Le camion utilisé pour commettre l’attentat de Nice n’avait pas le droit de circuler jeudi 14 juillet comme tous les poids lourds de plus de 7,5 tonnes et ce, partout en France. Par ailleurs, selon les professionnels du transport, ce camion n’était pas frigorifique.
Comment ce camion de 19 tonnes a pu se retrouver jeudi 14 juillet sur la promenade des Anglais ? Les Niçois et plus particulièrement les chauffeurs-routiers et transporteurs se posent la question depuis l’attentat de Nice qui a fait 84 morts et plus de 300 blessés. “C’est irréel” s’exclame Patrick Mortigliengo, le président de la FNTR (Fédération nationale des transports routiers) des Alpes-Maritimes.
Le camion “n’est pas frigorifique”
D’abord, tous les transporteurs que nous avons contactés affirment avec certitude que ce camion “n’est pas frigorifique“ contrairement à ce qu’a indiqué le procureur de la République de Paris, François Molins, qui expliquait vendredi 15 juillet, que le terroriste avait frappé a bord d’un “véhicule frigorifique de 19 tonnes loué à une société de Saint-Laurent-du-Var“.
Pour Patrick Mortigliengo, “premièrement, les parois des camions frigorifiques sont en plastique étanche et les portes sont beaucoup plus épaisses. Deuxièmement, les camions frigorifiques sont équipés de refroidisseurs de marque Thermo King, Carrier ou autre. Troisièmement, les camions frigorifiques ont des inscriptions sur l’avant du camion où il est notamment indiqué « FR » pour reconnaître que le camion a l’homologation“. Ce camion est en fait un Renault Midlum de livraison.
“Ce camion n’est pas frigorifique” : Patrick Mortigliengo
Le camion circulait en toute illégalité
Frigorifique ou pas, le camion n’avait rien à faire sur la voie publique le 14 juillet car la législation est très claire, elle est la même partout en France. “Sur l’ensemble du réseau routier, les véhicules ou les ensembles de véhicules de plus de 7,5 tonnes de PTAC affectés aux transports routiers de marchandises dangereuses ou non-dangereuses, à l’exclusion des véhicules spécialisés et des matériels et engins agricoles, n’ont pas le droit de circuler du samedi 22h au dimanche 22h. Cette interdiction générale s’applique également les veilles de jours fériés à partir de 22h jusqu’à 22h le lendemain“. Ce camion blanc de 19 tonnes était donc concerné par l’arrêté préfectoral.
En d’autres termes, ce camion circulait en toute illégalité le jeudi 14 juillet. Selon les dernières informations communiquées lundi 18 juillet par François Molins, le procureur de la République de Paris, quand le tueur est venu repérer les lieux “plusieurs selfies de l’auteur ont été pris le 14 juillet sur la promenade des Anglais.”
“L’un à 13h43 devant la plage. Un second à 16h02 devant un camion remorquant un char d’assaut. Un troisième à 16h42 sur la promenade des Anglais. Enfin, un quatrième à 19h25 devant une allée piétonne“. L’exploitation de vidéosurveillance de la ville de Nice confirme également que le terroriste s’est rendu sur la promenade avant de passer à l’acte “au volant du camion” .
Deux heures plus tard, ce camion circule à nouveau sur la voie publique en toute illégalité. A 21h34 le jeudi 14 juillet, Mohamed Lahouaiej Bouhlel est monté à bord du camion dans le quartier Auriol, à l’est de Nice. Une heure s’écoule et il apparaît à 22h30 quartier Magnan avant de prendre la direction de la promenade des Anglais pour commettre son attentat.
“Ce camion n’a rien à faire en ville” Patrick Mortigliengo
La présence de ce camion en ville était illégale à double-titre
En plus de l’arrêté préfectoral, la promenade des Anglais, comme l’ensemble du territoire de la Ville de Nice, fait l’objet d’un arrêté municipal permanent (2014-03878du 29 septembre 2014) interdisant la circulation des véhicules dont le poids total est égal ou supérieur à 3,5 tonnes.
Patrick Mortigliengo, comme ses collègues transporteurs, ne comprend pas comment les forces de l’ordre n’ont pas repéré ce poids lourd. Nice est la ville la plus vidéosurveillée de France avec 1400 caméras visionnées par différents agents 24h/24 au CSU (Centre de supervision urbain). “Ils ne dormaient pas j’espère, pincez-moi, je rêve, un camion passe quatre fois sur la promenade le 14 juillet et personne ne voit rien ! Elles nous servent à quoi toutes ces caméras ? ” demande Patrick Mortigliengo.
Communiqué de la mairie de Nice
La mairie de Nice précise ce mardi soir que ses caméras sont mises à la disposition de la police nationale. La Préfecture des Alpes-Maritimes n’a pas souhaité répondre à nos questions renvoyant au parquet de Paris, chargé de l’enquête. La mairie de Nice a donc répondu ce mardi soir :
“Il existe bien un arrêté préfectoral et un arrêté municipal régissant la circulation des poids-lourd. La Ville de Nice ne peut en aucun cas faire appliquer un arrêté préfectoral. Il existe des exceptions-dérogations à cet arrêté municipal permettant à certains camions de 19 tonnes de circuler en ville et sur la promenade des Anglais. Exemple : livraison, déménagement… Il n’est donc pas possible d’identifier uniquement par les caméras un camions étant autorisé ou non autorisé.
La police municipale effectue des contrôles réguliers et quotidiens sur la Promenade des Anglais. Les caméras du CSU sont aussi mises à disposition de la police nationale. Ces derniers ont le même accès aux caméras que la Police Municipale. Ils peuvent visionner en temps réel, les diriger et ainsi surveiller la circulation tout comme le fait la Police Municipale.
Nous rappelons que la sécurité est une mission régalienne.
Bien que les 1 400 caméras de Nice constituent un maillage de toute la ville, il est impossible d’avoir un agent qui visionne les images de chaque camera de la ville en temps réel. Nous rappelons que ce sont des agents de la police municipale, qui n’avaient pas été réquisitionné par la Préfecture pour le 14 Juillet, mais qui était sur une autre mission sur le terrain, qui ont constaté le camion à son entrée sur la Promenade et qui ont immédiatement donné l’alerte ayant permis à la police nationale de stopper le camion quelques seconde après. Sans leur intervention, le camion aurait pu continuer sa course bien plus loin.”
J’en retiens que les autorités françaises font de la désinformation et racontent n’importe quoi. Alors ? Incompétence ? complicité ? On peut tout imaginer. Quant à la video-surveillance, il y a du ménage à faire : contrôles internes, analyses de risques … De la formation professionnelle s’impose, si possible auprès de professionnels …