Dans un bureau de Downing Street, Paris et Londres se répartissent les provinces arabes de l’Empire ottoman alors rallié à l’Allemagne. Les accords Sykes-Picot sont tenus secrets avant d’être révélés en 1917 lors de la révolution d’Octobre en Russie, les bolchéviques découvrant une copie du texte dans les archives du ministère des Affaires étrangères.
Malgré les promesses d’indépendance faites aux Arabes, la France et la Grande-Bretagne découpent ainsi le Moyen-Orient : une zone rouge formée par la Mésopotamie est sous administration directe de la Grande-Bretagne tandis que la France s’approprie une zone bleue comprenant le Mont-Liban, la côte syrienne et la Cilicie.
La Palestine est pour sa part internationalisée, Jérusalem étant une ville sainte pour les trois monothéismes.
Pour le reste, les Etats arabes indépendants gérés par les Hachémites sont partagés en deux zones d’influence et de tutelle : la zone A au nord revient à la France et la zone B, au sud, à la Grande-Bretagne.
Cent ans plus tard, à l’exception de la Palestine et de la Transjordanie devenue Jordanie (la déclaration Balfour de novembre 1917 prévoyant la création d’un Foyer national juif), les lignes créées par les accords Sykes-Picot sont toujours en place, tant bien que mal.
« Ces découpages territoriaux ont été d’une importance capitale puisqu’ils ont déterminé arbitrairement pour chacun de ces Etats sa superficie, sa configuration géographique, la structure de sa population, ses potentialités économiques, ses possibilités d’accès à la mer, l’identité de ses voisins*. »
Des accords stratégiques
Les intérêts des Empires français et britannique à ces accords ne sont pas seulement énergétiques. Pour les Français, ils sont aussi culturels. Bien avant 1916, la France a une influence scolaire et culturelle considérable en Syrie, certains parlant alors d’une « France du Levant ». Pour les Britanniques, il s’agit d’intérêts stratégiques.
Il leur faut absolument maîtriser le Moyen-Orient, passage obligé de la route des Indes. « Il fallait bien que ces deux empires s’entendent, et pas seulement dans la région.
Donc, il y avait nécessairement un compromis à trouver », explique Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée-Moyen-Orient (Iremmo). « La division du Moyen-Orient en plusieurs Etats n’était pas en soi condamnable : les Hachémites l’avaient envisagée dès le début en faveur des fils ainés de Hussein.
Mais elle s’est opérée contre la volonté des populations », analyse l’un des plus grands spécialistes de la région Henry Laurens, professeur au Collège de France. Parce que les accords Sykes-Picot ont imposé des frontières à des populations qui en voulaient d’autres et que les Arabes ont vécu ces accords comme une trahison et une injustice.
« Les Arabes ont dû s’y plier, poursuit Jean-Paul Chagnollaud, mais certains ont su y résister. C’est le cas des Turcs. »
Des frontières à l’épreuve du réel
Si les lignes tracées par les accords Sykes-Picot ont instauré des frontières artificielles, faisant fi des diversités ethniques et religieuses des populations, aucun événement n’est parvenu en un siècle à les ébranler, même pas le panarabisme de Gamal Abdel Nasser puisque la République arabe unie (RAU) ne vivra que trois ans (1958-1961).
« En tant que découpage territorial, le partage a duré, essentiellement parce que les nouvelles capitales et leurs classes dirigeantes ont su imposer leur autorité sur le nouveau pays (…) Quand le nationalisme arabe reviendra en force, il ne reconnaîtra pas la légitimité de ce découpage et appellera à la constitution d’un Etat unitaire, panacée à tous les maux de la région. Les Etats réels seront ainsi frappés d’illégitimité et durablement fragilisés.
La constitution du Foyer national juif entraînera la région dans un cycle de conflits qui semble loin de se terminer », analyse Henry Laurens dans les colonnes du Monde diplomatique en 2003, année de l’invasion américaine en Irak qui a contribué à faire voler en éclat les frontières.
