Les publicitaires étaient tous d’accord pour adopter le slogan destiné à recruter des touristes : La Tunisie, le pays ami.
Un marchand de fleurs proposant ses petits bouquets de jasmin en premier plan puis un pan de mur très blanc avec une porte d’un bleu phénicien et le village de Sidi Bou Saïd dévalant vers la mer, c’était l’image du pays. Douceur de vivre, révolution du jasmin, on chasse le tyran en défilant dans les rues et en scandant : » Dégage »! Et il dégage !
Élections : les islamistes arrivent en tête , se trouvent des alliés pour prendre le pouvoir. Puis tout s’effrite, tout se délite : les industries de transformation n’ont plus de clients et les touristes se raréfient. Il n’y a plus de travail pour le chef de rang du restaurant, pour l’ouvrière de prêt à porter.
La pauvreté puis la colère s’emparent de tous ces malheureux laissés pour compte par les effets de la mondialisation. Le sabotage de l’industrie du tourisme par les actions terroristes précipite le déclin. Et les plus désespérés écoutent les discours des islamistes, cèdent aux sirènes des djihadistes et ils prennent le chemin de la Libye où bouillonnent les révoltes et où se préparent les révolutions.
Nouvelles élections : les islamistes laissent la place aux représentants des partis laïques mais la situation économique ne s’améliore pas et le tourisme s’effondre après que 35 baigneurs britanniques aient été mitraillés sur une plage de Sousse par des terroristes. Puis on va encore plus loin : un groupe venu de Libye veut prendre d’assaut une caserne dans le sud est Tunisie, à Ben Guerdane , un véritable acte de guerre. Les forces de l’ordre tunisiennes arrivent à prendre le dessus.
L’épisode de Ben Guerdane est un indicateur de la dégradation sécuritaire qui est en cours depuis la fin 2012, et qui ne va pas cesser de s’aggraver dans les prochains mois et dans les prochaines années. Un péril majeur plane sur la Tunisie, autrement dit une situation qui pourrait devenir à terme insurrectionnelle en Tunisie, avec le retour des jihadistes.
Si l’on se fie aux dernières estimations de l’Onu, plus de 4 000 Tunisiens sont partis en Irak, 1 000 à 1 500 sont en Libye, et la plupart avec l’EI. Au sein de ce groupe, les Tunisiens sont ceux qui combattent le plus, qui sont les plus déterminés. Dans tous leurs communiqués et dans toutes leurs vidéos, ils manifestent clairement leur intention de mener des attaques terroristes en Tunisie.
Les Libyens qui voulaient mettre fin au pouvoir illimité de Mouammar Khadafi et profiter du vent de liberté qui s’était levé en Tunisie ont réussi à convaincre BHL puis Sarkozy et Cameron de les aider. Le tyran est mort et la Libye est en convulsions et la Tunisie est en péril.
Était-ce prévisible ? La réponse est oui. Oui, certainement. On n’ implante pas la démocratie comme on repique des plants de riz et seuls des grands naïfs pouvaient tomber dans le piège. Écoutez Khadafi dans cette courte vidéo : il prévoyait tout ce qui arrive : terrorisme et exode des migrants .
Pour sauver la Tunisie amie, il faudrait un nouveau Traité du Bardo : un vrai protectorat sans esprit de colonisation.
André MAMOU
Le slogan « pays ami » est publicitaire et il vaut en conséquence. Il rappelle irrésistiblement le terme utilisé par la défunte Union Soviétique pour désigner sa ceinture d’états satellites vassalisés afin de mieux les maintenir sous la botte.
Il n’est pas d’amitié entre pays, seulement convergence ou divergence d’intérêts ; et tant pis pour les nostalgies et les souvenirs d’enfance des uns et des autres.
Il est impossible de faire le bonheur d’autrui malgré lui ; comme dit le vieil adage malien : « on ne peut pas raser la tête de quelqu’un en son absence » ; et son équivalent corse : « on peut amener l’âne à l’eau mais non le faire boire ».
Le catastrophique exemple libyen a démontré, si besoin était encore, aux apprentis-sorciers parisiens, secondés par le mercenaire de la caution morale dit BHL, que la démocratie n’est pas aéroportable.
Inutile donc de la parachuter sur un pays étranger qui n’en veut pas, elle n’y prendrait pas racine même (et surtout…) si on laboure le terrain au préalable par un tapis de bombes.
Chaque contexte géopolitique et culturel (alias « pays ») sécrète, pour le meilleur et pour le pire, sa propre gouvernance.
Ben Ali fut la meilleure chose que la Tunisie pouvait espérer compte tenu de ses données propres ; idem pour Kadhafi en Libye, Saddam en Iraq, Assad en Syrie ; liste évidemment non exhaustive.
Toute intervention extérieure n’y pourrait qu’aggraver la situation et user de ressources, certes humaines et budgétaires mais surtout militaires, qui viennent déjà à manquer.
Non, personne ne peut « sauver » la Tunisie sauf elle-même ; si elle en a la volonté.
Idem pour la France.
« Le Traité du Bardo »…intéressant instructif à regarder sur Wikipédia