On avait lu et entendu partout que le climat se tendait à l’approche du premier débat télévisé au cours duquel sept candidats allaient s’affronter dans la primaire de la droite. Ames sensibles, s’abstenir titrait même un hebdo qui prévoyait des petits meurtres entre amis. Il fit un carton d’audience, ce débat, attirant, avec ses 5,6 millions de téléspectateurs, plus que ne fit le débat de la Primaire socialiste. Ne soyons pas médisants en supposant que beaucoup espéraient la baston.
Intitulé La primaire : le début, le débat fut organisé dans les studios de La Plaine Saint-Denis, sur un plateau directement inspiré de celui que Fox News créa pour le débat des républicains en aout 2015. Trois modérateurs que la Directrice de Causeur appela dans une juste métaphore les montreurs d’ours géraient l’affaire. De leur propre aveu, ils étaient là pour tenir la classe et éviter les débordements. Au menu de ce soir, emploi, immigration, économie et lutte contre le terrorisme, chacun des sept comparses disposant d’une quinzaine de minutes, bien moins que dans une matinale chez Bourdin.
Ils s’étaient donc tous préparés. On put lire par exemple que les uns s’adonnèrent classiquement aux jeux de rôles et autres questions-réponses et que Jean-François Copé se serait concentré sur sa prise de parole lors de la minute introductive, celle qui donnerait, dit-il, le ton du débat et qui obligerait les autres à se situer par rapport à son intervention. Enfin, si François Fillon avoua se préparer au débat depuis juillet, Nicolas Sarkozy avait prévu, d’après Le Parisien, de faire du jogging le 12 et le 13 octobre pour se mettre en condition, mais France Info affirme qu’il planchait depuis la mi-septembre. Allez savoir.
En tout cas, ils avaient tous été briefés et devaient regarder la caméra, ce que firent les plus jeunes mais dont se moquèrent les vieux de la vieille, rompus à l’exercice. On avait dû demander à NKM de faire des gestes pour être naturelle, je ne crois pas qu’on ait conseillé à François Fillon de nous remonter le moral car il usa des métaphores les plus sinistres, parlant d’électroencéphalogramme plat pour décrire l’état de notre économie. On avait dû en tout cas leur seriner à chacun de répéter à loisir son slogan sa marque de fabrique, alors on entendit abondamment parler d’audace, de renouveau et de droite décomplexée. C’est le jeu.
Adversaires ou concurrents, ils affirmèrent tous en préambule se rallier au vainqueur de la dite Primaire. On avait du mal à y croire. Même si un engagement public, ça vous lie.
NKM, LA JUMELLE DE MACRON
Au début, tout se passa de la façon la plus lisse et ceux qui espéraient la baston durent décrocher, lassés de l’extrême courtoisie qui régna pendant une première heure. C’est qu’il était technique et soporifique, ce débat pourtant axé sur des thématiques économiques. Tant il est vrai qu’au bout d’un moment en effet, on s’y perdait et on ne savait plus qui voulait quoi. Qu’il s’agît de la demi-part pour les veuves, des 35 heures ou du nombre de fonctionnaires à réduire.
Concernant le chômage, alors que l’un promit de lutter contre ce fléau et l’autre proposa la privatisation de Pôle emploi et la suppression des emplois aidés, NKM, la jumelle de Macron, insistait à raison sur l’émergence du travail indépendant. Et Fillon mettait le paquet sur la baisse des charges tandis que Juppé misait sur le plein emploi.
Certes, ils étaient tous contre Hollande, contre la gauche et contre le chômage. Et ils étaient tous d’accord pour supprimer l’ISF.
