En Israël, la plus grande usine du monde de dessalement d’eau de mer permet de donner à boire à 1,5 million de personnes. Un projet stratégique face à l’accroissement de la population.
Les marins de toutes les époques ont été confrontés au paradoxe: ne pas pouvoir utiliser l’élément principal de la mer pour assouvir leur premier besoin, s’hydrater. Mais l’hubris humaine a poussé les hommes à franchir cette énième limite dressée par la nature. Et nombre d’Icare de l’eau, sous la forme de stations de dessalement, sont nés pendant les dernières décennies dans les pays à la fois pauvres en eau douce et avancés technologiquement, où le réchauffement climatique rend le problème de la sécheresse de plus en plus brûlant.
La plus grande de ces usines se trouve depuis 2013 en Israël, où la capacité de donner à boire à une population qui ne cesse d’augmenter est un enjeu stratégique. Installée à 15 kilomètres au sud de Tel-Aviv, sur une surface de 10 hectares, Sorek peut traiter, au moyen de la technique de l’osmose inverse (SeaWater Reverse Osmosis, SWRO), 624.000 mètres cubes d’eau par jour, soit 150 millions de mètres cubes par an.
Un plan pour protéger la mer Morte
Sa construction, commencée en 2011, participe à la mise en oeuvre du plan de dessalement de l’eau de mer lancé en 2001 par le gouvernement israélien, afin de préserver le lac de Tibériade, principale ressource en eau douce du pays, et donc aussi la mer Morte qu’il alimente. La grande partie des sources d’eau douce étant concentrée dans le nord du pays, et l’urbanisation au long de la côte, le plan vise également à approvisionner plus rapidement les grandes villes – en trois heures, contre sept jours depuis le lac de Tibériade -, ainsi que la moitié méridionale du pays.
Les stations de dessalement d’Ashkelon, Palmachim, Hadera, Sorek, puis Ashdod fin 2015, ont donc l’une après l’autre vu le jour. De cette manière, en 2016, 75% de l’eau potable d’Israël devrait venir du dessalement de l’eau de mer, selon l’entreprise publique de l’eau Mekorot : à savoir 45 points de plus qu’en 2010. Sorek, à elle seule, en produit 20%, étanchant la soif de 1,5 million de gens.
Une importante consommation énergétique
Conçue et gérée par IDE Technologies, société multinationale d’ingénierie israélienne, Sorek doit faire face à deux défis principaux : la consommation d’énergie et la préservation de l’environnement.
En effet, pomper l’eau de la mer au large de la côte à travers des tuyaux longs de 2,5 kilomètres et larges de 2,6 mètres, puis la filtrer sous haute pression au moyen de membranes plastiques, coûte 10 fois plus que de traiter celle du lac de Tibériade. L’énergie consommée, pour l’instant fournie par le réseau électrique alimenté essentiellement au pétrole et au gaz naturel, représente notamment 50% des frais – le reste dépendant de la main-d’oeuvre et du coût de l’infrastructure.
Si la production reste rentable, c’est grâce à la taille de la station, aux solutions techniques choisies, à des astuces de gestion (produire la nuit quand l’électricité est moins chère), ainsi qu’à la baisse des prix du pétrole. Mais aussi en raison de l’engagement du gouvernement israélien qui, afin d’assurer la compétitivité de l’eau produite par dessalement, a accepté d’acheter l’eau venant de Sorek pendant vingt-cinq ans à un prix minimum indexé. À plus long terme, des solutions plus économiques et moins émettrices de gaz à effet de serre sont à l’étude, comme l’utilisation de l’énergie du soleil, qui, potentiellement, ne manque pas en Israël mais est encore sous-développée (2% seulement de l’électricité) : dans quatre ans, 4 gigawatts de panneaux solaires dédiés aux usines de dessalement devraient être développés.
Une convention internationale pour protéger l’écosystème marin
Reste l’impact du dessalement de l’eau de mer sur l’environnement, même au-delà de la question des émissions de gaz à effet de serre produites. De fait, le procédé est pointé du doigt par nombre d’études en raison de ses potentiels dommages à l’écosystème marin. Même si aucune substance chimique n’est, selon IDE Technologies, utilisée à Sorek, dans l’eau aspirée nagent de nombreuses espèces vivantes, et, à la sortie, la saumure dérivée du traitement est anormalement chaude et concentrée en sel et autres minéraux. Elle doit donc être diluée avant d’être rejetée en mer. Le gérant de Sorek assure se conformer au droit international, notamment à la convention signée à Barcelone en 1976 pour la protection de la Méditerranée.
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