La défense de l’Etat de droit : l’atout de Hollande contre Sarkozy et le FN

Sur BFMTV, Julien Dray a théorisé un affrontement à venir entre ceux qui veulent lutter contre le terrorisme en respectant l’Etat de droit et les partisans de l’Etat d’exception. L’occasion pour François Hollande de renouer avec toutes les gauches ?julien dray

Une semaine après l’attentat de Nice, quelque chose a changé. En profondeur. Pour la première fois depuis des mois, les lignes ont bougé. Il fallait écouter ce vendredi Julien Dray, baromètre des humeurs présidentielles sur BFMTV. Pourquoi Julien Dray ? Parce qu’il est souvent le premier testeur des intuitions de l’Elysée (le célèbre « Ça va mieux » avait été lancé par lui-même lors d’un passage à Europe 1, quelques jours avant que le président n’en fasse un slogan envahissant l’espace public).

Donc, Julien Dray a mis en garde sur le danger de tomber dans l’état d’exception : « A chaque fois qu’on a basculé dans l’état d’exception, la victime devient bourreau et c’est comme ça qu’on fabrique les pires terroristes », ajoutant : «le vrai enjeu face au terrorisme, c’est qu’ils veulent que nous changions, ils veulent que nous abandonnions la République. La vérité, c’est qu’on ne gagne pas contre le terrorisme par un Etat d’exception.»

Etat de droit versus Etat d’exception. Traduit en langage politique, cela signifie que Julien Dray envisage pour les mois à venir un affrontement politique entre les « Républicains » de souche historique, électeurs de toutes les gauches, du centre, de la droite encore gaullienne et les autres, les partisans de l’ordre pour l’ordre, de l’autorité pour l’autorité, qui se retrouvent désormais à pouvoir choisir entre le Front National de Marine Le Pen et Les Républicains de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez, David Douillet, Christian Estrosi…

La défense de l’Etat de droit, un axe de réunion des gauches ?

L’Etat de droit, c’est la double protection, contre les ennemis de la République et contre ceux qui veulent prétexte de toute forme de menace pour rogner les libertés offertes par la République. L’Etat d’exception, c’est la fin des libertés sous prétexte de lutter pour la liberté. L’alternative est aussi simple que cela.

Depuis des mois, ce n’est un secret pour personne, François Hollande s’échine à se poser en président protecteur, repreneur du fonds de commerce politique légué par François Mitterrand et porté par la marque « France unie », le tout repeint aux couleurs du « Ca va mieux ». Force est de constater que l’espace politique qui était le sien se resserrait, mois après mois, semaine après semaine, jour après jour. Les gauches s’éloignaient les unes des autres, Manuel Valls allant même jusqu’à théoriser l’existence de deux gauches irréconciliables. Face à cet écroulement de l’idée d’union à gauche, droite et extrême droite se préparaient à l’inéluctable second tour présidentiel devant les opposer en 2017, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé considérant que le prochain président de la République serait, de fait, désigné au soir du second tour de la Primaire LR de novembre prochain.

Sauf que ce qui s’est passé dans les jours qui ont suivi l’attentat de Nice a bouleversé cet équilibre politique qui paraissait intangible d’ici à mai 2017. En se laissant prendre au piège de la radicalisation droitière que leur impose la Primaire, les grandes figures de Les Républicains, aussitôt suivies, en pire, par leurs seconds couteaux, ont réussi à secouer la gauche mieux que le « Eh ! Oh ! la gauche ! » de Stéphane Le Foll.

Il ne faut pas sous-estimer la portée politique de l’affrontement qui a eu lieu, à l’Assemblée, entre Manuel Valls et Laurent Wauquiez, le second rappelant au premier que ce qu’il demandait, un Etat d’exception hors les Droits de l’Homme inclus dans une Constitution qui les protège de toute tentation post-pétainiste, produisait nécessairement des régimes en marche vers une certaine forme de totalitarisme. D’un coup, Manuel Valls a paru renouer avec les véritables forces de l’esprit de Clemenceau, abandonnant la défroque de Guy Mollet qu’il est souvent suspect de porter aux yeux des militants et sympathisants des gauches de la gauche. D’un coup, le clivage entre Républicains et identitaires, démocrates et autoritaires, gauche et droite est réapparu. Clivage multiple, protéiforme, mais réel. François Bayrou n’est pas de gauche, mais il est républicain et démocrate. Et ces derniers jours, il confesse à ceux qui le visitent combien le spectacle offert par Nicolas Sarkozy et les siens le désole et l’inquiète, répétant que si l’ancien président est le candidat désigné par la Primaire LR, il sera aussitôt candidat.