VENANT DE COPÉ C’ÉTAIT PRESQUE DRÔLE
Et puis ce fut la pause. Les 3 journalistes racontèrent que Poisson, soutenu par Christine Boutin, alla s’en griller une alors que tous les autres furent illico pris en main par leur staff respectif. Exactement comme sur un ring de boxe. Comme s’ils savaient qu’il allait y en avoir, de la boxe. Et il y en eut. Foin des Cher François Fillon et des vouvoiements de la première partie. C’est que, lorsqu’on passa aux questions sur la laïcité, la sécurité et le terrorisme, les sept candidats s’interpelèrent par leur prénom et se tutoyèrent, oublieux du cadre et se pensant en bureau politique. Et on en eut de la politique, de la vraie, par exemple dès que le débat aborda la question de l’exemplarité. Ce fut Bruno Le Maire qui dégaina le premier, en la définissant comme une condition préalable à toute prétention à exercer des responsabilités. Et s’il précisa qu’il ne s’adressait à personne en particulier, Alain Juppé lui répondit vertement qu’il tenait son casier judiciaire à sa disposition : Je me suis représenté au suffrage des Français depuis, j’ai perdu deux fois et j’ai gagné trois fois. S’ils estiment que ma faute me disqualifie ils ne m’éliront pas, balaya-t-il, faisant référence à sa condamnation en 2004. Et c’était parti. Interrogé sur l’attaque de François Fillon à son égard, vous savez, « Qui imagine De Gaulle mis en examen », Sarkozy répondit que ce n’étaient pas là des déclarations qui honoraient ceux qui les avaient prononcées mais Copé enfonça le clou en affirmant que s’il avait été mis en examen, lui, eh bien il ne se serait pas porté candidat, compte tenu du rapport qu’il estimait majeur entre un président et les Français. Bien sûr. Venant de Copé c’était presque drôle si ça n’avait été indécent. Bon, c’était presque marrant mais déjà qu’on venait de découvrir les bonnes pages du bouquin de Hollande, vous savez, Un président ne devrait pas dire ça…
Alors arriva le moment où on allait causer sécurité et terrorisme. Là, vous et moi, on était en droit de s’attendre à ce que le débat prenne un tour politique. C’est que les temps sont graves. Eh bien non. On ne le reconnaît toujours pas, notre homme providentiel. Celui qui nous aurait montré où il proposait d’emmener la Nation. L’un se déclara favorable à une justice d’exception en la matière et affirma qu’il expulserait s’il est élu tous les fichiers S étrangers, l’autre n’était pas hostile à la rétention des fichiers S les plus dangereux à certaines conditions et un troisième voulait mettre hors-la-loi le salafisme.
Quand vint le moment d’aborder la laïcité, ce fut la débandade, l’ex Président taclant un Jean-François Copé qui s’y voyait déjà et revendiquait la paternité de la loi sur l’interdiction du voile intégral. Sarkozy envoya alors dans les cordes celui auquel il voue une haine éternelle : La loi sur la burqa, ce n’est pas toi qui l’as imposée. Tu étais bien incapable d’imposer quoi que ce soit au président ou au premier ministre. La honte. Pour Copé mais aussi pour Sarkozy qui venait d’expliquer aux lecteurs du Parisien Vous avez vu comme je suis calme maintenant ? Un vrai toutou.
Et puis vous en aviez un autre qui disait à son adversaire ah oui tu veux interdire la burka mais le cannabis tu veux le dépénaliser hein c’est écrit dans ton programme à la page 899 !
L’IDENTITÉ RÉPUBLICAINE
Je ne sais pas comment elle fit mais NKM arriva à placer qu’elle imposerait une taxe sur le halal. On parla alors immigration. Les voilà qui s’empoignent inévitablement à présent sur l’identité et même celle que Juppé appelle l’identité heureuse, eh bien Le Maire dit que ça enferme, contrairement à la culture alors NKM imagine une troisième voie entre l’identité heureuse et l’identité gauloise. Euh… Ça s’appellerait l’identité républicaine.
Voilà. Il fallait conclure. On nous donna du Candidat du renouveau, du Candidat du rassemblement d’une France optimiste où il ferait bon vivre, et NKM y alla fort et balança tout de go que le recyclage, ça marchait pour les déchets, pas pour les idées.
