Soixante-et-onze ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale, la justice allemande rend vendredi son verdict contre Reinhold Hanning, un ex-gardien d’Auschwitz, qui pourrait être le dernier condamné pour les crimes nazis.
« J’ai honte d’avoir laissé cette injustice se produire et de ne rien avoir fait pour l’empêcher », avait déclaré l’ancien SS de 94 ans dans une confession lue à l’audience par ses avocats, rompant avec des décennies de silence.
Le tribunal de Detmold (ouest) annoncera sa décision à 12H00 GMT dans la salle des pas perdus du bâtiment, exceptionnellement reconvertie en salle d’audience en raison de l’affluence médiatique et de la présence de parties civiles venues des Etats-Unis, du Canada ou d’Israël.
Pour les survivants de la Shoah et les descendants des victimes, ce procès marque « un grand pas, même tardif » dans « l’examen complet des meurtres de masse à Auschwitz », soulignent leurs avocats dans un communiqué.
Il s’agit pour la justice de sanctionner pour la première fois le rôle d’un SS dans « les différentes formes » de l’extermination, allant des chambres à gaz aux exécutions sommaires et au meurtre « par les conditions de vie », notamment la sous-alimentation, rappellent-ils.
– ‘Rouage’ de l’extermination –
L’accusation a réclamé six ans de prison contre Reinhold Hanning, qui encourt trois à quinze ans d’emprisonnement pour « complicité » dans la mort d’au moins 100.000 Juifs.
M. Hanning est le troisième accusé d’une vague de procédures entamées avec la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ex-gardien de Sobibor, puis celle l’an dernier d’Oskar Gröning, ex-comptable d’Auschwitz, après des décennies de relative indulgence judiciaire.
Deux autres gardiens du camp emblématique de la Shoah devaient comparaître cette année. Mais le procès du premier est suspendu aux experts médicaux, et le second est mort une semaine avant d’être jugé.
Comme pour Demjanjuk et Gröning, l’accusation ne reproche à Reinhold Hanning aucun acte criminel précis mais le dépeint en « rouage » de l’extermination, si massive qu’elle engageait tout le personnel du camp.
La défense a de son côté réclamé l’acquittement, relevant l’absence de preuve d’une « participation directe » de son client aux meurtres, un argument clé sur lequel la jurisprudence allemande a beaucoup varié. Saisie par Oskar Gröning, la Cour fédérale doit trancher ce point avant la fin de l’année.
– ‘Cauchemar’ –
Jeune ouvrier dans une usine de vélo, engagé à 18 ans dans les Waffen SS, Hanning avait combattu aux Pays-Bas, dans les Balkans et sur le front russe. Blessé, il avait été transféré début 1942 à Auschwitz dans l’unité Totenkopf (tête de mort).
Sans prendre la parole, l’accusé a écouté avec attention les récits poignants des anciens déportés, puis a confié à ses avocats 25 pages de confession.
« Je n’ai jamais pu parler de mon expérience à Auschwitz avec d’autres personnes. Ni à ma femme, ni à mes enfants, ni à mes petits enfants », explique l’ex-soldat, devenu laitier-fromager après guerre.
Il « savait », a-t-il reconnu, « qu’une grande partie des gens qui arrivaient en train » étaient « abattus, gazés et brûlés ». « Je pouvais voir comment les cadavres étaient transportés (…) Je percevais les odeurs d’incinération », raconte Reinhold Hanning.
Dépeignant un « cauchemar » qu’il a « essayé toute (sa) vie de refouler », il a assuré avoir demandé par deux fois à retourner au front, en vain.
« Ce n’est pas une déclaration de culpabilité mais une explication du point de vue du spectateur », a déploré Christoph Heubner, vice-président exécutif du Comité international d’Auschwitz.
Quelque 1,1 million de personnes, dont un million de Juifs, ont péri entre 1940 et 1945 à Auschwitz-Birkenau, alors situé en Pologne occupée, un camp libéré par les troupes soviétiques fin janvier 1945. Au total, six millions de Juifs ont été exterminés par les nazis.
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