Mais aujourd’hui, les accords Sykes-Picot sont mis à l’épreuve des révolutions arabes, certains allant jusqu’à imaginer la création d’un Sunnistan, d’un Kurdistan et de plusieurs Chiistan.
Une « balkanisation » du Moyen-Orient, en quelque sorte. Pour le directeur de l’Iremmo, il faut prendre le problème à l’envers, sachant par exemple que beaucoup de chiites, de sunnites, se sentent d’abord Irakiens ou Syriens et que de nombreux nationalismes locaux se sont développés dans les Etats de la région.
Les frontières ont ainsi pris de la consistance. « La vraie question est la suivante : quels sont les peuples qui aujourd’hui veulent un toit politique et qui n’en ont pas ? Ceux qui réclament un territoire sur lequel ils pourront être maîtres de leur destin.
Et actuellement il y a deux peuples qui le veulent : les Palestiniens et une partie des Kurdes (ceux du nord de l’Irak puisque les Kurdes de Turquie savent eux qu’il n’en est pas question et réclament plutôt un fédéralisme, comme revendiquent depuis peu les Kurdes syriens). »
Daech bouleverse les accords
En juin 2014, le mur de sable qui marquait la frontière des accords Sykes-Picot entre la Syrie et l’Irak est détruit par le groupe Etat islamique. Tout un symbole. Les jihadistes du groupe EI, comme en leur temps ceux d’al-Qaïda, balaient dès leur arrivée les accords, voulant établir un califat au Moyen-Orient et en finir avec ce qu’ils nomment « le complot occidental ». Les tentatives de panarabisme ayant échoué, l’islam est pour Daech l’élément fédérateur des peuples de la région face à la « domination étrangère ».
Lors de la proclamation de leur califat, les jihadistes publient une vidéo intitulée La Fin de Sykes-Picot. « Cette progression bénie ne s’arrêtera pas avant d’avoir fini de clouer le cercueil de la conspiration Sykes-Picot », y clame Abu Bakr Al Baghdadi après avoir envahi une partie de l’Irak et de la Syrie et gommé les frontières.
Pour le groupe EI, les musulmans sont aliénés par l’Occident. « Daech a transformé les accords secrets signés voilà un siècle en une question politique brûlante et contemporaine », note Rashid Khalidi, historien à l’université Columbia et titulaire de la chaire créée pour Edward Saïd en études arabes modernes.
Et l’historien de poursuivre : « Les gens qui dirigent l’organisation Etat islamique sont d’anciens cadres de l’Irak de Saddam Hussein que l’idiotie des décisions américaines, après l’intervention de 2003, a jeté dans les bras des extrémistes. Ces gens savent parfaitement gérer un Etat, avec férocité et brutalité, mais aussi avec efficacité. Ils sont donc soucieux des frontières, même s’ils sont également pris dans des rhétoriques religieuses, voire apocalyptiques. »
A part ça la France n’a rien à voir avec ce bordel, comme en Afrique…
Curieusement le seul État qui s’en sort malgré l’hostilité ambiante savamment entretenue en premier lieu par la France via les « palestiniens », c’est Israël…
Si les palestiniens voulaient réellement un état, il y a
longtemps qu’ils l’auraient.
Shabbat shalom
Ils veulent un État mais pas s côté mais à la place d’Israël!
Ils finiront bien par avoir aussi la Suède, la Norvège, puis la Russie tellement cette invasion silencieuse que mêmée Merkel ne voit pas, est payante.
Chabbat Chalom
« Quand le nationalisme arabe reviendra en force, il ne reconnaîtra pas la légitimité de ce découpage et appellera à la constitution d’un Etat unitaire, panacée à tous les maux de la région. Les Etats réels seront ainsi frappés d’illégitimité et durablement fragilisés.
La constitution du Foyer national juif entraînera la région dans un cycle de conflits qui semble loin de se terminer », analyse Henry Laurens dans les colonnes du Monde diplomatique en 2003.
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Analyse typique des orientalistes français qui ne reconnaissent dans cette région que les « arabes » et l’islam. Comme au Maghreb…