Le tirage au sort permit à Alain Juppé de conclure: Nous nous connaissons depuis longtemps vous et moi. Les plus jeunes me découvrent avec mes réussites et mes cicatrices. Vous avez compris ce soir que je suis prêt, déterminé. Alors faisons-nous confiance. Je veux vous conduire sur le chemin de l’espérance d’une France puissante qui crée des emplois. Une France fière aussi de ses valeurs, de sa culture. Une France qui pèse en Europe et dans le monde. Et enfin, une France optimiste. Oui, optimiste puisque si nous faisons les grands changements nécessaires, la France redeviendra ce pays où il fait bon vivre.
C’EST BIEN LUI LE BOSS
Fin du premier débat. Les sondages Kantar Sofres donnèrent un Juppé en première position suivi d’un Sarkozy, ce qui n’empêcha pas Le Figaro de titrer : Nicolas Sarkozy, c’est bien lui le boss. Le seul qui captive. C’est bien lui le boss malgré un débat assez barbant. L’ex-président est l’homme de la situation. Sans doute parce que l’ex Président se demanda jusqu’où le président actuel allait salir et détruire la fonction présidentielle, étrillant ses propos sur sans-dents, les sportifs décérébrés et la lâcheté des magistrats. Du pain béni.
Après le débat, je suis tombée, sur les réseaux sociaux, sur une conversation à l’initiative d’un internaute israélien qui nous demandait qui serait le meilleur pour Israel. Si pour certains Sarkozy serait le moins pire, lui qui aurait déclaré que défendre Israel était le combat de sa vie, d’autres rappelèrent qu’il avait facilité l’entrée des Palestiniens à l’Unesco. Des internautes jugèrent que la plus pro-israélienne était NKM, beaucoup estimèrent que Juppé n’était pas très clair sur la question et Le Maire s’en sortit avec le bénéfice du doute. Ah oui ! Imaginez-vous que certains estimèrent que Marine Le Pen, a priori suspectée d’antisémitisme compte tenu de son sinistre héritage, mettrait un point d’honneur à mettre en œuvre une politique destinée à protéger les juifs en France et que vraisemblablement elle ferait en sorte d’entretenir avec Israël des relations, sinon chaleureuses, au moins respectueuses et sans doute favorables. Ceux-là oublièrent que le fonds de commerce de MLP était antisémite, que son mentor, Philippot, était un pro Iranien fasciné par les dictatures arabes et par tout ce qui était anti-Israel.
0,7% DE L’ÉLECTORAT
On convint alors qu’aucun des 7 candidats n’avait intérêt à soutenir Israël dans la mesure où le vote juif était démographiquement insignifiant – 0,7% de l’électorat – face à un électorat arabe pro-palestinien à 10 à 15%, et que la seule question qui se posait était de savoir qui, du Qatar, de l’Arabie Saoudite de la Russie ou de l’Iran tenait le carnet de chèques, que le vote arabo-musulman avait atteint un tel poids qu’un candidat favorablement disposé envers Israel serait bien fou d’en faire état, et qu’en l’état les seuls qui n’avaient pas formulé de critiques féroces vis à vis d’Israël étaient les quatre qui n’avaient pas été en position de le faire au sein d’un gouvernement, donc NKM, Poisson, Copé et Le Maire, mais qu’ils quémanderaient tôt ou tard l’argent du Qatar pour leurs campagnes et puis dans la foulée les voix communautaires dans les banlieues pour être élus.
Voilà. Je ne voulais pas vous saper le moral mais ça me paraît tellement vrai. Alors pour vous faire sourire, je vais vous raconter que Juppé retrouva ses supporters dans un bar parisien où il but une bière face caméra, et que le rédac chef de Society, interrogé sur le style, nous apprit que Juppé portait une cravate de chez Thuillier, fournisseur de Giscard et Mitterand, bleu nuit en grenadine de soie, 90€, que Bruno Le Maire était habillé par Cifonelli qui lui avait consenti un rabais de 1000€ sur un costume à 3000, alors que François Fillon avait choisi d’être habillé par la maison Arnys, pour le modeste prix de à 6000€.
Sarah Cattan
Bien vu, que dire de plus si ce n’est un désarroi consenti?
Merci Sarah comme d’habitude!
Bien vu pour le premier débat ….mais !!
attendons pour la baston celui de ce soir (03/11),
dit le deuxième » décisif ».. Bonne écoute et bonne réflexion