Les médias allemands ont pu se procurer des échanges, via messagerie instantanée, entre des terroristes et leur contact au sein de l’organisation État islamique jusqu’au moment du passage à l’acte.
« Ne le fais pas avec un couteau, utilise plutôt une hache », « Force le passage à travers la police, cours et fais toi exploser ». Ces deux exemples, rapportés par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitungmercredi 14 septembre, illustrent à quel point certains auteurs d’attentats terroristes en Allemagne étaient « téléguidés » jusqu’au dernier moment par des instructeurs à distance via des services de messagerie instantanée sur smartphone.
La police bavaroise travaille depuis les attentats de juillet (dans un train à Würzburg et un restaurant de la ville d’Ansbach) sur une hypothèse de « coachs » à distance pour terroristes qui « inquiète les autorités », affirme le Süddeutsche Zeitung. Selon cette piste, le mouvement terroriste État islamique (EI) chercherait activement sur les réseaux sociaux des Allemands susceptibles de commettre des attentats. Puis il entrerait en contact avec eux et, si le candidat se montre réceptif, le remettrait entre les mains d’un instructeur qui le prépare parfois pendant des mois. Cet instructeur guide son arme humaine depuis le choix des cibles et du mode opératoire jusqu’au passage à l’acte.
Le Süddeutsche Zeitung a pu consulter des discussions sur des services de messagerie instantanée entre deux terroristes qui ont agi sur le sol allemand et leur contact au sein de l’EI.
« Tu devrais utiliser une voiture »
Le 18 juillet, Riaz K. A., un jeune réfugié de 17 ans, a agressé à la hache les passagers d’un train à Würzburg, une ville bavaroise, et a blessé cinq passagers. Son acte avait été préparé bien à l’avance. Juste avant d’agir, il en discutait encore avec son « coach » de l’EI.
Voici un extrait de la conversation quelques heures avant l’attaque :
– Interlocuteur : « Avec quelle arme vas-tu les tuer ? »
– Riaz K. A. : « J’ai préparé un couteau et une hache. »
– Interlocuteur : « Mon frère, est-ce que ce ne serait pas mieux de le faire avec une voiture ? »
– Riaz K. A. : « Je ne sais pas conduire. »
– Interlocuteur : « Tu devrais apprendre. »
– Riaz K. A. : « Ça coûte de l’argent ! »
– Interlocuteur : « Mais les dégâts seraient bien plus importants. »
– Riaz K. A. : « Je veux rejoindre le paradis dès ce soir. »
À 18 h 34, le 18 juillet, peu avant avec l’attaque :
– Interlocuteur : « N’utilise pas un couteau. Fais le avec la hache. L’État islamique revendiquera en son nom l’attentat quand tu l’auras fait. »
– Riaz K. A. : « J’envoie maintenant la vidéo de revendication. »
– Interlocuteur : « Fais le rapidement. »
– Riaz K. A. : « Prie pour que je devienne martyre. J’attends le train maintenant. »
Après être monté à bord, la discussion reprend :
– Riaz K. A. : « C’est parti. »
– Interlocuteur : « Tu vas maintenant entrer au paradis. »
« Mec, qu’est-ce qui t’arrive ? »
Le 24 juillet, le réfugié d’origine syrienne Mohammad D. a blessé 15 personnes en se faisant sauter devant un restaurant à Ansbach, en Bavière. Mais la discussion par « chat » avec son contact au sein de l’EI au moment du passage à l’acte prouve que tout ne s’est pas passé comme prévu.
– Mohammad D. : « L’endroit devrait être plein de monde. » [En référence au festival de musique Ansbach Open 2016 qui était la cible initiale de l’attentat, NDLR.]
– Interlocuteur : « Tue-les tous dans un grand espace dégagé, afin que leurs corps reposent par terre. »
– Mohammad D. : « La fête est bientôt finie, et il y un contrôle à l’entrée. »
– Interlocuteur : « Mêle-toi à la foule, force le passage à travers la police, cours et fais-le. »
– Mohammad D. : « Prie pour moi. Tu ne te rends pas compte ce qui est en train de se passer pour moi. »
– Interlocuteur : « Oublie la fête, va au restaurant. Mec, qu’est-ce qui t’arrive ? Je l’aurais fais, moi, même si ce n’était que pour tuer deux personnes. Aie confiance en Dieu, et cours vers le restaurant. »
La découverte de ses messages sur les téléphones des terroristes a entraîné la création d’une cellule d’enquête spéciale baptisée « Juli » (juillet), en référence au mois pendant lequel ont été commis les deux attentats en Allemagne. L’objectif de cette cellule est d’enquêter sur ce phénomène de « coachs » qui téléguident les terroristes. Elle collabore, selon le Süddeutsche Zeitung, avec « des éléments américains et saoudiens car deux interlocuteurs de ‘chat’ avaient un numéro de téléphone saoudien ou une adresse IP (identifiant d’un ordinateur sur Internet) saoudienne ».
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