La droitisation de la droite, le fait qu’elle se présente désormais sur une ligne politique d’ultra-droite, qu’elle parait renouer avec les vieilles traditions autoritaires héritées du Boulangisme et de ses successeurs, tout cela offre à François Hollande l’occasion de se poser en protecteur de l’Etat de droit, contre tous ceux qui sont partisans de l’Etat d’exception. Plus que sur l’économie ou le social, ce terrain politique là est propice au déploiement de la stratégie « France unie ».

Face à la dérive droitière, une carte à jouer pour Hollande

Ici se présente le paradoxe Hollande. Au lendemain du 13 novembre, applaudi devant le Congrès, ayant contraint la droite à une certaine forme d’exigence d’unité nationale, il s’était retrouvé titulaire d’une cote de popularité qui s’est avérée, au bout du compte, trompeuse. Le besoin de réassurance de l’opinion après des événements hors-normes avait produit une bulle de popularité factice. Le président lui-même s’y était laissé prendre, se lançant dans l’opération « déchéance de nationalité » qui lui était revenue en pleine face, tel un boomerang, par la gauche. A l’arrivée, la droite ne lui avait su gré de rien, et la gauche s’était déchirée.

Au lendemain du 14 juillet, n’ayant bénéficié du respect d’aucune forme d’unité nationale de la part de la majorité de la droite, François Hollande n’accomplira pas de bond spectaculaire dans les sondages, et sa cote de popularité ne s’emballera pas. En revanche, grâce aux erreurs des Sarkozy, Juppé, Douillet et autres Wauquiez, voilà le président en capacité de se tourner vers ses gauches pour leur dire, en substance : « Voyez la différence entre mon gouvernement et ce qu’il vous propose. L’Etat de droit, c’est moi, l’Etat d’exception, c’est eux. La lutte contre le terrorisme dans le maintien des libertés, c’est moi, la lutte contre le terrorisme prétexte à rogner les libertés, c’est eux ». Ce discours était déjà audible, en creux, dans les propos de Julien Dray sur BFMTV ce vendredi.

C’est une affaire de temps long, mais voici les gauches, mais aussi les centristes, modérés et gaullistes, rappelés par la force des choses, au clivage traditionnel qui oppose depuis 1875 les partisans de la République à ses adversaires : l’Etat de droit contre l’Etat d’exception. Dans les semaines qui viennent, le président se posera comme celui qui ne veut pas attenter aux libertés publiques. Pourquoi voudrait-on qu’à 60 ans,François Hollande commence une carrière de dictateur ?

bruno_roger_petit-challengeBruno Roger-Petit

Source challenges

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6 Comments

  1. La présidentielle se jouera sur la sécurité et s’opposer à la droite qui veut plus de protection au détriment des libertés ne permettra pas au Président d’être réélu. Il arrivera à réunir le PS et la gauche et pourra ainsi  » tomber à gauche » .
    Les électeurs préfèrent être profilés et fouillés plutôt que de risquer d’être mitraillés .
    En Israël, personne ne remet en cause l’action des forces de l’ordre et des services spéciaux. Depuis le Bataclan, qu’a fait le gouvernement pour assurer sa première mission , la sécurité des personnes? Des gardes statiques devant les écoles juives et les synagogues.
    Les terroristes arabes veulent tuer un maximum de personnes , des juifs ou des  » kouffars « .
    Valls et Cazeneuve n’ont pas encore décidé de s’attaquer aux sources du mal .

  2. Ces propos sont scandaleux, c’est de la pure démagogie. Maintenant c’est nous qui risquons de devenir des terroristes ! Dray a toujours été un diviseur comme tous les gauchistes.

    Quant à « l’État de droit » socialiste on le connait, c’est celui de l’ex-ministre de la justice Taubira : laxiste et pro-immigrationniste. Car les africains sont une chance pour la France à n’en pas douter…

    S’il faut lutter contre les assassins maghrébo-musulmans avec le même arsenal juridique que celui du temps de paix alors il faut arrêter de dire que sommes en guerre !

  3. Si j’ai bien compris cet inconditionnel, il y a des terroristes moins pires que d’autres. C’est sur quels critères qu’ils changent de catégorie ? Nombre de morts, modus operandi, sacrifice ultime … ?

