises au point historiques du Département d’Archéologie et des anciennes Cultures orientales de l’Université de Tel-Aviv, à la veille de l’allumage des dernières bougies de Hanoucca.
«Tout a commencé vers 160 avant notre ère», raconte Naama Walzer, qui rédige son mémoire de maîtrise sur l’âge du bronze dans la Shfelah sous la direction du Prof. Israël Finkelstein. «Lors de la montée au pouvoir d’Antiochos Epiphane, Jason, frère du Grand prêtre de Jérusalem, lui promet un pot-de-vin ainsi qu’une augmentation de la taxe annuelle payée par la Judée à l’Empire séleucide pour obtenir le poste convoité de son frère, qui comportait pouvoir et autorité ».
Les « anciens » contre les « modernes »
Jason devient donc Grand Prêtre et tente d’ouvrir Jérusalem au reste du monde grec. Les villes de la Méditerranée se caractérisaient alors par des relations basées sur le commerce, la culture, l’éducation et les divertissements. Dans tout le bassin de la Méditerranée orientale, les religions et les cultures antérieures à la conquête grecque continuent de coexister avec le nouveau monde culturel dominant. Jason pensait que le judaïsme devait suivre le même chemin. Aussi transforma-t-il Jérusalem en polis de type grec.
Mais ses tentatives d’hellénisation sont mal acceptées par les diverses factions de Judée. Cependant, il est supplanté à son tour par Ménélas, qui profite d’une mission auprès d’Antiochos pour se faire nommer à sa place. « Le gouvernement du petit royaume de Jérusalem continue d’être instable » explique Naama Walzer. « Son contrôle passe de mains en mains avec beaucoup d’interférences extérieures et une utilisation constante des trésors du Temple pour promouvoir les ambitions politiques ».
Antiochos, qui doit faire face à des problèmes constants pour protéger son empire, perd patience face au chaos régnant dans la petite ville de Jérusalem. Il y envoie les troupes grecques, pille le temple et institue de nouvelles lois qui rendent impossible la pratique du culte juif.
De la rébellion des Maccabées au royaume des Hasmonéens
L’invasion physique et culturelle du monde grec en Judée, avec notamment les jeux du gymnase (auxquels participaient les Juifs), avait provoqué de plus en plus de conflits entre les « modernes » qui étaient ouverts à la culture grecque et à l’adoption de comportements compatibles selon eux avec la torah, et les traditionalistes qui voulaient préserver leurs coutumes et poursuivre le mode de vie de leurs ancêtres. Les lois d’Antiochos ajoutèrent de l’huile sur ce feu et provoquèrent l’explosion.
La rébellion contre les lois séleucides ne vint pourtant pas de la capitale, mais de la campagne. Une famille juive, menée par Juda Macchabée, réussit à déjouer l’armée séleucide par une tactique de guérilla. Les troupes envoyées par Antiochos sont successivement battues. Juda Macchabée s’empare de Jérusalem, purifie le Temple et y restaure le culte juif. Après sa mort, la dynastie hasmonéenne continuera de régner dans la ville, non plus au moyen de Grands prêtres, comme ce fut le cas jusque-là, mais par des rois dans un royaume autonome détaché de la Grèce.
Comment les archéologues connaissent-ils les détails de cette histoire? «De manière intéressante, nos connaissances sur la rébellion n’ont pas été préservée dans des sources juives, mais à travers les livres des Maccabées et les lettres de Flavius Josèphe. Les livres des Maccabées n’ont pas été inclus dans le canon juif, mis en place au cours du premier siècle après JC. Il est possible que les sages juifs (Hazal), n’aient pas voulu conserver le souvenir de cette rébellion à cause d’un événement plus tardif, la révolte de Bar Kokhba, qui elle, fut réprimée par les Romains et provoqua la ruine de Jérusalem. Il est possible que Hazal, par leur décision, ait tenté d’empêcher une autre rébellion juive armée contre une présence étrangère en Israël ».
Corruption, conflits politiques internes et combat pour de la liberté, tels sont donc les maitres mots derrière la fête des lumières et de la bravoure parvenue jusqu’à nous.
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