« Les économies française et israélienne sont complémentaires »

Amit Lang, directeur général du ministère de l’économie d’Israël, revient sur les perspectives de croissance de son pays, le Brexit et les relations avec la Turquie et la France.

Amit  Lang né en 1970, est titulaire d’une licence en économie, d’un MBA (Master of Business Administration) et d’une maîtrise en Public Policy (formation se rapprochant de celle de l’ENA). Plus original, il est troisième Dan ceinture noire de judo et a été membre de l’équipe olympique d’Israël aux Jeux de Barcelone en 1992. M. Lang a remporté le titre de champion de judo d’Israël à sept reprises et, en 1994, s’est classé 5ème au championnat d’Europe de Judo.amit_lang

L’OCDE a récemment publié une étude sur Israël mettant en garde contre un affaiblissement durable de la croissance. Comment réagissez-vous à ce diagnostic ?

Nous prenons très au sérieux les perspectives de l’OCDE qui, du reste, les a réalisées en collaboration avec nous. Il est vrai que dans les années à venir, la croissance sera plus faible. Mais cela s’explique principalement par des contraintes liées à nos propres limites. Israël est proche de l’utilité maximale de sa force de travail avec un chômage en dessous des 5 % de la population active. Ce plein emploi s’accompagne d’un taux de participation au marché du travail supérieur à la moyenne de l’OCDE. Nous ne pouvons donc pas produire davantage.

Pour nous, ce n’est cependant pas la fin de l’histoire. Le gouvernement travaille à favoriser la mobilité sur le marché du travail en permettant à des travailleurs à faible salaire et à faible qualifications de se diriger vers des métiers plus qualifiés. Nous agissons par exemple au niveau des étudiants pour former davantage d’ingénieurs. Nous espérons pouvoir ainsi former entre 1000 et 2000 ingénieurs de plus chaque année en redirigeant des étudiants en mathématiques vers ces emplois industriels. Nous travaillons également à des plans de formation. Ceci donnera plus de solutions aux entreprises technologiques, notamment, qui sont en demande de force de travail.

Comptez-vous favoriser également l’immigration ?

Nous sommes de plus en plus ouverts aux travailleurs étrangers spécialisés qui peuvent bénéficier plus aisément de visa de travail. Il est facile pour un ingénieur étranger de trouver un emploi en Israël. Les salaires sont très intéressants, souvent au niveau de la Silicon Valley.

Un des principaux défis de l’économie israélienne est de relever le défi de la cohésion sociale. Votre politique va-t-elle dans ce sens ?

L’existence de « deux économies » israéliennes, avec un fossé considérable entre les deux, est un problème central du pays. Nous espérons le réduire en favorisant le travail plus qualifié également pour les emplois de techniciens et pour le secteur des services. Si nous y parvenons, nous pouvons gagner deux fois. D’abord, en dynamisant la croissance, ensuite en réduisant les inégalités sociales.

Le Brexit est-il un sujet d’inquiétude pour Israël ?

Tout dépendra de la forme qu’il prendra. Si les entreprises britanniques n’ont plus accès au marché unique européen et ne peuvent plus stimuler la concurrence. Pour le moment, on ignore quel sera le statut commercial du Royaume-Uni avec l’Union européenne, donc il est impossible d’évaluer l’effet du Brexit. En revanche, je ne m’attends pas à une catastrophe financière. Les banques israéliennes sont solides et stables et nous avons su traverser la crise de 2008-2009.

Plusieurs pays ont fait savoir qu’ils étaient prêts à négocier un accord de libre-échange directement avec le Royaume-Uni. Est-ce le cas d’Israël ?

Oui, s’il y a besoin de négocier, nous négocierons avec le Royaume-Uni notre propre accord. Israël est un petit marché et nous croyons dans les vertus du libre-échange. Le Royaume-Uni est un marché très important pour nous, comme la France ou l’Allemagne.

Israël vient de passer un accord de normalisation de ses relations avec la Turquie. Qu’attendez-vous de cet accord sur le plan économique ?

Nous avons un accord de libre-échange avec la Turquie depuis plusieurs années. Il a continué à fonctionner très bien, même pendant la période de tension, mais avec des limites. Les entités gouvernementales faisaient profil bas. Avec cet accord de normalisation, nous espérons profiter encore davantage de cet accord. La Turquie est, pour nous, un marché important en soi, mais aussi comme porte d’entrée vers d’autres marchés. Nous livrons aussi des composants pour des produits assemblés en Turquie.

L’utilisation des réserves de gaz méditerranéen a-t-elle été un élément clé de cet accord ?

Cela a été davantage une motivation pour la Turquie que pour nous. La Turquie cherche à se libérer de sa dépendance au gaz russe. Pour Israël, il s’agissait davantage d’enjeux économiques et géopolitiques, même si nous sommes heureux de travailler sur le sujet énergétique avec la Turquie.

Comment jugez-vous les relations économiques et commerciales avec la France ?

La France est un pays plein de potentiel, avec beaucoup de compétences industrielles et une tradition forte dans plusieurs secteurs comme l’automobile ou l’aérospatial. Il existe des relations intenses des deux côtés car Israël, avec son économie très innovante et son esprit entrepreneurial important, a beaucoup à apporter aux entreprises françaises. Un des constructeurs automobiles français est ainsi un visiteur régulier de notre pays où il recherche de nouvelles technologies. Et beaucoup d’autres entreprises françaises travaillent avec les entreprises et les start-ups israélienne. A mon avis, cela va encore se développer à mon avis, car il y a une forte complémentarité entre la France et Israël. La communauté juive française joue évidemment un rôle dans l’importance des liens entre les deux pays.

Ces bonnes relations résistent-elles aux relations politiques parfois tendues ?

Ces difficultés géopolitiques liées au conflit avec les Palestiniens n’influencent absolument pas les relations commerciales et économiques, ni les relations sur ces sujets entre les deux gouvernements. En avril, nous avons, par exemple, organisé avec le gouvernement français les « journées de l’innovation ». C’est le même type de relations qui prévaut avec d’autres partenaires, comme le Royaume-Uni ou l’Allemagne.

Etes-vous inquiets par les appels réguliers aux boycott des produits agricoles israéliens ?

Nous surveillons cela de près et c’est une source d’inquiétude, mais je n’ai pas vu de réel impact économique à ces appels qui ont été jugés illégaux dans plusieurs pays.

Après la COP21, quelle est la politique environnementale du gouvernement israélien ?

Le gouvernement s’est engagé à aider financièrement les entreprises pour leur permettre de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est un élément essentiel, parce que cela favorise l’efficacité des entreprises et l’emploi de technologie, donc cela stimule notre marché. Israël est, du reste, bien positionné sur plusieurs marchés technologiques « vertes », comme « l’œil mobile » des véhicules autonomes où Tesla travaille avec des sociétés israéliennes, mais aussi sur le substitut de carburant comme le méthanol.

Source latribune

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