  4. Le camarade Roger-Petit, auteur habituel d’analyses intéressantes, semble frappé par la maladie qui afflige nos media: le bouclier républicain tissé de façon intrépide par tous nos bavards professionnels qui sortent juste de leur défense audacieuse de l’entreprise menacée par les salariés ignorants.
    Face à cette noble cohorte se dressent des politiques que l’on croyait répartis entre politiciens modérés et hommes d’Etat qui portent une ambition pour notre pays. Tout cela n’était qu’apparence. Tout est maintenant dévoilé: pire que le Front National, LR ne pense qu’à détruire l’Etat de Droit, par perversion naturelle, démagogie et poursuite opportuniste électorale. M. Juppé, le premier, fut démasqué parce qu’il déclarait que l’on aurait pu éviter le massacre de Nice. On voulut lui faire avouer son crime de maladresse. Il persista. il est donc coupable de vouloir établir un Etat d’Exception.

    Je connais un Etat d’Exception, c’est l’Etat imposé par le gouvernement PS pour couvrir son incompétence: no pain, no gain!
    Nos libertés publiques doivent souffrir pour survivre. le Grand Prêtre Elyséen officiait à la grande messe malsaine du culte de la jeunesse hédoniste, victime choisie par le fanatisme terrorisme.
    Nouveau massacre après le fameux Etat d’Urgence qui devait assurer notre survie et la loi liberticide sur le renseignement.
    La Droite, qui n’avait pas eu le courage de refuser ces mesures illusoires, demande des mesures de sécurité, démontrant qu’elles s’inscrivent dans notre continuité constitutionnelle. La voilà transformée en fasciste. Il ne s’agit pas seulement de mesures limitées contre les personnes, il s’agit aussi des mesures pratiques de protection des personnes. Des mesures techniques qui ne semblent pas avoir hanté les pensées du gouvernement PS, tout occupé à ces mesures de renseignement qui fascinent toujours les esprits immatures de la gauche.

    Non! La Droite n’a pas effectué une glissade droitière perverse. Elle propose seulement quelques mesures, d’application restreinte. Ce ne sont pas des mesures d’exception qui frapperaient la République et nos libertés. l’Etat d’Urgence est déjà une mesure
    liberticide qui ne provoque que des ronronnements satisfaits et généraux. Généraux? Justement non! Le Front National s’est opposé à l’Etat d’Urgence et à la loi sur le renseignement. Cela n’a pas frappé nos fins bavards des media. Il semble que seuls les gens d’extrême droite, subversifs par nature, soient capables de comprendre que la subversion n’est pas écornée par des lois liberticides.
    Nous vivons dans le viol permanent de notre Constitution par le Président garant du respect de celle-ci. Les valets de tout poil frémissent en évoquant la terrible autorité salvatrice du Président-chef des armées. Cette autorité n’est qu’un pouvoir de nuisance. Les deux Présidents de la IV° République étaient également chefs des armées, non commandants en chef, tout comme notre chef dérisoire de guerre et chef de guerre dérisoire.
    Cette défense et illustration d’un pouvoir PS failli et condamnable est une abomination.

    Quand au camarade Dray, dont je rappelais hier le triste passé dans l’antiracisme institutionnel, et le mépris des Niçois qui avaient voulu, trop vite, rentrer chez eux, il a dit d’autres choses. Par exemple, que les huées contre notre bouillant Premier ministre, grand spécialiste des hommages divers aux morts et du mépris des vivants, ces huées donc devaient être comparées aux tomates des factieux Algérois contre Guy Mollet. M. Dray n’a pas parlé de factieux, il est trop raffiné pour cela. Il n’a pas indiqué que la faiblesse du gouvernement SFIO avait conduit à un coup d’Etat militaire. Le souvenir de la SFIO est maintenant un souvenir gauchiste pour le PS.
    Le gouvernement PS doit prendre des mesures pour protéger la République et les Français. Il ne le fait pas. Il ment. Il parle d’autre chose. Si cette incompétence vaniteuse continue, si on fait semblant de croire que tout doit être fait contre le FN, ennemi principal de préférence au terrorisme, et très peu pour gouverner, si on insulte des hommes d’Etat confirmés comme M. Juppé, l’arrivée légale du FN au pouvoir est certaine.

  5. J’ai enfin réussi à discerner la nuance qui distingue abstrus et abscons ; c’est celle qui distingue ici les propos de l’un du compte-rendu de l’autre.
    J’ai également compris que l’urgence de l’analyse, à savoir : Qui est l’ennemi, quel est son objectif, quel est sa tactique, que faire ? est parfaitement partagée, et qu’elle ne diffère pour ces Mrs les  » Responsables  » que sur l’identification de l’ennemi : L’adversaire politique, ou le concurrent, ou le peuple !

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